Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Show électoral aux USA

par Thierry Meyssan

Au cours des 30 dernières années, aucune élection présidentielle US n’a marqué de changement dans la politique extérieure de Washington. Les décisions importantes ont toujours été prises en dehors de cette échéance. Il est tout à fait évident que le président est le maître d’œuvre d’une politique dont il n’est pas le décideur. L’impérialisme yankee sera t-il plus performant avec le sourire d’Obama ou avec celui de Romney ?

Tous les quatre ans, l’élection du président des États-Unis donne lieu à un show planétaire. La presse dominante parvient à convaincre l’opinion publique internationale que le peuple états-unien désigne démocratiquement l’homme qui dirigera les affaires du monde.

Dans certains pays, notamment en Europe, la couverture médiatique de cet événement est aussi, sinon plus, importante que celle de l’élection du chef d’État local. Implicitement, la presse insinue que si ces États sont des démocraties, leurs citoyens ne décident pas de leur avenir, lequel dépend du bon vouloir de l’hôte de la Maison-Blanche. Mais alors, en quoi ces États sont-ils des démocraties ?

C’est que l’on confond scrutin électoral et démocratie. Cette remarque s’applique aussi aux États-Unis. Leur grand show électoral serait la preuve qu’ils sont une démocratie vivante. Ce n’est évidemment que poudre aux yeux. Contrairement à une idée répandue, le président des États-Unis n’est pas élu par son peuple, ni directement, ni au second degré. Le peuple US n’est pas souverain et les citoyens ne sont pas électeurs. Le président est choisi par un collège de 538 personnes, les seuls électeurs, désignés par les États fédérés, les seuls souverains. Au fur et à mesure du temps, l’habitude a été prise par les États fédérés de consulter leurs citoyens avant de désigner le collège d’électeurs.

L’affaire Gore contre Bush (2000) aura rappelé que l’avis des citoyens n’est que consultatif. La Cour suprême a considéré qu’elle n’avait pas à attendre le recomptage des voix en Floride pour proclamer le vainqueur. Pour elle, seul importait que l’État de Floride désigne ses électeurs, et pas du tout de savoir ce qu’en pensaient ses habitants.

L’illusion ne s’arrête pas là. Lorsque George W. Bush logeait à la Maison-Blanche, personne n’imaginait qu’un homme aussi inculte et incompétent puisse exercer la réalité du pouvoir. Chacun pensait qu’une discrète équipe l’exerçait pour lui. Pourtant, lorsque Barack Obama lui a succédé, beaucoup ont déduit que puisqu’il était plus intelligent, il était le pouvoir. Mais comment croire que l’équipe qui exerçait le pouvoir sous Bush y aurait spontanément renoncé sous Obama ?

Regardons un instant l’agenda du président US : audiences, discours et inaugurations se succèdent sans interruption. A quel moment cet homme aurait t-il le temps de s’informer sur les sujets à propos desquels il lit des discours ? Il n’est pas plus président que les présentateurs des journaux télévisés ne sont journalistes. Ils font en fait le même métier : lecteurs de prompteurs.

Pourtant, nous sentons confusément que le show Obama-Romney n’est pas uniquement un spectacle ; que quelque chose se décide. En effet, dans le système constitutionnel US, la première fonction du président, c’est de nommer les titulaires de plus de 6 000 postes. L’alternance politique s’apparente ainsi à une vaste migration des élites. Des milliers de hauts fonctionnaires et des dizaines de milliers d’assistants et de conseillers pourraient être renvoyés au profit de nouveaux, qui seraient majoritairement des anciens de l’ère Bush. L’élection présidentielle US détermine les carrières personnelles de tous ces gens. Et avec elles, son cortège de corruption en faveur de telles ou telles multinationales. Il y a donc des raisons d’investir de l’argent, beaucoup d’argent dans ce duel.

Et la politique internationale dans tout cela ? Au cours des dernières années, les changements ne sont pas survenus lors des élections présidentielles, mais durant les mandats. Bill Clinton (1993-2000) devait poursuivre la réduction des budgets militaires après la disparition de l’URSS et apporter la prospérité économique, mais en 1995 il procéda au réarmement des États-Unis. George W. Bush (2001-2008) devait rationaliser le Pentagone et mener une « guerre sans fin », mais fin 2006, il stoppa le processus de privatisation du Pentagone et commença à préparer les retraits d’Afghanistan et d’Irak. Barack Obama (2009-2012) devait poursuivre le retrait et redémarrer à zéro les relations avec la Russie et le monde musulman. Finalement, il a construit le bouclier antimissile et soutenu une révolution colorée en Égypte et des guerres en Libye et en Syrie. Chaque fois, les lecteurs de prompteurs ont opéré sans états d’âme des virages à 180 degrés, trahissant toutes les promesses faites à leur peuple.

Le problème de la classe dirigeante US est de trouver le lecteur de prompteur le plus adapté pour justifier les prochains virages politiques. En ce sens Romney représente une nouvelle rhétorique. Il ne cesse de réaffirmer que l’Amérique a vocation à diriger le monde, tandis qu’Obama admet que le monde puisse être ordonné par le droit international. L’actuel président essaye de résoudre les problèmes économiques en réduisant significativement les dépenses militaires et en transférant le fardeau de la guerre sur ses alliés. Par exemple, il a sous-traité la destruction de la Libye aux Français et aux Britanniques. Au contraire, Romney affirme que, pour fonctionner, l’économie US a besoin que ses forces armées patrouillent dans les airs et dans toutes les eaux internationales. Par conséquent, il entend maintenir le niveau des dépenses militaires, à la fois malgré la crise et pour la résoudre.

Insoutenable suspense : qui de Barack Obama ou de Mitt Romney sera choisi pour lire le teleprompteur présidentiel VSS-20 ? Quelle que soit l’option choisie, le fond ne changera pas. Les États-Unis veulent se dégager du Proche-Orient dont ils sont devenus moins dépendants au plan énergétique. Ils ne pourront le faire qu’en partageant cette région avec la Russie.

S’il reste à la Maison-Blanche, Obama présentera cette évolution comme un progrès du multilatéralisme. Si Romney le remplace, il prétendra mener une stratégie reaganienne et attacher un fil à la patte de l’Ours russe pour l’empêtrer dans des conflits interminables. En définitive, sur ce sujet et sur les autres, la seule conséquence de l’élection présidentielle US sera le choix des arguments utilisés pour nous convaincre que l’Amérique est une démocratie agissant avec puissance et bienveillance. De quoi nous plaignons-nous ?

 






Alerter

13 Commentaires

AVERTISSEMENT !

Eu égard au climat délétère actuel, nous ne validerons plus aucun commentaire ne respectant pas de manière stricte la charte E&R :

- Aucun message à caractère raciste ou contrevenant à la loi
- Aucun appel à la violence ou à la haine, ni d'insultes
- Commentaire rédigé en bon français et sans fautes d'orthographe

Quoi qu'il advienne, les modérateurs n'auront en aucune manière à justifier leurs décisions.

Tous les commentaires appartiennent à leurs auteurs respectifs et ne sauraient engager la responsabilité de l'association Egalité & Réconciliation ou ses représentants.

Suivre les commentaires sur cet article

  • #248841
    Le 27 octobre 2012 à 21:54 par teru
    Show électoral aux USA

    ils sont pareil les deux...la peste et le cholerat.

     

    Répondre à ce message

    • #248928
      Le Octobre 2012 à 01:15 par mr pomme de terre
      Show électoral aux USA

      Romney est beaucoup plus dangereux. Le mormonisme est un schisme chretien qui existe depuis 1830. C’est de l’heresie et l’histoire du mormonisme aux Etats-Unis ressemble beaucoup a une cinquieme colonne.

       
    • #248945
      Le Octobre 2012 à 02:03 par Corso
      Show électoral aux USA

      "Romney est beaucoup plus dangereux."

      L’un n’est pas plus dangereux que l’autre. Ce sont tous deux des marionnettes, des vitrines. Ils appliqueront ce qui leur sera dicté. Ce ne sont pas eux qui décident, ça se passe derrière le rideau. Et c’est comme ça depuis des décennies. Politique intérieure, politique internationale, etc. Alors il y a sans doute de légères nuances sur le discours en apparence - histoire de faire semblant de se démarquer - mais ça s’arrête là. Les finalistes à la présidentielle ne sont pas là par hasard. D’ailleurs tous les candidats officiels (mis à part peut-être Ron Paul) sont les larbins de l’oligarchie.

       
    • #249001
      Le Octobre 2012 à 05:45 par Un Américain
      Show électoral aux USA

      Ouais, "Obama est moins pire". C’est calculé pour.

      Et en plus Obama est un bro.

       
  • #249012
    Le 28 octobre 2012 à 08:15 par Marks
    Show électoral aux USA

    Ils sont pareil tout les deux !! Et les americains Con comme ils sont vont voter en pensant que l’un est moins pire que l’autre, comme en france d’ailleurs.

     

    Répondre à ce message

    • #250156
      Le Octobre 2012 à 19:35 par Tomcat
      Show électoral aux USA

      Halte là il faut arrêter avec ce "américains cons comme ils sont" S’il y a 50% d’abstentions depuis des décennies c’est peut-être qu’ils ne sont pas si cons que ça non ? Faut sortir des poncifs un peu... ! Les érudits peuvent rejoindre les acculturés sur un point : le bon sens et la méfiance instinctive vis à vis du du pouvoir. Pas si difficile quand on y pense...

       
  • #249038
    Le 28 octobre 2012 à 09:44 par Untouch77
    Show électoral aux USA

    On va en baver..
    Quant à Ron Paul, le seul qui était sur une ligne différente mais cohérente, opposé à ce que les USA soient impliqués dans toutes ces guerres illégales et coups fourrés aux quatre coins de la planète il a été taxé d’antisémitisme et voilà on se retrouve avec ces deux là...Je recommande de voir sur youtube "rap news 16 I have a drone", sur les non-débats entre Obama et Romney, très très bon et drole au passage, de la quenelle pure :)

     

    Répondre à ce message

  • #249074
    Le 28 octobre 2012 à 11:28 par oXid57
    Show électoral aux USA

    Pour résumer, les Américains ont donc le choix entre Coca-Cola et Pepsi. Du pareil au même !

     

    Répondre à ce message

  • #249141
    Le 28 octobre 2012 à 13:57 par Emmanuel
    Show électoral aux USA

    Pourquoi Thierry Meyssan dit-il que les Etats-Unis sont aujourd’hui moins dépendants énergétiquement du Proche-Orient ?

     

    Répondre à ce message

    • #249337
      Le Octobre 2012 à 18:41 par Leon
      Show électoral aux USA

      Parcequ ils sont entrain de detruire leur sous sol (fracking /gaz de schiste) a une telle cadence que les etats unis devraient passer d importateur a exportateur de gaz naturel d ici peu.

      Il y aussi des projets de pipelines qui rentrent en compte .. et toutes ces guerres pour le petrole depuis 15 ans...

       
  • #249722
    Le 29 octobre 2012 à 10:40 par Jasmin Indien
    Show électoral aux USA

    http://img713.imageshack.us/img713/...
    le dessin d’Obama aux toilettes
    sur le prompteur de l’urinoir du président
    1. pisser
    2. descendre la braguette
    3. secouer
    4. remonter la braguette

    Le garde du corps
    Secteur West, nous avons une urgence serpillière de niveau 4. Henshaw déconne encore avec le prompteur de l’urinoir du président.

    http://farm3.static.flickr.com/2207...
    la photo les 4 présidents
    titre : La crédulité
    c’est l’art de gober la croyance selon laquelle un coté d’une kleptocratie à deux partis ne va pas te baiser comme une vierge bourrée dans une orgie romaine.

     

    Répondre à ce message

  • #250130
    Le 29 octobre 2012 à 19:13 par lulu
    Show électoral aux USA

    "Il est tout à fait évident que le président est le maître d’œuvre d’une politique dont il n’est pas le décideur."

    Oui, mais ce qu’il faudrait, c’est éviter c’est une période de transition entre les deux lascars, car ce laps de temps de 6 mois est une aubaine pour qui voudrait entraîner les Usa dans une guerre...

    Et c’est pour cette période de transition qu’ils devraient faire passer Romney.

     

    Répondre à ce message