En septembre 2012, Le Monde diplomatique écrivait naïvement : « Les choses bougent à Washington, DC. » Il semble que les choses aient plutôt bougé au Monde diplomatique depuis que Serge Halimi en a pris la direction en 2008. L’auteur du best-seller Les Nouveaux Chiens de garde s’affiche désormais entre Bernard-Henri Lévy et Charles Kolb, le président de la French-American Foundation. Un bouleversement pour le « Diplo », qui jadis ne cachait pas sa sympathie pour Fidel Castro ou Hugo Chavez.
Une famille ancrée à gauche
Serge Halimi est né en août 1955.
Il est le fils de Zeiza Gisèle Élise Taïeb dite Gisèle Halimi, du nom de son second époux Paul Halimi, fonctionnaire à Tunis, dont elle est divorcée. Issue de la communauté juive de la Goulette, cette avocate pro-FLN, féministe (signataire du Manifeste des 343 salopes de 1971) fut député apparenté PS au titre du mouvement Choisir en 1981. À l’Assemblée, elle présidera les groupes d’études contre le racisme et le groupe d’étude contre le sexisme (1981-1984). Elle est membre fondateur d’ATTAC.
- Gisèle Halimi
Ainsi Serge Halimi est-il le frère de Jean-Yves Halimi, avocat au barreau de Paris et le demi-frère d’Emmanuel Faux. Ce dernier, journaliste (il présente Europe 1 Soir) est le fils de Claude Faux (« le seul féministe que je connaisse avec Jean-Paul Sartre » dixit Gisèle Halimi dans Libération du 20 février 2002) qui a présidé le Groupement des sociétés réunies, la holding socialiste (cf. affaire Urba, il est longuement cité dans les « cahiers Delcroix »). Sur ses fils, que Gisèle Halimi définit comme « de gauche », Libération raconte : « Elle les voit “trois fois par semaine”, et ce sont d’interminables et virulentes discussions politiques. Souvent, Gisèle Halimi s’est lamentée devant eux de n’avoir jamais eu de fille, “ne serait-ce que pour mettre à l’épreuve mes propres expériences”. »
Un universitaire pourfendeur des médias
Docteur en sciences politiques (économie comparée) de l’université de Berkeley, Serge Halimi a étudié puis enseigné dans cette université américaine (et à celle de Santa-Cruz) pendant huit ans. Maître de conférences en relations internationales à l’université de Paris VIII (apports Europe/États-Unis et le système politique américain) de 1993 à 1999, il a d’abord signé un livre sur la vie politique américaine, À l’américaine. Faire un président (Aubier-Montaigne, 1986).
Ce collaborateur de Charlie Hebdo a publié, en 1993, Sisyphe est fatigué. Les échecs de la gauche au pouvoir, 1924, 1936, 1944, 1981 (Laffont, 1992), un essai sur les socialistes en gouvernement et les espoirs déçus du mitterrandisme. Il a également signé Les Nouveaux chiens de garde (Liber, 1997) – actualisé en 2005 et adapté en documentaire en 2012 –, L’Opinion, ça se travaille (avec Dominique Vidal, Agone, 2000), Le Grand bond en arrière. Comment l’ordre libéral s’est imposé au monde (Fayard, 2004).
Discret dans les médias, mais présent dans les loges
Ce dénonciateur du « journalisme de révérence » réserve ses interventions médiatiques à Daniel Mermet pour Là-bas si j’y suis. Il est pourtant méconnu qu’il a présenté ses différents travaux devant les frères : à la loge République du Grand Orient de France, pour Les Nouveaux chiens de garde, le 25 avril 1998, à la loge Agni, le 18 mars 2002, sur Les Médias et l’économie ; et devant les sœurs, à la Grande Loge Féminine de France devant les loges Ombre & Lumière, La Fraternité, L’Amandier, Les Deux Rives, Le Serpent Vert et Unité où il a planché sur « Comment l’ordre libéral s’est imposé au monde », le 9 avril 2008.


Il est l’une des principales figures d’ATTAC, mouvement de gauche altermondialiste. Cofondateur de l’Observatoire français des médias, il a également participé au lancement de la Fondation Marc Bloch (devenue Fondation du 2-Mars). Il collabore comme pigiste, à partir de 1988, au Monde diplomatique, dont il est devient permanent en 1992, puis rédacteur en chef adjoint en janvier 2006. Le 1er Janvier 2008, il succède à Ignacio Ramonet à la direction du Monde diplomatique.
Imaginé en 1954 par Hubert Beuve-Méry comme le journal des cercles consulaires et diplomatiques, le journal était devenu, dans les années 1970, sous la direction de Claude Julien, tiers-mondiste, post-marxiste avant d’être une référence de l’ « altermondialisme » avec Bernard Cassen et Ignacio Ramonet, à l’image des fondateurs d’ATTAC qui le dirigeaient depuis les années 1990.
- Ignacio Ramonet (à gauche) et Bernard Cassen
À partir de 2005, des conflits internes éclatent aux directions consanguines du « Diplo » (dont les ventes baissent) et d’ATTAC. Au Monde diplomatique, le conflit oppose Cassen et Ramonet d’un côté et Alain Gresh et Dominique Vidal de l’autre côté : « Alain Gresh et Dominique Vidal se situent dans un courant de “gauche internationaliste” qui s’oppose à une mouvance chevènementiste ou “nationale-républicaine”, où l’on retrouve, avec des nuances, Bernard Cassen et le nouveau rédacteur en chef, Maurice Lemoine », explique fort justement Libération du 7 janvier 2006. Ignacio Ramonet et Bernard Cassen quitteront leur poste en 2008 et c’est finalement Serge Halimi qui emportera le morceau, gardant Alain Gresh comme directeur adjoint du journal et Dominique Vidal comme « Responsable des éditions internationales et du développement ».
Le « Diplo » chez l’Oncle Sam
Sous sa direction, Le Monde Diplomatique étendra la distribution de sa version anglaise aux États-Unis à partir de mars 2012. Pour l’occasion, l’Alliance française, la French-American Foundation et le French-American Global Forum mettront les petits plats dans les grands avec une exposition retraçant l’histoire du journal à Washington : « 1954-2012, Another way of viewing the world » et Serge Halimi se déplacera pour un débat sur « L’égalité au niveau mondial » (sic) avec Charles Kolb (président de la French-American Fondation et ancien assistant de George Bush père), et Charles Kupchan (un cadre du Council on Foreign Relations).
Une série de débat, « Le Monde Diplomatique Debates – Washington, DC », sera ainsi organisée sur des sujets tel que « Europe/USA, The North Atlantic Partneship in a time of global crisis » les 27-28 novembre 2012, avec Jean-Marie Colombani, Bernard-Henri Lévy, l’ambassadeur de France aux États-Unis François Delattre et Charles Kolb, entre autres. Le Serment de Tobrouk (le film de Bernard-Henry Lévy) y sera diffusé, Serge Halimi intervenant sur « Europe, États-Unis : existe-t-il un modèle occidental ? ».
- La une du Monde diplomatique d’octobre 2013
Alain Soral sur Serge Halimi, Le Monde diplomatique et autres chiens de garde médiatiques (extrait de l’entretien d’octobre 2013) :
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.
Visiter le site de la revue : faitsetdocuments.com.