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Venezuela : un nouveau moment politique

On a beaucoup parlé au début de 2014 de la situation politique et sociale du Venezuela face aux violences qui visaient (une fois de plus) à déstabiliser le gouvernement de Nicolas Maduro [1]. Ce plan, que ses dirigeants conservateurs avaient baptisé « la Sortie » (celle du président Maduro, NdT), connaît un destin paradoxal quelques mois plus tard avec la démission de Ramón Guillermo Aveledo [photo ci-contre], secrétaire général de la « Plate-forme d’Unité Démocratique » (MUD), principale organisation de la droite et d’opposition au gouvernement bolivarien. Quel moment politique vit le Venezuela ? Qu’a défini le récent congrès du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV), parti au pouvoir ? Que va tenter à présent l’opposition à Maduro ?

« Il parlaient de “la Sortie”, et ce sont eux qui ont fini par sortir », ironisait récemment Nicolás Maduro au cours de son programme radio et télévisé En ligne avec Maduro, à propos de la réalité politique de la droite vénézuélienne. À quoi faisait-il allusion ? A la démission de Ramón Guillermo Aveledo comme secrétaire général de la MUD, plate-forme qui a porté par deux fois la candidature présidentielle de Henrique Capriles. Selon Maduro, ce sont les secteurs d’extrême droite au sein de la MUD qui auraient poussé Aveledo vers la sortie à la suite de sa participation aux dialogues successifs impulsés par le gouvernement bolivarien après les violences de février et de mars.

L’opposante María Corina Machado, une des faces visibles de l’opération « Sortie » avec Leopoldo López [2] est en train d’organiser ce qu’elle appelle un « congrès citoyen », qui vise à construire, de nouveau, une force externe à la MUD. Machado représente l’aile dure et radicale de la droite vénézuélienne, qui ne veut faire aucune « concession » à Maduro. Son discours se base en priorité sur le thème de la sécurité, reléguant au second rang les thèmes de la structure productive du pays et de la participation populaire dans les prises de décisions.

Le récent IIIème Congrès du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) a fait preuve d’une solidité croissante comme parti politique, se rassemblant derrière la figure de Nicolás Maduro, par ailleurs élu président du parti. Oubliées les lettres de l’ex-ministre Giordani, copieusement relayées par les médias les plus conservateurs du pays dans le but de générer des fissures au sein du parti au pouvoir. Le PSUV a décidé lors de cette assemblée nationale de poursuivre le débat politique commencé il y a un an dans les près de 14 mille UBCH locales (Unités Bolívar Chávez). En outre, les documents émanant du Congrès soulignent que « le monde multi-centré, multipolaire, et l’union latino-américaine et caraïbe garantissent la paix et l’équilibre sur la planète », font référence au récent sommet UNASUR-BRICS [3] qui s’est tenu au Brésil et indiquent la volonté du PSUV de renforcer ses liens avec d’autres partis au pouvoir dans les pays qui mènent des politiques post-néolibérales.

À présent, les Vénézuéliens assistent à l’approfondissement de la division de la droite, un phénomène qui n’est pas tout à fait nouveau : en février on pouvait noter clairement deux tendances face aux violences qui ont tenté de renverser le gouvernement Maduro. La situation semble aujourd’hui la même mais dans des proportions plus importantes : alors que Capriles annonce une tournée nationale en solo, Machado choisit de construire un « congrès citoyen » sans la MUD et Aveledo refuse d’expliquer les motifs de sa démission du secrétariat général. Bref, la droite est entrée dans une guerre d’egos et d’objectifs quant au futur du pays.

Sans doute, à l’heure d’écrire ces lignes, un des principaux défis qu’affronte le gouvernement est-il de mettre fin à la croissante spéculation économique impulsée par les grands groupes privés. Freiner cette politique – qui inclut des problèmes d’approvisionnement dans certains lieux et des hausses artificielles des prix – figure à l’agenda d’une droite de nouveau morcelée mais qui tentera par la voie économique ce qu’elle n‘a pu atteindre par la voie politique. Elle cherchera ainsi à saper la base sociale d’un gouvernement qui garde l’appui des majorités populaires, bénéficiaires de la plupart des politiques mises en oeuvre depuis son arrivée au pouvoir.

J-M. Karg, Caracas

Source : ALAI-AMLATINA, 18 août 2014

 

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Face à la contrebande massive qui est en partie à l’origine des pénuries actuelles au Venezuela, le gouvernement Maduro a lancé l’« Operación Centinela », conjointement avec le gouvernement de Juan Manuel Santos. Déployés à la frontière avec la Colombie, 18 000 soldats ont récupéré en quelques jours des milliers de tonnes et de litres de carburant, huiles, aliments, ciment, alcools, médicaments, etc. Selon les estimations, ce vaste système mafieux qui a recours aux voies aérienne, fluviale et terrestre, nourrirait près de 10 millions de personnes en Colombie.

Notes

[1] Bien que 7 % seulement des personnes arrêtées pour meurtres ou violences fussent des étudiants et que cette opération partît des quartiers riches de Caracas ou de la frontière avec la Colombie, la plupart des journalistes occidentaux relayèrent la version des médias privés vénézuéliens : celle d’une « révolte étudiante contre la vie chère » face à un « État répressif », faisant de la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado une égérie de la « lutte pour la démocratie ». Le président Rafael Correa avait déclaré : « La vérité est que c’est le gouvernement légitime du Venezuela qui est persécuté, que Nicolas Maduro est un humaniste, qu’il ne serait jamais capable de réprimer son peuple, et qu’on tente de le déstabiliser. »

[2] Lire « “C’est l’heure d’anéantir Maduro, le reste tombera de son propre poids” : les visages du coup d’État »

[3] Lire « Le BRICS, l’UNASUR et la CELAC dessinent une nouvelle carte du monde multipolaire »

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9 Commentaires

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  • #943239
    Le 24 août 2014 à 19:09 par Filibert
    Venezuela : un nouveau moment politique

    Ce n’est pas la contrebande qui crée la pénurie, c’est la pénurie qui crée la contrebande. L’économie socialiste produit partout les mêmes résultats...

     

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    • #943501
      Le Août 2014 à 23:24 par Monsieur Michu
      Venezuela : un nouveau moment politique

      Euh, ce n’est pas du marché noir interne, mais de la contrebande avec un pays étranger.
      C’est par conséquent le pays étranger ( non socialiste ) , qui est en pénurie.

       
    • #944049
      Le Août 2014 à 16:21 par valdo
      Venezuela : un nouveau moment politique

      bon,
      tout le monde peut s’exprimer mais il faudrait que ceux qui ne connaissent pas le pays laissent d’abord parler les gens qui y ont travaillés !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
      MOI, j’ai vécu quelques mois dans le vénézuela post-chavez, et d’affirmer que la CORRUPTION est la seule vraie menace du projet chaviste !!! les USA se contentent de laisser pourrir le truc : comme c’est parti là, il ne faudrait pas longtemps pour que ça craque... - en outre, le pétrole vénézuélien, ils l’achètent, donc où est le problème pour eux ????
      dois-je préciser que la corruption est le fait de chavistes ? c’est un pays avec un potentiel énorme mais avec un peuple de bras-cassés !!! et une élite - de gauche comme de droite - plus pourrie que du compost (je travaille dans l’agriculture...)

      Valdo le communiste

       
  • #943264
    Le 24 août 2014 à 19:34 par MankindFails
    Venezuela : un nouveau moment politique

    Son discours se base en priorité sur le thème de la sécurité, reléguant au second rang les thèmes de la structure productive du pays et de la participation populaire dans les prises de décisions.



    On dirait qu’il dit "commencez par m’élir parc’que vous avez peur et après on parlera de ce que ça vous aura couté"...

    Serieusement l’insécurité au Vénézuela c’est en grande parti à cause de l’ingérence des USA et des conflits que ces mêmes USA on créé un peu partout en Amérique Latine. Notamment les conflits en Colombie avec les cartels.

    Alors dans cette situation, il me semble que c’est préférable d’avoir un gouvernment lucide qui dénonce les USA que l’autre qui joue la carte de l’insécurité que pour être élu et donner carte blanche aux USA pour faire ce qu’ils veulent du Vénézuela.

    Quel gouvernement peut assurer la sécurité de ses citoyens alors que son voisin est à feu et à sang et dans les ou sinon le pays le plus violent du monde ?

     

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  • #943445
    Le 24 août 2014 à 22:28 par Anders
    Venezuela : un nouveau moment politique

    "MUD"...

    Comme la "boue", en anglais ?

    Amusant.

     

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  • #943471
    Le 24 août 2014 à 22:58 par LynoQc
    Venezuela : un nouveau moment politique

    E&R pourrait-il trouver un analyste ou un experts qui résumerait en vidéo ou article le bras de fer/conflit entre Chavez et son gouvernement et les USA car je n’y comprend plus rien, j’ai vu et lu a de nombreux endroits crédibles que plus de 50% de la production pétrolière vénézuélienne est déjà vendu aux États-Unis.. et c’était comme sa déjà sous Chavez... je n’y comprend plus rien !

     

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    • #943650
      Le Août 2014 à 05:19 par Bruce de Fréjus
      Venezuela : un nouveau moment politique

      Ils ne leur vendent QUE 50 % !

      Avec la "droite" Vénézuélienne : ce serait 100, 150, 200 % et avec leurs filles en prime. Ils donneraient même de l’argent pour que les ricains leur prennent leur pétrole.

      Vous pensez que j’exagère ? Regardez l’état de soumission de nos gouvernants en France. L’empire n’essaie même plus de placer des gouvernants séduisants qui empapaouteraient le peuple, ils placent juste des courroie de transmission qui sont là pour coordonner le racket sur le territoire.

       
  • #943649
    Le 25 août 2014 à 05:13 par Rico
    Venezuela : un nouveau moment politique

    Bien que 7 % seulement des personnes arrêtées pour meurtres ou violences fussent des étudiants et que cette opération partît des quartiers riches de Caracas ou de la frontière avec la Colombie, la plupart des journalistes occidentaux relayèrent la version des médias privés vénézuéliens : celle d’une « révolte étudiante contre la vie chère » face à un « État répressif », faisant de la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado une égérie de la « lutte pour la démocratie ». Le président Rafael Correa avait déclaré : « La vérité est que c’est le gouvernement légitime du Venezuela qui est persécuté, que Nicolas Maduro est un humaniste, qu’il ne serait jamais capable de réprimer son peuple, et qu’on tente de le déstabiliser. »



    Ha ? Tiens ! C’est marrant, ça ! Quand les (riches) étudiants Vénézuéliens manifestent contre l’austérité : ils ont raison. C’est l’état qui est répressif.
    Mais quand les étudiants Québecois manifestent contre le racket fiscal qui leur est imposé ou que nos Bonnets Rouges de Bretagne font de même contre les portiques éco-taxes (et bientôt contre les mesures anti-russes qui les saignent à blanc) : là, ils ont tort ! Ils sont insensés, idiots, nigauds (comme dirait Mélenchon), populistes,alcooliques, violents, antisémites ! Ils perdent le sens des réalités, ils ne comprennent pas qu’il faut se serrer la ceinture et que les mesures que l’on prend contre eux sont bien gentilles par rapport à ce que l’on devrait leur imposer.

    Existe-t-il seulement un seul jour où les journalistes s’arrêtent de dire des co*neries ? Ne se reposent-ils donc jamais ? N’ont-ils jamais un petit doute qui apparaîtrait dans leur crâne de piaf ?

    Une chose est sûr en tout cas, s’il y a une manif dans ma ville (Toulon) : qu’aucune journalope d’Itélé ou de BFM ne s’avise de croiser mon chemin.

     

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  • #949620
    Le 30 août 2014 à 11:41 par davidice
    Venezuela : un nouveau moment politique

    Il est amusant de voir l’inversion cause/conséquence.
    C’est bien parce que Chaves puis Maduro ont voulu contrôler les entreprises privées et les échanges monétaires qu’il y a pénurie, et donc trafic.
    Par ailleurs, l’essence étant la moins chère du monde, puisque subventionnée, c’est logique qu’elle serve de monnaie d’échange.
    Tout comme en France où se développe le marché noir de denrées surtaxées (cigarettes, alcool. ..) et ce, au profit de pays frontaliers.

     

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