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Suites joyeuses du référendum irlandais - La construction européenne est impossible

Le rejet du traité de Lisbonne par le référendum irlandais provoque chaque jour un nouvel éclat. La spirale de l’inéluctable désintégration de l’Union européenne a peut-être commencé à s’enclencher.

Le Premier ministre polonais Donald Tusk vient de créer un incident diplomatique très rare, en jugeant "inacceptables" les déclarations de Nicolas Sarkozy qui avait indiqué hier qu’il n’y aurait pas de nouvel élargissement de l’UE sans entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

"L’opinion selon laquelle le référendum en Irlande rend la perspective européenne pour la Croatie, la Serbie ou l’Ukraine impossible est inacceptable"
, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à l’issue du sommet européen à Bruxelles, avant de cibler plus précisément son attaque : "Des dirigeants européens ont posé des conditions pour de nouveaux élargissements, par exemple le président français. Nous ne poserons jamais de telles conditions".


Le gouvernement polonais exige que l’élargissement se poursuive vers la Croatie, la Serbie, l’Ukraine et la Turquie


M. Tusk, réputé très proche des intérêts américains, a ensuite martelé : "Ce n’est pas l’Ukraine, ce n’est pas la Serbie, ce n’est pas la Croatie ou la Turquie qui ont tenu un référendum avec pour résultat un non ! Il ne doit pas y avoir de lien quel qu’il soit entre le traité de Lisbonne et un nouvel élargissement de l’UE !".

Prouvant que l’attaque polonaise contre la position française était bien concertée au nouveau gouvernemental, le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski a jeté plusieurs louches d’huile sur le feu.

Après avoir exprimé son "incompréhension face au lien fait avec l’élargissement", le ministre polonais a décoché une remarque pleine de venin : "Les trois pays d’Europe occidentales où il y a eu un "non" [Pays-Bas et France en 2005, Irlande] devraient plutôt regarder dans leur propre jardin pour comprendre les raisons de l’échec". Semblant prendre les attaques contre l’élargissement également comme une attaque contre son propre pays, entré dans l’UE en 2004, M. Sikorski a conclu : "Il est temps de porter un regard plus équilibré sur l’élargissement et sur ce qu’ont été ses contributions".


Une pétaudière ingouvernable


Cette nouvelle empoignade prouve que, décidément, rien ne va plus dans le petit monde des dirigeants européistes. La construction européenne est devenue une pétaudière ingouvernable où tout le monde s’insulte, se hait, et s’envoie à la tête les cadavres du placard.

Chaque algarade fait remonter à la surface les rancoeurs accumulées de part et d’autre. Hier, c’est l’Allemagne qui demandait la tête de l’Irlandais McCreevy, parce que les Allemands ne supportent plus de voir cet Irlandais d’une fatuité sans égale s’attaquer à la police des jeux en Allemagne puis aux intérêts cruciaux de Volkswagen. Quelle légitimité a-t-il d’ailleurs pour régenter les affaires des Allemands ?

Aujourd’hui, les Polonais s’en prennent très violemment à la France parce qu’ils savent parfaitement ce que, derrière les sourires hypocrites, l’on murmure dans les allées du pouvoir à Paris. A savoir que l’élargissement vers l’est est un désastre économique, financier, social et géopolitique de première grandeur pour la France. Et que même Nicolas Sarzkozy – dont toutes les chancelleries connaissent pourtant l’alignement servile sur Washington - n’est pas enchanté de voir entrer dans l’Union européenne de nouveaux pays de l’est soucieux de nous piquer ce qui nous reste d’emplois et de finances publiques.

De fait, les Polonais et les autres pays de l’est ne sont pas entrés dans l’Union européenne pour les yeux de chien battu de Robert Schuman ou la prononciation chuintante de Valéry Giscard d’Estaing. Ils sont entrés pour profiter au maximum des fonds structurels dits "européens" - en réalité payés principalement par les contribuables allemands, français, britanniques et néerlandais – et pour tirer partie de l’énorme différence de coûts salariaux et sociaux avec les pays de l’Ouest européen.


La Pologne défend des intérêts opposés à ceux de la France


Ce n’est pas tout. Si Varsovie exige que l’on poursuive l’élargissement, c’est pour ses intérêts politiques et géopolitiques bien compris.

D’une part, M. Tusk veut montrer aux autorités de Washington qu’il est l’un des dirigeants les plus obéissants de l’Union européenne : d’où son plaidoyer pour une entrée massive de nouveaux Etats, dont l’Ukraine et la Turquie, pour poursuivre la stratégie d’encerclement de la Russie définie par les Américains depuis au moins quinze ans (cf. le livre Le Grand Echiquier de Zbigniew Brzezinski, paru en France en 1997).

D’autre part, il est incontestable que l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne placerait la Pologne dans une situation géostratégique beaucoup plus centrale au sein de l’Union européenne, tandis que la France serait encore plus rejetée vers le pourtour et l’insignifiance.


Conclusion : une nouvelle preuve du bobard de "l’autre Europe"

La vaisselle que l’on s’envoie à la tête dans les cercles européistes témoignent une nouvelle fois de l’énormité du bobard qui voudrait qu’une "autre Europe" soit possible.

Ce mythe, ardemment entretenu par les mouvements "souverainistes" français, consiste à faire croire que la construction européenne serait une idée formidable et qui pourrait très bien marcher, pour peu que l’on en change le fonctionnement. Comme on a pu le mesurer le soir des résultats du référendum irlandais, les "souverainistes" se sont ainsi bousculés devant les micros pour expliquer que les Irlandais "n’étaient pas contre l’Europe mais pour une autre Europe". C’est la ritournelle habituelle, que tous les européistes et tous les leurres mis en place par le système entonnent depuis des décennies à chaque fois qu’un peuple, ayant le droit de s’exprimer, rejette sans ménagement le traité européen qu’on lui soumet.

Nos "alter-européistes" et autres "souverainistes" de complaisance font ainsi tous mine de critiquer l’Union européenne mais ne proposent jamais, au grand jamais, d’en sortir, préférant égarer les électeurs dans d’éternels projets ’’d’autre Europe’’.

Le problème est que leurs projets sont, évidemment, toujours purement franco-français.

D’une part ils se contredisent les uns les autres, le projet d’autre Europe de M. de Villiers n’ayant par exemple rien à voir avec le projet d’autre Europe de M. Besancenot.

D’autre part, ces projets "d’autre Europe" à la française n’intéressent personne en dehors de nos frontières. Ils n’ont jamais été présentés aux 26 gouvernements des autres Etats-membres ni aux 26 autres peuples et, s’ils l’avaient été, ils auraient été rejetés sans ménagement dès la première ou la seconde présentation !

Depuis un demi-siècle, l’histoire a en effet prouvé mille fois que tous les projets ’’d’autre Europe’’ sont des attrape-nigauds car ils font tout simplement silence sur l’irréductible et éternelle contradiction des intérêts nationaux. On le constate sur tous les sujets, depuis le Pacte de stabilité jusqu’à l’immigration, en passant par la TVA sur la restauration, l’euro, la guerre en Irak, les OGM, la concurrence fiscale, les délocalisations, la réglementation des jeux en ligne, les fusions industrielles, l’harmonisation du droit du travail, la politique agricole commune, etc., etc., etc. On le voit aujourd’hui sur un énième exemple : l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine et à la Turquie.

C’est d’ailleurs l’un des enseignements majeurs de la pensée gaullienne et l’on reste confondu de voir des personnes qui se réclament du gaullisme n’avoir toujours pas compris cette vérité immuable (cf. notre Dossier De Gaulle était-il pour l’Europe ?). La permanence des intérêts nationaux et les blocages continuels qui en résultent prouvent l’absurdité même du concept de construction européenne. Les événements qui se déroulent depuis l’élargissement de 2004 indiquent que cette absurdité est désormais devenue criante.

Union Populaire Républicaine

Source : http://www.u-p-r.org