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Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

Bernard Wicht est expert en stratégie militaire et privat-docent à la Faculté des sciences politiques de l’Université de Lausanne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine géopolitique, notamment sur la transformation de l’État moderne, celle de l’outil militaire et la défense citoyenne.

 

Dans mes premières analyses de la guerre russo-ukrainienne, je me suis interrogé sur les objectifs de la Russie à court terme et je restais perplexe sur ce qu’elle pouvait obtenir en Ukraine dans le cadre des opérations militaires en cours.

Trois scénarios me semblaient envisageables :

- La démilitarisation du pays puis le retrait des troupes russes… et ensuite ? (l’Ukraine reste une pomme de discorde) ;
- L’annexion de l’ensemble du pays : un bourbier semblable à l’Afghanistan (!) ;
- L’annexion de certains territoires pro-russes, sans doute la solution la plus rationnelle.

 

Je n’y voyais malgré tout pas très clair et il me semblait que la Russie risquait de se retrouver dans une impasse.

 

Guerre de l’information perdue, vraiment ?

Mais je me trompais parce que, comme la plupart des analystes occidentaux, mon approche ne se situait pas à la bonne échelle. En effet, se limiter à l’Ukraine est trop exigu, trop régional, pas suffisamment international-mondial. De même, se référer au discours de Vladimir Poutine sur sa volonté de « démilitariser » et « dénazifier » l’Ukraine ne tient pas compte de la maskirovka (mystification) qui fait partie intégrante de la pensée stratégique russe.

On a conclu un peu vite que le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait pris l’ascendant en termes d’image et de communication et que les Russes auraient négligé cet aspect, se retrouvant dès lors prisonniers d’une opinion publique mondiale complètement hostile. Moscou aurait d’ores et déjà perdu la bataille de l’information.

Si le président Zelenskyy fait effectivement preuve d’une grande maîtrise en matière d’image et de communication, considérer que Vladimir Poutine a négligé cette dimension représente, là aussi, un point de vue très occidental largement influencé par les grands médias et leur vision manichéenne du « bon » et du « méchant » qui nous plonge dans un blockbuster hollywoodien avec Bruce Willis dans le rôle principal !

 

L’adversaire est le système, pas le pays

Alors, si raisonner en fonction du seul « objectif Ukraine » se révèle trop court et si les Russes n’ont pas négligé la guerre de l’information, quelle est l’analyse stratégique la plus approprié pour comprendre les enjeux de ce conflit ? Gardons d’abord à l’esprit que, géographiquement parlant, la Russie est un pays-monde (au sens braudélien). Ni l’Europe occidentale ni les États-Unis ne le sont. La pensée stratégique russe se déploie ainsi à un niveau macro-spatial et macro-culturel. Elle reprend l’acquis de sa grande sœur, la pensée stratégique soviétique ayant développé et conceptualisé ce qu’on appelle le niveau opératif de la guerre, qui ne vise plus prioritairement les objectifs militaires tactiques (troupes, matériel, infrastructures, etc.), mais l’adversaire en tant que système.

La pensée opérative n’envisage pas l’ennemi sous un angle strictement militaire, contrairement à la doctrine clausewitzienne classique visant la destruction des forces armées ennemies dans une grande bataille d’anéantissement considérée comme clé de la victoire. La pensée opérative soviétique, puis russe, aborde l’adversaire dans une optique systémique : elle vise son effondrement, non pas lors d’une grande bataille décisive, mais par des actions dans la profondeur.

Le terme « profondeur » ne fait pas nécessairement référence au dispositif militaire défensif de l’adversaire (fortifications, centres logistiques, réseaux de communication), mais bel et bien à l’ensemble des structures politiques, socioéconomiques et culturelles, ainsi qu’aux infrastructures permettant au pays ennemi de fonctionner. Cette « profondeur » concerne aussi bien la géographie que la psychologie collective de l’adversaire. Dès lors, l’objectif poursuivi est rarement ponctuel, il est holistique.

 

Une incapacité de l’OTAN

Qu’est-ce que cela signifie en l’occurrence ? La Russie ne cherche pas la simple mise au pas d’un voisin récalcitrant, c’est l’« ennemi systémique » qu’elle vise en lui montrant concrètement qu’elle est non seulement prête, mais surtout capable de faire la guerre, y compris nucléaire. Cet ennemi systémique, c’est évidemment l’OTAN, dont la rhétorique belliciste est inversement proportionnelle à ses faméliques moyens militaires.

La Russie a pu constater cette indigence lors de la guerre en Syrie (à partir de 2011), où les capacités occidentales d’intervention se sont limitées à l’envoi de quelques contingents de forces spéciales en appui des milices kurdes. Les unités russes présentes en Syrie ont d’ailleurs fait prisonniers plusieurs membres de ces unités (américaines, britanniques et français) et les « contractors » de la Société militaire privée russe Wagner se sont frottés, avec un certain succès, aux Forces spéciales américaines. La Russie a ainsi pu se faire une idée très concrète des sévères limites opérationnelles de l’OTAN et de l’incapacité de l’Alliance atlantique de conduire une opération militaire d’envergure, faute d’effectifs et de logistique.

À partir de là, Vladimir Poutine et son état-major ont pu planifier leur intervention en Ukraine, qui n’est qu’un champ de bataille, c’est-à-dire un lieu où se déroule des opérations militaires visant cependant d’autres effets et d’autres cibles.

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42 Commentaires

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  • #2924634
    Le 14 mars 2022 à 05:31 par H. K. Daghlian
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    L’Europe (terme qui ne veut rien dire à part une bande de technocrates déconnectés de leurs peuples et étant là juste pour se servir) prétend empêcher une colonisation alors qu’elle même en est le parfait symbole.
    L’OTAN est un perdant permanent de part sa manière de fonctionner. A moins d’avoir strictement le même intérêt stratégique et national par pays adhérent - à la manière d’une fédération, il leur sera impossible de coordonner leurs efforts d’une manière assez efficace pour battre la Russie. Comment voulez vous avoir cette situation quand vous avez dans le même panier la France, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Italie et les États Unis (pour ne citer que ces pays) alors qu’en dehors de tout conflit interne à l’organisation, ces pays se sabordent déjà les uns les autres, avec un net avantage pour les États Unis qui ne sont présents que sur le papier mais bien loin de tout théâtre d’actions derrière l’Atlantique. Il y a une différence fondamentale entre envoyer une flotte en étant loin, et miser l’intégrité de ses frontières.

    La conclusion est une gifle à qui veut se réveiller : les seuls perdants sont les européens pris à titre individuel, car au final, l’Europe en tant qu’institution remplit parfaitement son rôle et a gagné en quelque sorte. L’OTAN quant à elle, qui ne fait que révéler d’avantage l’aspect creux et fantôme de son être, a elle aussi gagné de ce point de vue.

     

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  • #2924644
    Le 14 mars 2022 à 06:13 par Jérômeproudhon
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Je trouve toutes ces excuses débiles, montrer à l’OTAN quoi ? Que la Russie en a une grosse et sait s’en servir ? Hast do verstanden ? Cela fait des décennies qu’on le sait, mais il faut quand même la montrer ? C’est peut-être plus simple, les mafias qui marquent leur territoire, c’est pas moral les neuneus, c’est les pouvoirs profonds, les intérêts des dieux, tout les bas vont souffrir, c’est écrit . Pour me convaincre du bien, il va falloir sortir la grosse artillerie métaphysique.

     

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  • #2924666
    Le 14 mars 2022 à 07:02 par Rem
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Comme disait mon grand père : "les baisés, comptez vous !"

     

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  • #2924678
    Le 14 mars 2022 à 07:33 par quidam
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    et les répercutions économiques de la guerre c’est pour nos pommes.. merci Macron l’agent américain.
    Des cons vont le remercier par leur vote, c’est à se taper la tête contre les murs !!

     

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  • #2924694
    Le 14 mars 2022 à 08:12 par nico
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Poutine a perdu la bataille de l’information.
    Elle est bien bonne celle ci.

    Quand 99% des médias sont atlantistes et que le 1% restant est banni de toutes les plateformes, c’est pas bien difficile de gagner la bataille de l’image.

    Et encore, malgré cela, il s’en tire plutôt bien, car il y a encore un sacré parquet de gens à l’étranger qui ont compris et supportent le projet de Poutine.

    Çà fait de toutes façons bien longtemps que le mensonge médiatique a gagné cette bataille , ça ne date pas de l’invasion Russe en Ukraine.

    Il va y avoir un retour de bâton terrible après les combats.
    Quand la population civile va enfin pouvoir s’exprimer et raconter les exactions et les atrocités qu’elle subit, non pas de la part de l’armée Russe , mais bien de l’armée Ukrainienne.
    Laquelle,quand elle ne se sert pas de ces gens comme d’un bouclier humain, les abat lâchement quand ils essayaient de fuir cette guerre qui savent qu’elle n’est pas la leur.

    Le récit médiatique bidonné n’aura alors plus aucune prise face a ce que ces gens ont réellement vécu et vu de leurs propres yeux.
    Leur puissante propagande médiatique ne pourra pas effacer cela des mémoires.

     

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  • #2924730
    Le 14 mars 2022 à 09:08 par nico
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Pour rappel, en 2003 les Français ont été insultés, et les produits français boycottés aux USA. exactement comme le sont en ce moment les produit Russes.

    On se souvient des Hecto litres de vin Français déversés dans les caniveaux de New york par de stupides restaurateurs , ainsi que des french fries ( frites) rebaptisés "liberty fries" pour l’occasion !

    Tout cela...non pas parce que nous avions envahi un pays souverain,
    mais parce que nous refusions d’envahir un pays souverain : l’Irak.

    Celui qui a la puissance médiatique peut imposer aux masses, tout et son contraire.

    C’est cela qu’ils appellent "guerre de l’image" et il n’y a vraiment pas de quoi en être fier.

     

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    • #2924826
      Le Mars 2022 à 13:01 par Nadia
      Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

      N’oubliez pas quelques "méchants" français dans des films hollywoodiens, à l époque.
      Ils sont allés rejoindre les "méchants" jaunes, rouges, les zarabes et les russes qui eux, les russes donc, sont toujours restés à l affiche, même sous Eltsine, ce qui en dit long sur l’intimité que leur vouent les (((yankees)))

       
  • #2924761
    Le 14 mars 2022 à 10:19 par paix et paix
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Les wokcidentaux ne sont plus en phase avec la réalité du monde. Ils s’accrochent à branches d’arbres dont ils ont sciés les racines. Ils croient qu’ils vont s’imposer en entretenant la terreur et les menaces alors qu’ils auraient tout intérêt à pacifier le monde dans lequel ils ne seront plus hyperdominants.

     

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    • #2924831
      Le Mars 2022 à 13:06 par Lardenoy
      Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

      Très juste ! J’aime bien " wokcidentaux" ! Bravo...
      Je reste confiant car :
      "le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit" (St François de Sales ).

       
  • #2925125
    Le 14 mars 2022 à 22:54 par valere
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Les USA sont en fin de cycle. Comme une équipe de foot, de basket ou même un courant de pensé. La fin approche.

    Tous les plus grands "analyste" nous parlaient de puissances émergentes en nommant la Chine, l’Inde, le Brésil ... Ils avaient simplement omis la Russie.

    Poutine est un Tasr . Biden, Obama, Macron, Trudeau des employés. Ils ne font pas le poids.

    Quant à la guerre de l’information... L’occident l’a perdu. La preuve en est que personne ne veut crever pour l’Ukraine.

    Poutine a tout mon soutient.

    Mon seul regret est qu’il ne vienne pas jusqu’en France.

     

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  • #2925294
    Le 15 mars 2022 à 10:50 par goy pride
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    Excellent article ! Du haut niveau !

     

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  • #2927017
    Le 18 mars 2022 à 12:02 par Aradia
    Vladimir Poutine aurait-il déjà gagné la guerre ?

    FROM RUSSIA WITH LOVE
    007
    Vladimir Poutine

    Notons au passage
    Vladi signifie qui gouverne qui possède
    Mir signifie La paix

    Tous fous de la Sainte Russie

     

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