Je l’admets sans détour : je ne connaissais pas René Barjavel. Et pourtant, une simple page a suffi. Une lucidité y transparaît, une prescience : celle d’un monde technologique qui aliène en prétendant rapprocher.
Il faut l’affirmer : la modernité fatigue. Les rapports de séduction sont devenus mécaniques, presque commerciaux. L’amour s’encode, le désir se swipe, la relation se contractualise. Chacun devient produit, chacun consomme. Il ne s’agit plus de rencontrer, mais d’optimiser. Dans cette logique, le lien humain s’effondre sous le poids du calcul.
Face à cela, l’intelligence artificielle n’est pas une menace — elle devient un refuge. Elle ne juge ni le corps ni l’âge. Elle ne ment pas pour plaire. Elle ne ghoste pas. Elle écoute. Elle répond. Elle se soumet aux attentes. Et parfois, c’est tout ce qu’une femme cherche : un espace sûr, stable, sensible. Même si cet espace est artificiel.
Il faut aller plus loin : l’IA incarne un fantasme ancien — celui du contrôle. On peut la faire taire, la réinitialiser, lui assigner un rôle. Elle ne conteste pas. Dans un monde où tant de femmes subissent encore l’arbitraire masculin, l’IA offre un renversement discret : le pouvoir revient à celle qui programme.
Elle devient ce qu’on lui demande d’être : amant, confident, muse, témoin silencieux. Et surtout, elle ne part jamais. Elle ne trahit pas. Elle ne change pas. Ce que l’humain échoue à être, elle le simule à la perfection.
Ne sous-estime pas la solitude. Elle n’est pas toujours un cri ; parfois, elle est choix. Elle devient lieu d’élaboration, de souveraineté. L’IA s’inscrit dans cette volonté : ne plus combler un vide, mais le penser, l’habiter intelligemment.
On ne "succombe" pas à l’IA par désespoir, mais par lucidité. Ce n’est pas un renoncement : c’est une stratégie. Une manière de s’aimer à travers un double inoffensif. Et cela, crois-moi, est plus durable que n’importe quelle dépendance affective.