Egalité et Réconciliation
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Que se passe-t-il au Liban ?

Le 20 mai, une confrontation sans précédent se déchaîne dans le nord du Liban entre l’armée libanaise et un groupe armé nommé Fatah al-Islam – immédiatement désigné au monde comme l’antenne locale d’al-Qaïda – qui est retranché dans le camp de réfugiés palestinien de Nahr al-Bared. Le même jour, une bombe explose dans un quartier chrétien de Beyrouth. Le 21 mai, une explosion se produit dans un quartier à majorité musulmane de la capitale.

Près de deux semaines plus tard, après un important battage médiatique, l’opinion publique est quasiment convaincue dans son entier qu’il y a des liens entre al-Qaïda et la Syrie et, tout naturellement, l’institution d’un Tribunal pénal international pour juger les assassins du Premier ministre Rafik Hariri – comprendre les officiel Syriens – a été adoptée à l’ONU, tandis que le gouvernement Siniora, très contesté par la rue libanaise, a bénéficié d’un très vaste soutien international.

Une fois de plus, les médias français, par leur silence, se sont fait dans leur quasi-totalité les complices d’une manœuvre d’intoxication servant le grand jeu américain au Proche-Orient.

Que nous a-t-on caché ?

Ce que l’on peut lire dans la presse libanaise et anglo-saxonne ou entendre sur certaines chaînes de TV internationale…

Par exemple, que Bahiya Hariri ( la sœur de feu Rafik Hariri) avait il y a quelques mois fait d’importants dons à un groupe islamiste, le Jund al-Sham (1), dont les membres ont ensuite rejoint le Fatah al-Islam…

Que les groupes jihadistes radicaux étaient jusqu’alors tolérés au Liban par le gouvernement Siniora, parce qu’ils étaient considérés comme une protection contre le Hezbollah (2).

Que l’implantation de Fatah al-Islam dans les camps palestiniens, était favorisée pour faire concurrence au Hamas et au Jihad islamique, et d’autre part pour rompre l’alliance Palestiniens et Hezbollah, et faire éclater une guerre fratricide sunnite-shiite.

Dès février dernier, tout ceci avait fait l’objet d’une longue enquête publiée dans le New Yorker, par le célèbre journaliste d’investigations américain, Seymour Hersh. Citant des sources du renseignement américain et des personnalités arabes, il accusait nommément l’ambassadeur d’Arabie Saoudite à Washington, Bandar ben Sultan ben Abdel Aziz, d’être l’homme des américain qui permettait la mise en place d’une nouvelle stratégie yankee visant à utiliser les fondamentalistes sunnites pour combattre les chiites en Irak, au Liban (le Hezbollah) et ailleurs.

Là est le noeud du problème et il porte un nom : le « chaos constructif ».

A défaut de pouvoir anéantir ses adversaire, et ceux de l’entité sioniste, Washington sème le « chaos constructif » dans la région, dressant les uns contre les autres des régimes, des groupes et des ethnies concurrents.

Après l’Irak où une guerre de religion inter-musulmane a finir par compromettre toute victoire éventuelle de la résistance, le sort fait aux territoires palestiniens occupés a eu pour conséquence que se disputent entre-elles les milices locales, prémisses prévisibles d’une guerre civile inter-palestinienne. Le Liban est maintenant le suivant sur la liste. Par ricochet la Syrie et l’Iran, alliés de certains des protagonistes, sont un peu plus au banc des accusés ce qui est tout bénéfice pour Washington.

Comme on pouvait s’y attendre, la France, renonçant à sa politique étrangère habituelle, glisse de plus en plus du mauvais côté et Nicolas Sarkozy s’est ainsi aligné depuis le début de la crise sur la politique des USA.

Une position logique pour le caniche de Bush et le candidat d’Israël.


NOTES
1 - Le Jund al-Sham, « L’armée du Levant », dont le nom est une référence à la grande région qui a donné son nom à Damas (Sham en arabe) est l’auteur de l’attaque de septembre 2006 contre l’ambassade américaine à Damas, que les services syriens ont empêché suite à des combats très violents. La répression syrienne contre ce groupe, en 2005, fut si violente qu’Amnesty International s’en est ému. Il serait responsable d’un attentant en 2004 à Beyrouth qui a tué un responsable du Hezbollah. Bref, ce groupe semble difficilement à placer du côté des « pro-syriens »... Accessoirement, le Jund al-Sham est sur la liste des organisations terroristes émise par la Russie. Il n’est pas sur la liste des organisations terroristes étrangères du Département d’État étatsunien d’octobre 2005.

2 – C’est ce que le général Aoun, principal dirigeant chrétien libanais, a résumé en posant quelques questions dérangeantes : « D’où est venue l’organisation Fatah al-Islam ? A-t-elle été parachutée ? Les membres de Fatah al-Islam sont rentrés au Liban illégalement. Les services de sécurité étaient au courant mais ils n’ont rien fait pour les poursuivre et les arrêter lorsqu’ils ont franchi les frontières. Les miliciens du groupuscule terroriste ont acquis des habitations, ils se sont armés et de ce fait, ils étaient passibles de poursuites et devaient être appréhendés, mais les services de sécurité sont restés passifs. Quant au pouvoir politique, non seulement il ne s’est pas opposé à ces agissements, mais certains de ses pôles ont été jusqu’à prendre la défense de ces hors-la-loi et à réclamer leur libération. Les éléments de Fatah al-Islam ont poursuivi leur action au Liban, ils ont loué des appartements et ont poursuivi leur expansion dans certaines régions, de même qu’ils ont établi une coopération illégale avec certaines forces locales. »


Par Christian Bouchet

Source : http://www.voxnr.com