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USA, Turquie et Kurdes irakiens main dans la main

Il y avait quelque chose de très bizarre lorsque, le vendredi 20 avril, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a déclaré que la Turquie devenait un « Etat hostile » de la région. Après tout, Bagdad est censée être « l’âme » du monde arabe et la Turquie est censée être le modèle des nations arabes démocratisées telles que l’Irak.

« Les dernières déclarations du [Premier ministre turc Recep Tayip] Erdogan sont un nouveau retour à l’ingérence dans les affaires intérieures irakiennes et confirment qu’Erdogan est toujours en train de vivre dans l’illusion de l’hégémonie régionale », a déclaré Maliki, ajoutant : « Il est clair que ses déclarations ont une dimension sectaire, qu’il niait constamment avant, mais qui est maintenant devenue claire, et tous les Irakiens la rejettent ... Son insistance à poursuivre ces politiques nationalistes et régionalistes seront nuisibles aux intérêts de la Turquie et en feront un état hostile pour tous ».

Erdogan n’est pas habitué à entendre de telles semonces, même si la première provocation était venue d’Erdogan lui-même, lorsqu’il a accusé Maliki d’être « égocentrique ». Après une réunion à huis clos avec le leader kurde irakien Massoud Barzani à Istanbul la semaine dernière, Erdogan a déclaré que « le traitement actuel que réserve le Premier ministre Maliki à ses partenaires de la coalition, son approche égocentrique de la politique irakienne ... inquiètent gravement les groupes chiites, M. Barzani et le groupe Iraqiya [soutenu par les Sunnites]. »

Erdogan faisait simplement ce qu’il fait d’habitude, en dictant à Maliki comment il devait diriger l’Irak. Mais le ministère turc des Affaires étrangères avait alors donné un poids particulier à ces propos par une déclaration confirmant qu’Erdogan les avait prononcées de manière délibérée, et qu’Ankara avait des opinions bien arrêtées sur la façon dont la démocratie devait fonctionner en Irak.

La déclaration dit : « La base de la crise politique dans laquelle se trouve l’Irak est que les politiciens irakiens cherchent à consolider leur pouvoir et à en exclure d’autres, plutôt que de suivre une politique fondée sur des principes démocratiques et universels. C’est un fait que derrière les perceptions erronées qui ont conduit à des accusations contre la Turquie par le Premier ministre Maliki, qui a incité la crise en Irak, il y a cette mauvaise compréhension de la politique. »

L’Axe au travail

Les tensions entre la Turquie et l’Irak se sont régulièrement accrues, et elles ont dernièrement fortement augmenté. La "crise en Irak" qu’évoque la déclaration turque est la bataille politique en cours entre Maliki et le vice-président irakien Tareq al-Hashemi, qui a pris une dimension sectaire chiite-sunnite. En somme, la Turquie patauge dans la politique sectaire de l’Irak et se positionne aux côtés des Sunnites et des Kurdes.

Hashemi est actuellement à Istanbul et a rencontré Erdogan avant que ce dernier n’ait ouvert les hostilités verbales à Bagdad. Mais ce n’est qu’un point parmi d’autres. Le fait qu’Hashemi est arrivé en Turquie pour la dernière étape d’une tournée, qui l’a conduit au Qatar et en Arabie saoudite, donne une toile de fond régionale à ce qui est en train de se dérouler. (Soit dit en passant, Erdogan vient également de conclure une série de consultations à Riyad et à Doha.)

En effet, Maliki est également dans le collimateur saoudien et qatari. Riyad et Doha le voient comme un représentant iranien et ne font pas mystère de leur désir de le faire remplacer. Ils ont d’ailleurs boycotté le récent Sommet arabe à Bagdad, où Maliki avait le rôle d’hôte.

Donc, le même axe régional Turquie-Arabie Saoudite-Qatar qui travaille pour un « changement de régime » en Syrie, est également sur la voie de la confrontation avec Maliki - et le leitmotiv est une fois de plus d’isoler l’Iran dans la région.

En termes immédiats, Erdogan réagit aussi à ce qu’il perçoit comme une offense de Téhéran, qui avait frustré ses espoirs de faire jouer un rôle à la Turquie en tant que facilitateur des pourparlers entre l’Iran et le "Groupe des Six" (également connus sous le nom du P5 +1, les USA, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine plus l’Allemagne). Téhéran a administré ce camouflet en pleine lumière lorsqu’il a proposé Bagdad comme lieu de la prochaine ronde de négociations avec le P5 +1, ce 23 mai. La posture d’Erdogan comme Sultan du Moyen-Orient musulman en a pris un coup.

Il est intéressant de noter que, à la suite de l’échange de mots vifs avec Erdogan, Maliki est parti dimanche pour Téhéran pour une visite de deux jours. Le plus embêtant pour Maliki, c’est qu’Erdogan s’est engagé dans le renforcement de ses liens avec le leader kurde Massoud Barzani. Ankara favorise une alliance entre Barzani et les dirigeants sunnites irakiens avec la perspective de contester le leadership de Maliki à Bagdad. Les Turcs ont veillé à ce que Barzani rencontre Hashemi à Istanbul la semaine dernière. Ankara joue sur les ambitions politiques de Barzani comme chef suprême du Kurdistan avec Erbil comme capitale dans le nord de l’Irak. Après avoir rencontré Hashemi, Barzani a accusé dans une conférence de presse à Isrambul Maliki de nourrir des ambitions dictatoriales.

La convergence d’intérêts entre Ankara et Erbil n’a rien de nouveau. Elle remonte à l’imposition de la "zone d’exclusion aérienne" sur le nord de l’Irak par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France dans les années 1990. La Turquie a joué un rôle clé dans l’émergence du Kurdistan comme une région autonome au sein de l’Irak.

Aujourd’hui cela prend également une forte dimension économique : Barzani a besoin d’une sortie vers le monde extérieur pour le commerce, et en particulier les exportations de pétrole du Kurdistan, la Turquie fournit cette sortie, et à son tour, en tire d’immenses bénéfices. Les liens commerciaux entre les deux côtés sont florissants, et représentent aujourd’hui plus de la moitié des 12 milliards de $ US du commerce de la Turquie avec l’Irak.

Sur un autre plan, la Turquie est prête à aller jusqu’au bout dans la promotion de Barzani, seulement s’il donne un coup de main pour museler l’insurrection kurde à l’est de la Turquie, insurrection dirigée par les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui opèrent à partir de sanctuaires dans le nord de l’Irak.

Les dirigeants turcs ont déroulé le tapis rouge à Barzani, l’accueillant comme un chef d’Etat. Il a rencontré le président turc Abdullah Gül, Erdogan et le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davitoglu, ainsi que le chef du renseignement Hakan Fidan. Barzani a allumé de nouveaux espoirs chez les Turcs, qu’il ferait quelque chose de concret pour empêcher le PKK d’ensanglanter encore la Turquie dans une guerre de guérilla menée à partir du territoire sous son contrôle dans le nord de l’Irak.

Il a déclaré aux médias turcs : « Vous n’arriverez à rien avec des armes. Le PKK devrait déposer les armes. Je ne laisserai pas le PKK régner dans le nord de l’Irak ... Si le PKK continue avec la lutte armée, il en subira les conséquences ». Ces mots auront sonné comme une douce musique aux oreilles turques.

Énigme kurde

Le dilemme d’Ankara, toutefois, c’est que Barzani avait déjà prononcé d’aussi jolies paroles dans le passé. Il avait promis de s’attaquer au PKK mais avait viré de bord sitôt rentré à Erbil. La dure réalité est que la sympathie envers la cause du PKK est très répandue parmi les peshmergas (combattants) kurdes dans le nord de l’Irak.

Mais il pourrait y avoir une différence qualitative cette fois. Premièrement, Barzani, qui a de bons instincts de marchand de bazar, sait que la Turquie pourrait l’aider, lui et sa famille, à faire une quantité incroyable d’argent par le biais des exportations de pétrole via les pipelines turcs ; et deuxièmement, derrière la Turquie se trouvent les Saoudiens et les Qataris, qui sont également tout disposés à financer Barzani.

Du point de vue saoudien et qatari, le fait que Barzani peut s’avérer être une épine dans le pied de Maliki fait de lui un objet d’intérêt. Ils veulent que Maliki soit affaibli à un point tel qu’il ne puisse plus être d’aucune aide significative pour le régime syrien. Maliki a aidé la Syrie de façon décisive en l’approvisionnant en pétrole et, de manière générale, en brisant les sanctions occidentales.

Erdogan a souligné le fait qu’il avait discuté de la situation syrienne avec Barzani la semaine dernière. En effet, il y a une dimension kurde à la politique de la Turquie en Syrie. Le spectre de la renaissance de la vieille alliance entre le régime syrien et le PKK hante la Turquie. En guise de représailles à la lourde ingérence de la Turquie dans les affaires syriennes, Damas a commencé à montrer un intérêt renouvelé pour le PKK.

Ces mouvements restent pour le moment en sourdine, mais ils sont suffisamment de mauvaise augure sur ce qui pourrait arriver si la situation s’aggravait et que Damas prenait enfin la décision de rendre à Ankara la monnaie de sa pièce. Il est relativement facile pour Damas de frapper en retour la Turquie, si elle prenait la décision stratégique de le faire, parce que le leadership du PKK comprend des Kurdes d’origine syrienne et qu’un tiers des cadres du PKK est d’origine syrienne.

Réciproquement, pour que la Turquie puisse intensifier son ingérence en Syrie dans la période à venir, elle doit d’abord minimiser la portée des représailles de Damas. La Turquie espère que Barzani pourrait donner un coup de main, en agissant sur les groupes kurdes syriens.

Un autre facteur de complication est que les Kurdes de Syrie, qui constituent environ 10% de la population du pays, ont été réticents à s’aligner avec les Frères musulmans et d’autres groupes d’opposition syriens, à moins qu’ils n’accèdent à leur demande d’une région autonome kurde dans l’est de la Syrie (où les champs de pétrole syriens se trouvent).

Le gros de la population kurde de Syrie vit dans la région aride de Ayn al-Arab et dans la zone agricole de Ifrin, bordant la Turquie. Les Kurdes sont également prédominants dans de vastes faubourgs de Damas et dans le centre commercial d’Alep, qui se trouve à moins de 50 kilomètres de la frontière turque. Sans surprise, l’autonomie kurde en Syrie restera toujours une question sensible pour Ankara, car elle pourrait avoir un effet domino en Turquie même.

Mais les groupes kurdes au sein de la Syrie sont très divisés et c’est ici que Barzani entre en jeu. Le plus grand groupe de coordination kurde en Syrie, le Congrès National kurde (KNC), bénéficie du soutien de Barzani. Si le KNC pouvait être amené à établir des liens avec l’opposition syrienne, la Turquie se sentirait beaucoup plus à l’aise.

En effet, la Turquie encourage Barzani à convoquer une conférence nationale kurde à Arbil en juin, en vue de pousser les intérêts de la Turquie : museler le PKK ; encourager les Kurdes de Syrie à abandonner leur ambigüité actuelle pour un "changement de régime" à Damas et les amener à se lier de manière décisive avec l’opposition à Assad, opposition basée en Turquie.

Ankara sait parfaitement que Barzani est un client peu sûr. Mais ce qui encourage les dirigeants turcs, c’est que les Etats-Unis sont également intervenus pour veiller à ce que Barzani tienne ses promesses. Début avril, les USA ont invité Barzani à Washington, où le président Barack Obama l’a reçu.

Prenant le relai de la Turquie, Washington nourrit également les instincts de marchand de bazar de Barzani. Un US-Kurdistan Business Council a été créé à Washington pour promouvoir les « investissements » US dans les territoires du nord de l’Irak sous le contrôle de Barzani. Le chef de la direction d’Exxon Mobil, Rex Tillerson, a rencontré Massoud Barzani à Washington. En Novembre, Barzani avait accordé des contrats lucratifs à Exxon Mobil pour explorer six champs de pétrole au Kurdistan, en ignorant les véhémentes protestations du gouvernement fédéral de Maliki, qui rappelle que le pouvoir d’accorder des concessions pétrolières aux compagnies étrangères est réservé à l’Etat fédéral.

Pendant qu’il était à Washington, Barzani a également tenu une réunion avec le secrétaire à la Défense, Léon Panetta, et le secrétaire d’Etat adjoint William Burns, réunion au cours de laquelle la secrétaire d’État Hillary Clinton s’est arrêtée pour le saluer, et où ils ont interagi avec des ’think tankers’ influents. Le vice-président Joe Biden a organisé un "déjeuner de travail" pour Barzani.

Fait intéressant, les tirades de Barzani contre Maliki ont pris un ton remarquablement plus vif après sa visite à Washington. Il a déclaré à Al-Hayat que « l’Irak se dirigeait vers une catastrophe, un retour à la dictature », et qu’à son retour à Erbil, il convoquera une réunion de dirigeants irakiens pour "sauver" le pays de Maliki et pour chercher des "solutions radicales". Barzani a également déclaré qu’il ne livrerait pas Hashemi à Bagdad. Encore une fois, à l’origine de la discorde entre Maliki et Hashemi se trouve la question de la répartition des richesses pétrolières de l’Irak.

Le porte-parole de M. Maliki à Bagdad, Ali Moussawi, a qualifié la rhétorique de Barzani en visite à Washington d’"incompréhensible escalade" De manière significative, le gouvernement Maliki a depuis placé Exxon Mobil sur une "liste noire". La société ne figure pas sur la liste définitive des 47 candidats pré-qualifiés pour le prochain tour des droits d’exploration de l’énergie dans 12 nouveaux blocs dans l’ouest et le centre de l’Irak, ce qui ajouterait la quantité énorme de 800 millions de m3 de gaz et 10 milliards de barils de pétrole dans les réserves irakiennes. L’appel d’offres devrait se tenir le 30 et 31 mai.

Une carte à jouer

Quoi qu’il en soit, Barzani s’est senti encouragé après sa visite à Washington à s’engager dans un défi stratégique contre le gouvernement fédéral de Bagdad. Les USA l’ont chaleureusement accueilli comme il sied à un chef de l’Etat, le tout avec d’appuyées références à l’indépendance du Kurdistan.

Il est vraisemblable que Washington et Ankara agissent en tandem et qu’il y a une étroite coordination des politiques US et turques à l’égard des Kurdes de Syrie et d’Irak. Pour les deux pays, l’objectif ultime est d’affaiblir l’influence régionale de l’Iran. L’administration Obama espère que les efforts de la Turquie contre le PKK seront couronnés de succès, et elle fournit un soutien de renseignements pour les opérations militaires.

Washington espère aussi que mis sous une pression concertée depuis plusieurs trimestres, Maliki va enfin réaliser ce qui est bon pour lui, et desserrer ses liens avec l’Iran et la Syrie. Enfin, Washington voudrait que les Kurdes syriens fassent le pas et rejoignent les groupes d’opposition basés en Turquie de sorte que l’agenda du "changement de régime" à Damas acquière plus de tranchant.

Cependant, il y a plusieurs impondérables dans le scénario émergeant. Dos au mur, Damas peut laisser le génie kurde sortir de la bouteille, et le résultat pourrait bien être une version syrienne du Kurdistan irakien - une seconde zone autonome kurde le long des frontières de la Turquie. Cela pourrait alors amener les Kurdes de Turquie à rechercher une autonomie similaire. La meilleure solution pour Erdogan aurait été de faire des progrès vers une résolution politique du problème kurde en Turquie, comme il avait commencé à le faire. Mais la condition sine qua non serait justement un retour de la « normalité » dans les relations de la Turquie avec la Syrie et une plus grande stabilité en Irak.

On peut dire qu’Erdogan est sur un chemin glissant. Son échange acrimonieux avec Maliki souligne que l’isolement de la Turquie est presque complet dans son voisinage immédiat. Le maillon le plus faible dans la stratégie turque est Barzani lui-même.

Ankara dépend fortement de la capacité de Barzani de conclure des ententes avec le PKK, ainsi que de ruser avec les Kurdes syriens. Certes, Barzani a un intérêt direct à travailler avec Ankara puisque le Kurdistan irakien a développé des liens économiques étendus avec la Turquie et que ces liens s’approfondissent de jour en jour. Mais Barzani a également ses limites.

Tout repose sur sa capacité à exploiter les nationalistes kurdes dispersés à travers non seulement la Turquie, l’Irak et la Syrie, mais aussi l’Iran, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et le Liban et à convaincre ces nationalistes que leur seul espoir réaliste consiste à rechercher une plus grande autonomie au sein des structures étatiques existantes, sur des lignes qu’il a fixé avec le soutien US. C’est un défi de taille. Que les militants kurdes soient convaincus de déposer les armes et de suivre les traces de Barzani reste fortement douteux.

Barzani est un personnage controversé même parmi les Kurdes. Essentiellement, il s’agit d’un seigneur de guerre tribal qui utilise des méthodes coercitives, des méthodes souvent très violentes, pour garder sa famille au sommet du Kurdistan irakien, et sa famille exerce un contrôle personnel sur les terres, les propriétés, les ressources et les finances de la région. En clair, lui et sa famille dirigent un cartel d’affaires appelé « Kurdistan ». Les Kurdes ressentent de plus en plus qu’ils sont traités comme ses locataires et ses serfs.

Le système de patronage de Barzani est fondé sur sa pratique de traiter les revenus du pétrole et du gaz du Kurdistan comme les comptes privés de sa famille, sans aucun contrôle financier réel. Ce système de patronage est basé sur la règle du clan et il ne peut fonctionner que tant que il n’y a aucun Etat de droit ; mais la démocratisation de l’Irak propage son virus dans le Kurdistan aussi, et des Kurdes instruits commencent à être contrariés par le style de vie autocratique du clan Barzani.

Par exemple, les contrats pétroliers signés par les compagnies turques, états-uniennes, britanniques et autres vont être les principaux instruments utilisés par Ankara et Washington pour influencer Barzani, alors que personne n’a la moindre idée de ce qu’il y a dans ces contrats, comment ils ont été négociés, où l’argent vient et où il s’en va. Ce qui est certain, c’est que Barzani a de gros intérêts commerciaux en Turquie, aux USA et dans plusieurs pays européens.

[...] Obama est littéralement en train de copier le monumental cynisme de Henry Kissinger et sa duplicité envers les Kurdes d’Irak - choyer leurs aspirations nationales dans le cadre d’un impitoyable et fourbe processus pour déstabiliser le régime de Bagdad, tout en ne voulant pas que leurs ’protégés’ gagnent leur lutte, car ils pourraient être trop perturbants pour toute la région, en particulier pour l’allié le plus proche des USA, la Turquie. Barzani a toujours été, historiquement parlant, « une carte à jouer », et même à la mesure des opérations secrètes, Obama et Erdogan sont enfermés dans une entreprise cynique.

Kissinger, au moins, était franc. En revenant sur la trahison par les USA des Kurdes en Irak en 1975, il a commenté : « Les opérations secrètes ne doivent pas être confondues avec le travail missionnaire. » Obama serait probablement d’accord, mais la différence cruciale est qu’Erdogan lui a montré comment le flirt avec les Kurdes pouvait également s’auto-financer, et prendre un air de principe de comptabilisation des coûts, un angle qui fascine particulièrement Obama en ces temps difficiles.

En bref, alors que Kissinger était plongé dans la realpolitik, Obama s’assure également que les compagnies US fassent quelques affaires profitables dans les fabuleux champs de pétrole du Kurdistan. Les USA pourraient ainsi être sûrs d’obtenir une situation « win-win », quelle que soit la trajectoire de la démocratie en Irak, ou la longévité du régime à Damas.