Il y a officiellement 1 000 loups en France, répartis dans 128 meutes. L’État autorise les prélèvements (abattage) quand des troupeaux de brebis sont attaqués. Les éleveurs, quand le passage d’un loup est prouvé (test ADN, mordus operandi), touche 200 euros par bête tuée, qui vaut sur le marché entre 100 et 150 euros.
On peut donc dire que c’est l’État qui finance le retour du Loup, et qui prend en charge ses conséquences. On rappelle que les bergers ne dorment plus avec leur troupeau, ce qui enhardit le loup, qui craint l’homme. Les chiens ne suffisent pas toujours à éloigner ce grand prédateur.
Dans le reportage de 13h15 le samedi, à 20’49, l’agricultrice dit avoir peur pour ses enfants. Elle a vu un loup, elle raconte.
Journaliste : Vous avez eu peur pour vous ?
Éleveuse : Mais pour moi sur l’instant oui, pour mon chien, puis après pour la suite, quoi, de me dire mes enfants qui sont sur l’alpage avec nous eh ben, voilà, je les emmène plus, je me dis qu’un petit gars d’un mètre 25 et de 25 kilos il aura pas de mal à le croquer, quoi, et à me le prendre...
La voix off termine : « Rappelons qu’aucune attaque mortelle d’un loup sur l’homme n’a été constatée depuis son retour en France. »
Autant le massacre du loup au XIXe siècle était une aberration, autant son retour est une incongruité, avec des espaces sauvages de plus en plus réduits. Idem en Afrique, à une autre échelle, avec des photos d’animaux sauvages au premier plan, et une autoroute ou des gratte-ciel au second plan.
Mais le loup participe à un équilibre naturel, on le sait tous : chaque biotope a besoin de son prédateur pour maintenir sa santé, de la plante verte à l’herbivore. Tout se tient. Et puis, la France est un grand pays vide, qui n’a pas de déserts mais beaucoup de forêts et de montagnes, l’habitat naturel du Loup. La carte suivante donne le taux de boisement des communes.

Les loups, qui ne savent pas lire une carte mais qui connaissent les tracés de leurs ancêtres (ils suivent des pistes olfactives anciennes, sinon engrammées dans leur mémoire), sortent aujourd’hui des forêts et des champs pour traverser des banlieues. Ils découvrent que l’habitat de grand papa a bien changé.
L’agricultrice a peur pour sa progéniture, on peut la comprendre, les peurs d’une mère sont souvent aussi organiques qu’irrationnelles, car le monde extérieur est danger. Cependant, on peut avoir peur du loup, et ne pas craindre une injection dangereuse pour ses enfants imposée par des autorités corrompues, ou une éducation publique tordue par une élite pédophile aux programmes. Tout est affaire de catégories et de cloisonnements.
Il y a une hiérarchie des peurs, et cette hiérarchie est toujours politique : se glisse dans ce classement, au milieu des peurs naturelles (maladie, mort, solitude, échec), des peurs artificielles qui nourrissent des intérêts cachés. La meilleure illustration en est le basculement de 2016, après les grands attentats dits islamistes en France : la peur de l’attentat est passée première, évinçant la peur du chômage, c’est-à-dire du déclassement.
La peur de l’attentat, dirigée contre une entité invisible, est irrationnelle et antirévolutionnaire ; celle du déclassement, dirigée contre les élites, est rationnelle et révolutionnaire.