Egalité et Réconciliation
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Quand le parti communiste était souverainiste et protectionniste ...

Incroyable, le parti communiste fut un jour souverainiste et protectionniste. A l’époque, le PCF était dirigé par Georges Marchais. Et, surprise, son discours d’alors résonne aujourd’hui curieusement, tant il présageait des dérives actuelles du système. C’est ce qu’a (re)découvert Malakine.

Un petit test qui nous propose de déterminer notre profil politique fait fureur actuellement sur Facebook. Plusieurs tendances sont proposées, dont celle de « communiste », ce qui a surpris et choqué une de mes contacts qui se voyait ainsi qualifiée. J’ai laissé un message expliquant que le test évoquait certainement le communisme de l’époque soviétique qu’elle n’avait probablement pas du connaître. Comme beaucoup, elle croyait que le communisme avait disparu à la chute du mur. En fait, non. La perestroïka ayant commencé dès 1985, il faut remonter à l’époque de Leonid Brejnev et de Georges Marchais pour ce faire une idée de ce qu’était le communisme avant qu’il ne s’éteigne pour ne devenir qu’une caricature de la posture de goch, vraiment à goch pour bat’ la droit’.

Ce petit échange m’a alors donné envie de me replonger dans mes souvenirs d’enfance, à l’époque où le monde était coupé en deux entre les pays dit capitalistes et les pays socialistes, synonyme pour beaucoup à l’époque, de paradis égalitaire et fraternel. J’ai donc parcouru le net à la recherche de vidéos du grand Georges Marchais, cette bête médiatique au talent encore aujourd’hui inégalité, dont je ne manquais aucune de ses héroïques prestations face à Jean Pierre Elkabbach et Alain Duhamel (oui, déjà…) lors de l’émission politique phare du moment Cartes sur table.

Séquence nostalgie

Je n’ai pas tardé à retrouver les coups de gueule de mon premier mentor politique et ses passes d’armes légendaires avec ses intervieweurs préférés, pourtant infiniment plus respectueux à l’égard du personnel politique et de la politique elle-même qu’ils ne le sont aujourd’hui. Quelques éclats de rire plus tard et déjà plein de nostalgie, j’ai voulu retrouver la flamme de mes idéaux de prime jeunesse, ce communisme d’antan dont je parlais plus tôt à mon contact sur Facebook. J’ai passé donc la fin de soirée et jusqu’à une heure avancée, à visionner toutes les vidéos que j’ai pu trouver sur le site de l’INA, à la recherche d’une improbable pépite. Je n’en ai pas trouvé une, mais deux.

Et là, quel choc ! Je me souvenais bien de quelques affiches du PCF au début des années 80 avec écrit en bleu-blanc-rouge « produisons français » mais j’étais loin de me douter que le discours du PC des années 80 était si proche de celui que je tiens aujourd’hui. Parfaitement souverainiste, radicalement protectionniste, farouchement Keynesien, passionnément patriote.

Ce discours n’a (presque) pas pris une ride. On parlait déjà de crise. On dénonçait déjà le grand marché qu’on appelait à l’époque marché commun. On se soulevait contre les diktats de la commission de Bruxelles. On se braquait contre toute forme de dérive atlantiste. On se battait contre l’impérialisme, forcément américain. On accusait les hyper profits du capitalisme qu’on ne qualifiait pas encore de financier. On mettait en garde contre la concurrence des pays à bas coût, à l’époque l’Espagne et le Portugal. On comptabilisait les dégâts de la désindustrialisation en cours. On annonçait la montée d’un chômage structurel à trois millions de chômeurs. On proposait le salaire maximum contre l’explosion des inégalités. On accusait déjà les socialistes de trahison et de tentation d’abandonner les classes populaires pour s’allier avec les milieux d’affaires. On analysait avec précision les débuts de l’offensive néolibérale et de la mondialisation.

Marchais était un précurseur, presque un visionnaire !

Le PC de l’époque ne se contentait pas de dérouler un programme intenable de revendications sociales et salariales, même s’il n’oubliait pas d’en faire. Il proposait un programme économique construit et cohérent. Philippe Herzog, l’économiste du PC qui depuis a mal tourné, affirmait clairement que « ceux qui sont pour une relance de la demande sans protection du marché intérieur mentent » : le protectionnisme de relance avant l’heure.

Il faut dire qu’à l’époque les partis avaient manifestement du temps pour exposer leur analyse et leurs projets. Les séquences que je vous propose de visionner sont issues de la campagne officielle de 1981. On ne parlait pas encore de clip de campagne. Pas d’images montées à toute allure, pas de musique entrainante, pas de slogans accrocheurs. De vraies petites émissions de près de vingt minutes construits comme des exposés pour parler à l’intelligence du peuple et le convaincre d’adhérer à ses thèses. Et ces émissions passaient sur toutes les chaines, puisque toutes étaient publiques, plusieurs fois par jour ! Ah je vous jure, les campagnes électorales c’était quelque chose, à l’époque !

Pour être honnête, on note déjà dans le propos de Marchais les prémices des dérives futures. Dans la deuxième vidéo, lorsque le débat porte sur les pays du tiers monde, on sent déjà que l’internationalisme et le souci du développement des pays les plus pauvres, contient déjà les germes de la pensée bêtasse des échanges commerciaux gagnant-gagnant et du développement réciproque dans la division internationale du travail, que les adeptes de la mondialisation nous servent encore aujourd’hui. On relève aussi un début d’obsession féministe – dont on sent bien qu’elle est encore un peu forcée chez Marchais – qui préfigure la montée en puissance des revendications sociétales qui ne tarderont pas à prendre le pas sur l’analyse économique systémique.

La pensée qui vient immédiatement lorsqu’on se replonge dans cette époque, c’est que le parti communiste d’antan manque cruellement dans le paysage politique actuel : un parti dirigé par un chef médiatique et gouailleux, au phrasé populaire et à la gueule de prolo instruit aux cours du soir, un discours politique qui saurait articuler une exigence de partage de la richesse dans une logique de conflit de classe ,dans un esprit radicalement patriote et souverainiste.

On pense naturellement à Mélenchon. C’est vrai qu’il ressemble beaucoup au Georges Marchais de la grande époque. Il devrait être le nouveau Marchais. Il aurait dû. Mais à trop vouloir être fidèle à l’héritage communiste, il a tenu à s’allier à ce parti qui n’a plus de communiste que le nom, jusqu’à se rendre prisonnier de toute la bienpensance de la gauche posturale.

Georges, reviens, tu nous manques !