Egalité et Réconciliation
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Vous avez dit "occupation" ?

Texte de Pierre Dortiguier

L’« occupation » a-t-elle un sens idéologique ?

L’ancienne gauche au pilori

La déclaration islamophobe - qui se défend de l’être -, de la fille de celui que Mitterrand qualifiait de dernière personnalité de la IVème république, et qui va faire triompher un courant aligné sur une vision atlantiste ou globaliste sous le leadership que l’on sait, introduit le terme d’« occupation » dans la chasse aux « têtes de turc » immigrés. Il y a là un jeu de signes qui par ailleurs s’accorde avec une récente campagne pour déconsidérer la gauche française de 1940, à cause de sa sympathie envers la politique sociale et pacifique de l’État français élu par la Chambre de Front Populaire, moins le parti communiste interdit pour cause de son approbation du Pacte Germano-soviétique.

Il faut reconnaître que la légalité de l’État, laquelle n’avait pas été contestée par Charles De Gaulle lui-même mais seulement sa légitimité par un distinguo maurrassien subtil entre pays légal et pays réel, a par ailleurs été reconnue, une année durant, par les deux futures hégémonies soviéto-américaines jusqu’en 1941. Cet État n’avait pas proclamé la déchéance du système républicain, comme on le croit, mais avait mis entre parenthèses la question du régime et les élections générales jusqu’à la fin de la guerre et de l’occupation de la moitié du territoire.

Il est exact que des syndicalistes, dont le père d’un ancien ministre de Mitterrand, soutenaient, indépendamment de la politique allemande et de ses nombreux alliés, de la Finlande au Japon, la politique de reconstruction nationale. Et jusque dans les essais d’alliance du capital et du travail de De Gaulle se retrouvait cette culture non marxiste, que le maître à penser du Général en cette matière, De la Tour du Pin, représentait. Un nom bien oublié aujourd’hui.

Il y a longtemps aussi que la découverte a été faite que, dans la caractéristique politique de « gauche » et « droite » remontant à la distribution des sièges à l’Assemblée nationale constituante, selon une désignation au parfum sectaire, les régimes dictatoriaux européens avaient des chefs d’un aspect ou d’une trempe majoritairement de gauche, et non pas de droite, qu’il n’y avait pas de trace de cléricalisme chez le guide du peuple allemand, payant ses impôts sous le registre du catholicisme. Ce dernier ayant fait, il est vrai, construire plus d’églises qu’aucun autre régime, et même définissant son programme de pouvoir comme l’application d’un certain « christianisme positif », d’une liberté de penser à la manière du Grand Roi de Prusse, avouant même à un moment précis, devant témoin, en pleine campagne de Russie, qu’il regrettait que les Germains n’eussent pas été musulmans. Mussolini aussi déclare au représentant des Palestiniens qui était de mère turque, le grand mufti de Al Qods, en novembre 1941, son intérêt pour le Coran qu’il assure bien connaître Tout ceci n’est pas véritablement de droite, dans la définition terminologique ordinaire, et mis à part ceux de nos hommes politiques qui se convertissent discrètement pour convoler en justes noces avec une âme plus jeune, le bon ton n’est point chez un pays anciennement colonisateur, de vanter la religion de la majorité des indigènes africains. Il suffit de vivre dans un quartier de la bourgeoisie du 7ème arrondissement parisien pour comprendre que, si le maître de maison est indulgent devant la beauté, ou plutôt la pudeur de l’innocence, la maîtresse ne tolère pas qu’un hidjeb coiffe l’étudiante chargée de soutenir ses enfants ou de garder sa progéniture à la crèche ; chose inconnue en Grande-Bretagne ou en Scandinavie, et même en Germanie, où pareil comportement surprend pour une société qui se flatte d’être égalitaire, laïque et républicaine, le terme étant un Ersatz de religion à l’usage des nuls en métaphysique.

Il est remarqué que le discours républicain hexagonal, qui veut avoir l’esprit géométrique, n’use point du mot d’occupation pour qualifier sa présence en Allemagne jusqu’en 1932, en Algérie, bref partout où la guerre du Droit transporte nos troupes, jusque dans l’actuel Afghanistan où elles font, si l’on en croit les explications officielles, la rentrée des classes et protègent les fillettes du sexisme des montagnards. Et pourtant il faut appeler les choses par leur nom, en toute équité. Il est certain que la prière publique est étrange, mais elle l’était tout autant quand nos musulmans caracolaient dans l’armée en spahis ou campaient comme tirailleurs. Serait-ce à dire que si le dieu Mars ferme ses portes, celles de l’intolérance s’ouvrent à deux battants ?

Le proverbe arabe du marteau

Il est de bon ton depuis G. W. Bush et ses échotiers du Boulevard Saint-Germain de flétrir l’islam dit « islamo-fascisme », et sur ce point la recherche historique est prudente, susceptible même, car les relations entre le fascisme et l’Islam, n’en déplaise au guide semi-savant et peut-être point trop authentique de la Révolution libyenne, ont connu des beaux jours, puisque le Duce se proclamait l’épée de l’Islam et que les Arabes, après le député du Hauran à l’Assemblée nationale ottomane, l’émir Chékib Arslan n’ont pas ménagé les éloges sur le traitement colonial comparé entre l’Italie et la France. Il est vrai que le massacre des indigènes libyens avait été un sport démocratique, comme l’a noté Pierre Loti dans son livre de 1913, Turquie agonisante. Bien sûr, tout ceci est tu, et même les médias de l’État qui remplacent dans le cœur des nouveaux catholiques la souveraineté du Saint-Siège d’un pape trop peu licencieux, n’osent pas trop diffuser ou porter à la connaissance des profanes, ou réservent aux seuls initiés le récit de cette alliance de la croix porte-bonheur répandue jusque chez les Maoris avec le croissant que l’on dit trop souvent islamique.

Ceci étant entendu à demi-mot, ce qui inquiète l’avocate parisienne est de mesurer combien il est difficile d’être sans avoir été. Vous savez que c’est la célèbre définition du philosophe Hegel : être, c’est ce qui a été. Chacun le dit, mais lui l’a pensé. L’Allemagne est toujours sortie d’une crise, même celle de l’athéisme. Elle est un paysan qui marche dans son champ, et conserve sa forêt. Nous déboisons et crions à chaque montée des eaux. C’est là que le trésor des proverbes arabes vient au secours de l’esprit dérouté : chaque marteau reçoit autant de coups qu’il en donne. Et pareille phrase est une vérité ciselée dans le métal de l’histoire. Sans colonisation, point de colonisés qui à leur tour croient pouvoir démocratiser la colonisation, faire anglais après avoir été sous la patte du lion rugissant. Regardez la banlieue anglaise, elle est la route des Indes. Dans les récentes manifestations anglaises contre le triplement des droits universitaires, ce sont des Musulmans anglais qui trinquent autant et plus que cet infirme qui a été tiré de sa chaise pour recevoir les coups de matraque ; et une vitre s’est ainsi symboliquement brisée dans la voiture de la Monarchie sous la colère de la jeunesse studieuse. Qui occupe qui ?

Les cartésiens de la résistance antiislamique

Nous prenons ce terme de « cartésien » au sens où l’orateur sacré Bossuet avertissait que se préparait sous le nom de cartésien une révolte contre Dieu et l’ordre public par des idées claires, mais courtes ! Cette révolte a eu lieu, mais comme toute révolution rationaliste et chicaneuse, pour qui l’égalité est un autre nom de la jalousie (selon le mot de Goethe contre la Révolution française), elle veut du sang, de l’Autrichienne à décoller. Elle l’a trouvée, rassurez-vous, en la personne de la musulmane, dont évidemment l’épouse du Président français n’est pas la déesse protectrice ! Et ceci s’accompagne d’un appel à la résistance, mais d’une résistance stalinienne, de celle qui ne fait pas dans la dentelle, qui se réveille tard, mais affamée, et traite tout en gros, comme les révolutionnaires de Lyon canonnaient leurs victimes par paquets ficelés.

Un ancêtre de famille immigrée d’Italie, natif de Cahors, Léon Gambetta avait clamé haut une formule d’un de ses collègues, parisien maçon : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Je laisse au lecteur le soin de substituer à cléricalisme un autre terme.

Lisons pour conclure ce discours résistantiel, qui est un écho du néoconservatisme américain, car il faut une Amérique à nos La Fayette féministes, laïques, positivistes -plus que positives- et dans un pays déficitaire, on ne peut tout avoir ! « Il faut que les Musulmans comprennent qu’en France » explique l’une d’elles à Nouvelles de France en septembre dernier « la loi des hommes passe avant le Coran. Mais ils croient que le Coran a été dicté par Dieu et qu’on ne peut y toucher… Tant que cela sera comme ça, l’islam ne sera pas compatible avec la République. » Et cette antithèse de l’Antigone de Sophocle, qui donc, à la différence de la pieuse Grecque, préfère la loi des hommes à la justice d’en haut, justice non écrite, ce qui veut dire ineffaçable, inscrite dans le coeur : « Un islam de France n’est pas possible sans remettre en cause le Coran et toucher à l’islam. Tant qu’ils refusent cela, tant que l’islam n’aura pas fait son aggiornamento, il n’aura pas sa place chez nous, il serait temps que les politiques le disent clairement. Si nous avions un pouvoir politique digne de ce nom, on admettrait que l’Islam tel qu’il est aujourd’hui est incompatible avec la République. Nous devons demander aux Musulmans de travailler à une version expurgée du Coran et de nous la proposer. S’ils refusent, on interdit le culte musulman en France, on ne prend plus en compte le Ramadan dans les entreprises, on détruit les mosquées. Il faut être clair. » Aussi clair que la flamme des pétroleuses de la Commune de Paris incendiant tous les monuments, sauf la demeure ou les hôtels particuliers de certains banquiers ! Quand finira l’occupation ?

* Pierre Dortiguier est professeur de philosophie et ancien collaborateur de l’institut Charles De Gaulle.