Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Sarkozy comme Schwarzy !

Bon, ben voilà : “il” a fini par gagner. Même si, pour “lui”, ce n’est pas gagné d’avance, en France, dans les mois à venir. La preuve en est l’analyse de texte qui suit, celle de sa première déclaration de président de la République. Ou de futur gouverneur des futurs États-Unis d’Europe, tel que l’a remarqué Jean-Marie Le Pen ? Nicolas Sarkozy, une sorte d’Arnold Schwarzenegger à la française ?

« Mes chers compatriotes, en m’adressant à vous ce soir dans ce moment qui est, chacun le comprend, exceptionnel dans la vie d’un homme, je ressens une immense, une sincère et une profonde émotion. J’éprouve depuis mon plus jeune âge la fierté indicible d’appartenir à une grande, à une vieille, à une belle nation, la France. J’aime la France comme on aime un être cher, qui m’a tout donné. Maintenant, c’est à mon tour de rendre à la France ce que la France m’a donné ce soir. » C’est, presque mot pour mot, le discours d’investiture de Schwarzenegger au poste de gouverneur de Californie. C’est, aussi, là encore, presque mot pour mot, le discours de SOS Racisme lu à l’envers : la France est une terre d’immigration. Sauf que la prime n’est plus aux “bon à rien”, mais aux “prêts à tout”. Le fils de l’aristocratie hongroise vaudra donc toujours mieux que l’Arabe ou le Noir ayant trimé dur sur les chantiers ; tout comme le culturiste autrichien ayant fait fortune à Hollywood pèsera toujours plus lourd que l’immigré clandestin venu du Mexique pour cueillir des fraises californiennes. Il y en a pour lesquels la vie est plus douce qu’à d’autres ; celle de Sarkozy n’a pas été plus rude que ça, la preuve en est qu’il se pose là à la fois comme victime et vainqueur. Sauf qu’il n’est victime que de loin. Et vainqueur, à la manière du coucou, volatile connu pour faire son nid dans celui d’autres oiseaux. Schwarzy, lui au moins, s’adresse au peuple américain avec une indubitable reconnaissance. Les USA sont une terre d’immigration ; il est dans son rôle, alors que l’autre nous parle comme à un banquier qui lui aurait accordé un découvert illimité. Quitte à nous de régler plus tard ses agios.

« Le peuple français a choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé. Je vais donc réhabiliter le travail, l’autorité, la morale, le respect, le mérite. Je vais remettre à l’honneur la nation et l’identité nationale. Je vais rendre aux Français la fierté de la France. Je vais en finir avec la repentance, qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires, qui nourrit la haine des autres. » Une fois encore, rhétorique de “droite” exprimée avec des mots de “gauche”, qui va à l’inverse des phrases précédentes, mais toujours marquée de la même subversion du langage et des idées : l’original (Le Pen) n’est plus confronté à la copie (Sarkozy), mais à sa contrefaçon, si ce n’est à sa caricature. Au moins Sarkozy aura-t-il compris qu’une page s’était enfin tournée. Que les Français avaient finir par clore le cycle de mai 68, tout comme leurs parents avaient fait de même de celui du gaullo-giscardisme, le 10 mai 1981. Cruel paradoxe, que ce travail initié, entre autres, par Jean-Marie Le Pen, depuis près d’un demi-siècle, et dont il n’aura même pas pu recueillir les fruits. Pour l’instant, s’entend, sachant qu’un Sarkozy parlant de « l’honneur de la nation » ou de l’hypothétique création d’un ministère de L’immigration et de l’Identité nationale, produit un effet à peu près aussi crédible qu’un Samy Naceri s’apprêtant à ouvrir une école de maintien ou un Jean-Luc Delarue mettant la dernière main à la rédaction d’un code de bonnes manières à destination des hôtesses de l’air…

« Je veux lancer un appel à nos partenaires européens, auxquels notre destin est profondément lié, pour leur dire que, toute ma vie, j’ai été Européen, que je crois profondément, que je crois sincèrement en la construction européenne et que, ce soir, la France est de retour en Europe. » L’avait-elle seulement quittée ? Non, les Français, de droite comme de gauche, ont seulement jugé bon de voter pour une autre Europe, une Europe des nations, une Europe de la coopération d’États souverains ; Europe gaullienne, donc. Laquelle, par un autre paradoxe, plus ironique que cruel, est depuis longtemps incarnée, en idées comme en actes, par le même Jean-Marie Le Pen.

« Je veux lancer un appel à nos amis américains pour leur dire qu’ils peuvent compter sur notre amitié, qui s’est forgée dans les tragédies de l’Histoire que nous avons abordées ensemble. Je veux leur dire que la France sera toujours à leur côté quand ils auront besoin d’elle, mais je veux leur dire aussi que l’amitié, c’est accepter que ses amis puissent penser différemment, et qu’une grande nation comme les États-Unis a le devoir de ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique, mais au contraire de prendre la tête de ce combat, parce que ce qui est en jeu c’est le sort de l’humanité tout entière. La France fera de ce combat son premier combat. » Rusé. Suspecté d’être trop atlantiste, Sarkozy s’en prend aux USA ; mais, évidemment, pour de mauvaises raisons. Il aurait pu leur reprocher leur politique étrangère désastreuse, leur soutien pavlovien à l’État d’Israël, consistant, entre autres horreurs, à bâtir un autre mur de la honte, en Palestine, près de vingt ans après la chute de celui de Berlin, la mise à feu et à sang du Proche et du Moyen-Orient, le fourbe génocide du peuple irakien, qui dure maintenant depuis plus de dix-sept ans. Il préfère les attaquer à fleuret moucheté sur les accords de Kyoto, sur un réchauffement de la planète, certes constatable, mais dont les scientifiques peinent à trouver les causes. Quoiqu’il en soit, c’est la première fois qu’un Président tout frais émoulu saluera aussi chaleureusement un autre peuple que celui qui l’aura élu. Du jamais vu. Mais avec lui, on aura décidément tout vu et on n’a surtout pas fini d’en voir.

« Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée pour leur dire que c’est en Méditerranée que tout va se jouer, qu’il nous faut surmonter toutes les haines pour laisser la place à un grand rêve de paix et à un grand rêve de civilisation. » Merci Le Pen, une fois encore ! À Le Pen “l’Africain”, le premier à avoir, dès 1986, demandé, à l’Assemblée nationale, l’annulation globale de la dette du tiers-monde, le premier à avoir tracé, à grands traits visionnaires, ce que pourrait être l’Eurafrique de demain. Là encore, caricature sarkozyste oblige, cette Afrique n’est pour lui qu’une pompe à fric, ses amis du grand patronat étant déjà sur les starting-blocks pour continuer de piller les ressources naturelles de nations encore plus ruinées par une décolonisation cynique que par la colonisation de jadis, certes paternaliste et induite par les idéaux racistes de la gauche d’alors, mais qui, toutes choses bien pesées, lui fut pourtant moins néfaste. En attendant, son « immigration choisie » ne sera jamais rien d’autre que la remise à l’honneur des anciens marchés aux esclaves…

« Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, de l’humanisme. À tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et par les dictatures, je veux dire à tous les enfants à travers le monde, à toutes les femmes martyrisées dans le monde, je veux leur dire que la fierté et le devoir de la France sera d’être à leurs côtés. La France sera au côté des infirmières libyennes enfermées depuis huit ans. La France n’abandonnera pas Ingrid Betancourt, la France n’abandonnera pas les femmes qu’on condamne à la burka, la France n’abandonnera pas les femmes qui n’ont pas la liberté, la France sera du côté des opprimés du monde. C’est le message de la France, c’est l’identité de la France, c’est l’Histoire de la France. » Royal au bar et que le garçon nous remette la tournée ! Déjà qu’il avait promis que toutes les femmes battues de la planète pourront obtenir, automatiquement, la nationalité française, voilà qu’il nous assure que son futur gouvernement déclarera la guerre au monde entier. À la Colombie. À Cuba. À la Corée du Nord. À l’Afghanistan ? Non, nous y sommes déjà, avec les glorieux résultats qu’on connaît : montée en puissance des Talibans et du trafic d’opium. Mais, à un homme qui ne sait même pas si la nébuleuse d’El Quaida est sunnite ou chiite, il serait inutile de trop exiger. Même ça, Arnold Schwarzenegger doit le savoir. La différence entre ces deux gouverneurs ne tient pas forcément qu’aux muscles, mais aussi aux neurones allant parfois avec. Dans un cas comme dans l’autre, le Schtroumpf goitreux qui devrait présider à nos destinées, les cinq années à venir, a perdu d’avance. La prochaine fois qu’on élit un président français, c’est quand ?


Par Béatrice Péreire