Introduction par Gilad Atzmon
Le 30 novembre 2010, Ali Abunimah (photo ci-contre) m’a écrit :
« Ce que vous décrivez comme “juif” pourrait peut-être plus précisément être décrit comme “sioniste” – et alors nous pourrions trouver un terrain d’entente. »
Il n’y a pas besoin d’être un génie pour comprendre le sens de la citation ci-dessus. Abunimah m’a conseillé de désinformer mes lecteurs et mes auditeurs en échange d’un éventuel « soutien politique ». Il voulait me faire adhérer au même mantra progressif juif qui détourne l’attention de cette cruciale idéologie et culture juive qui conduit l’État juif et son puissant lobby. Tout est assez clair, mais une question me vient cependant à l’esprit – pourquoi un Palestinien investit autant de temps et d’énergie à protéger l’État juif d’une telle critique essentielle et cruciale ?
Hier, désespéré d’apaiser ses détracteurs sionistes ainsi que ses partisans juifs de gauche, Abunimah a publié l’ensemble de notre échange sur Electronic Intifada dans l’espoir que quelqu’un là-bas interprète ses paroles comme il souhaitait qu’elles soient interprétées. Cela n’a pas eu lieu ; en fait, il a accompli le contraire et seulement prouvé que je disais la vérité.
J’étais très heureux de lire mes paroles sur Electronic Intifada puisque c’est la première fois que ce site pro-palestinien diffuse une critique de la politique identitaire juive, et avec le recul, la lecture de mes écrits m’a rendu très fier. J’ai vu un argument de principe et persistant basé sur une analyse éclairée de la situation en Israël, en Palestine et au-delà. Et je me plais à penser que c’est précisément cet aspect de mon travail qui unit Dershowitz , Blumenthal, Foxman et Abunimah dans une force anti-Atzmon.
Mais il y a une différence cruciale entre Abunimah et mes détracteurs sionistes. Mes adversaires sionistes essaient en effet de me faire taire, parfois ils m’envoient des menaces de mort et particulièrement Dershowitz, qui a utilisé tous les trucs possibles dans une tentative désespérée de me discréditer – mais jamais il ne m’a demandé de mentir. Jamais il ne m’a demandé de tromper (bien qu’il soit assez bon lui-même pour cela)
La vraie question est : pourquoi Ali Abunimah et moi-même sommes en conflit ? Ne nous battons-nous pas pour la même cause ? Mais aussi, pourquoi Abunimah veut-il que je mente ? Pourquoi Abunimah ment-il lui-même ? Les gens mentent pour une raison, alors quand Abunimah ment, le fait-il pour le peuple palestinien dans la bande de Gaza ou à Jénine ? Est-ce qu’il ment pour les réfugiés de Sabra et Chatila ? Ou bien ment-il pour apaiser ses trésoriers à New York ? J’ai mes réponses, mais pour le moment, je vous laisse juger par vous-même.
Voici l’échange de mail complet entre moi-même, Gilad Atzmon, et Ali Abunimah copié à partir de son site Electronic Intifada [1]. Si vous êtes en mesure d’interpréter le message d’Abunimah différemment, s’il vous plaît faites-le moi savoir...
De : Gilad Atzmon à Ali Abunimah
1 décembre 2010 à 21:18
Cher Ali,
Je me rends compte aujourd’hui que vous êtes contrarié par mon petit discours à Stuttgart.
Il est important pour moi de dire que je parlais de l’identité et de l’idéologie juive plutôt que du peuple juif. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais mentionné le peuple juif, l’appartenance ethnique ou même la race juive !
Cependant, puisque Israël se présente comme « l’État juif », nous devons être en droit d’en savoir plus sur l’identité, l’idéologie et la politique juives.
Je comprends vos préoccupations, je sais exactement d’où vous venez et j’apprécie aussi votre immense contribution au discours. Cependant, en tant qu’artiste et écrivain, je suis en quelque sorte contraint de partager ma vérité avec les autres. Je suis sûr que vous vous rendez compte que c’est l’idéologie et la culture juives qui empêchent les Israéliens de sauter dans le wagon de l’État unique. Même la gauche juive s’arrête avant de le faire.
Je suis en quelque sorte assez sûr que vous le savez vous-même.
Avec tout mon respect,
Gilad.
De : Ali Abunimah à Gilad Atzmon
30 novembre 2010 à 17h16
Cher Gilad, je vous remercie de votre mot. Cependant, je ne l’ai pas entendu tout à fait comme cela et je ne suis pas sûr que les autres non plus et ma crainte est que ce que vous dites puisse conduire non pas à l’éclaircissement, mais a encourager la discrimination de préjugés qui s’approfondissent. Je doute que ce soit votre intention, mais c’est ce qui pourrait en résulter. Ce que vous décrivez comme « juif » pourrait peut-être plus précisément être décrit comme « sioniste » – et alors nous pourrions trouver un terrain d’entente – mais ceci est une discussion plus longue, peut-être que nous aurons une chance de l’avoir en personne une autre fois. Bien sûr, vous avez le droit de dire ce que vous pensez, et vous l’avez toujours fait !
Bien a vous,
Ali.
De : Gilad Atzmon à Ali Abunimah
30 novembre 2010 à 19h11
Cher Ali, je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps... Je vais être très court. Dans mes écrits, je fais une différence entre les juifs (le peuple), le judaïsme (la religion) et la judéité (l’idéologie). Je n’ai jamais parlé de juifs (les gens), je parle à peine du judaïsme en me limitant à une certaine interprétation de celui-ci, pourtant, je suis très critique envers l’idéologie, la politique et l’identité juives.
En Allemagne, j’ai parlé de l’idéologie et de la culture juives. Je n’ai pas dit un mot sur les juifs, le peuple juif, l’ethnicité juive ou la race juive. Je ne le fais pas.
C’est malheureusement un fait que l’universalisme et la réconciliation sont étrangers à l’idéologie juive parce que l’idéologie juive est tribale et se définie par la négation.
Je ne suis pas d’accord que la judéité (l’idéologie) c’est le « sionisme ». Le sionisme est en effet une manifestation de la « judéité ». Je ne vais pas vous épuiser avec ça, je suis sur le point de publier un livre sur le sujet.
Cependant, comme vous le savez, le sionisme n’est pas un discours vivant en Israël. Le sionisme est un discours diasporique. Tant Ilan (Pappe) que moi-même et quelques autres millions n’avons pas été éduqués comme sionistes (juifs attendant la transformation), mais comme Sabras (le fruit du « succès » du sionisme). Nous étions les entités post-révolutionnaires. Donc, l’attaque contre le « sionisme » ne peut guère toucher les Israéliens (et en fait, elle ne fonctionne pas).
Je crois que cette compréhension est cruciale pour la réussite de notre projet. Je pense que nous devons comprendre ce contre quoi nous nous élevons.
J’étais très enthousiasmé de vous entendre avec Ilan. Vous êtes tous les deux incroyables dans ce que vous faites. Cependant, je comprends maintenant que vous n’avez probablement pas approuvé mon approche tactique.
Vous avez peut-être raison, mais comme vous le savez, je fonctionne totalement seul. Je ne fais partie d’aucun mouvement. Je suis totalement indépendant. Je joue tous les soirs, je fais de chacun de mes concerts un rassemblement pour la Palestine et le droit au retour. Je prends l’entière responsabilité de tout ce que je dis. Et je paie aussi le prix quand il y a un prix à payer :)
J’espère vous rencontrer un jour, d’ici peu, afin d’élaborer sur ces questions. Je crois qu’elles sont essentielles.
Paix et merci pour votre attention,
Gilad.
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