Louis le Dernier, dit Céline #6 – Semmelweis (troisième volet)
29 avril 2024 01:56, par NascienOn ne vous remerciera jamais assez, inutile de surenchérir. Et tout ça finit vite en « lourds tombereaux d’écœurantes flagorneries » (Bagatelles).
J’ai l’impression, M. Lapine, que le maître-mot de tout ça est « avatar ». Ainsi donc la dédicace de Mort à crédit : « Après Voyage au bout de la nuit, publié en 1932, Mort à crédit, en 1936, est le deuxième grand roman de Céline, qui nous ramène au temps de son enfance : « Le siècle dernier je peux en parler, je l’ai vu finir... » Nous suivons d’un chapitre à l’autre les avatars du jeune Ferdinand aux prises avec son époque » etc.
Céline n’est pas un photographe, c’est entendu. Il est seulement fidèle à ses fantômes… qu’il disperse, met en scène, en mouvement à travers tous les personnages de ses livres. Céline le fou est partout. Le Je n’est pas omniscient ; il est soigneusement disséminé.
Tout ça, ça me fait penser à l’Hérédo, cette théorie développée par Léon Daudet dans un ouvrage éponyme. Selon Daudet le psychisme humain se compose de deux pôles nettement différenciés, le « moi » et le « soi ». Je cite : « L’individu humain, psychomoral, se compose de deux pôles nettement différenciés : l’un formé des présences extérieures à l’individu et des éléments hérités ou hérédismes, répartis eux-mêmes en tendances, penchants, signes mentaux, signes de signes et aspirations vagues. C’est le moi. L’autre, constitué de trois éléments fondus en un, néanmoins distincts, variant avec l’âge et coagissant. C’est le soi, qui comprend : l’impulsion créatrice, le tonus du vouloir et l’équilibre sage par la raison ». Le moi « est transmissible de génération en génération » ; le soi est « par définition, intransmissible d’un individu à un autre, d’une génération à une autre. Le moi dure, à travers la lignée, sous diverses formes. mais il peut s’altérer et disparaître, comme l’organisme auquel il est relié. La disparition du soi est inconcevable ».
Selon Daudet, la pratique artistique permet de contenir ses ancêtres, à condition que le "soi" soit à la baguette. Pour Daudet, Shakespeare est parvenu à conjurer les maléfices ancestraux à travers les personnages de ses pièces, dont chacun est l’avatar d’une tare psychomoral héréditaire.
Il me semble que Céline ne fait pas autre chose. Une relecture attentive de Mort à Crédit, notamment de son long et patient incipit, nous conduit aux mêmes conclusions.
Votre avis, cher maître ?