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Sarkozy propose des sanctions contre l’iran HORS de l’ONU

La France est disposée à passer à une phase de sanctions contre l’Iran en dehors du cadre de l’ONU. Ce tournant a été imprimé par le président français, Nicolas Sarkozy, sans faire, pour l’heure, l’objet d’annonces publiques, et sans qu’une décision n’ait encore été prise quant au contenu de telles sanctions.

Il s’agit d’un changement car, sous la présidence de Jacques Chirac, une approche de nature unilatérale, hors de l’ONU, était rejetée par l’Elysée. Les Etats-Unis appliquent depuis les années 1980 une série de sanctions unilatérales, notamment d’ordre financier, contre la République islamique.

Les diplomates français ont désormais intensifié la réflexion, aux côtés de leurs interlocuteurs américains et d’autres Européens, à propos de mesures coercitives supplémentaires contre l’Iran hors ONU. L’idée d’agir en dehors de l’ONU a été évoquée à Paris fin juin, lors d’une rencontre entre M. Sarkozy et la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, en marge d’une réunion sur le Darfour. M. Sarkozy a alors signifié qu’il était ouvert à cette option. En avril, pendant la campagne électorale française, M. Sarkozy avait déjà indiqué que, pour lui, des sanctions hors ONU ne posaient "pas un problème de principe".

La recherche de nouveaux moyens de resserrer l’étau contre l’Iran est motivée par un double constat. D’une part, Téhéran refuse toujours de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium, en dépit des injonctions successives du Conseil de sécurité. D’autre part, le processus de négociations à l’ONU sur une troisième résolution contenant des sanctions risque de s’enrayer - du moins de traîner en longueur.

Un élément nouveau, intervenu cet été, menace en effet de fissurer l’unité entre les grandes puissances à l’ONU sur le dossier nucléaire iranien. Il s’agit d’un accord conclu le 21 août, entre l’Iran et le secrétariat de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), sur un "plan d’action" où Téhéran s’engage à répondre de façon échelonnée, jusqu’en novembre, à une série de "questions en suspens" sur ses activités nucléaires, qui sont soupçonnées de comporter un volet militaire.

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ne voient pas cet accord d’un bon oeil. Ils ont rappelé que la demande centrale faite à l’Iran, par la communauté internationale, était de suspendre l’enrichissement d’uranium, et qu’il n’était pas question de s’y soustraire en détournant l’attention vers d’autres questions. Ils ont réitéré leur intention de préparer à l’ONU un troisième train de sanctions.

La Russie, en revanche, a déjà fait passer le message aux Occidentaux que l’accord sur le "plan d’action" était à prendre en compte et qu’il ne fallait pas presser la cadence vers de nouvelles sanctions à l’ONU. Elle pourra aussi tirer argument du fait que, dans son dernier rapport sur les agissements nucléaires de l’Iran, le directeur de l’AIEA, Mohamed ElBaradei, a qualifié l’accord de "pas en avant significatif".

Le consensus à l’ONU sur l’Iran avait été obtenu avec difficulté à l’été 2006. Il portait sur un double mécanisme de "carotte" et de "bâton" : les Etats-Unis acceptaient de s’associer à une offre européenne de coopération avec l’Iran appuyée par Moscou, tandis que la Russie acceptait de voter des sanctions à l’ONU. Ce processus a mené à l’adoption de deux textes de sanctions, en décembre 2006 et en mars 2007.

Le passage à des sanctions hors ONU constituerait une rupture dans le traitement diplomatique de ce dossier, assuré au niveau européen depuis 2003 par trois pays, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Un consensus pourrait être difficile à arracher entre Européens car des pays comme l’Allemagne et l’Italie ont de forts intérêts économiques en Iran. L’Union européenne a déjà adopté, par le passé, des mesures contre l’Iran séparément de l’ONU - notamment un embargo sur les ventes d’armes et des restrictions de visas. Mais cela s’était fait assez discrètement. M. Chirac se méfiait d’un engrenage de sanctions pouvant mener à un conflit armé, ou à des risques d’attentats. Dans un discours prononcé lundi, M. Sarkozy a parlé de "sanctions croissantes" contre l’Iran. "L’alternative catastrophique" serait le fait d’avoir à choisir entre "la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran", a-t-il dit. Les efforts français portent donc sur la préparation de sanctions à l’ONU, mais aussi en dehors - si le front commun avec les Russes devait se rompre.


Par Natalie Nougayrède

Source : http://www.lemonde.fr