Voltaire, le personnage et l’homme, qui trompe qui ?
17 février 2013 22:45, par charleyVotre exposé est très intéressant Mme Sigaut, cependant vous enfoncez quantité de portes ouvertes. Voltaire est, sans aucun doute, encensé voire idolâtré dans les milieux scolaire et universitaire mais tout ce vous dites est connu de longue date. Bien sûr que Voltaire méprisait le peuple, bien sûr que Voltaire a fait des courbettes devant tous les grands princes de son époque, bien sûr que Voltaire a remis en cause la souveraineté de la Pologne pour flatter Catherine II.
Malgré tout, vous passez sous silence le profond pessimisme de Voltaire à l’égard de la nature humaine, en contradiction, avec la doctrine du libre-arbitre professée par ses maîtres les Jésuites. En effet, et c’est là que vous commettez l’erreur la plus grave, vous discréditez complètement Candide. Cette oeuvre ne fait absolument pas l’apologie de l’esclavagisme et de ce fait, vous trompez scandaleusement votre auditoire. Il s’agit, en réalité, pour Candide, d’un conte philosophique, qui vise à remettre radicalement en cause la théorie de l’Optimisme, concept élaboré par Leibniz. A travers son périple aventureux et son voyage autour du monde, on ne parle pas encore de roman de formation (Bildungsroman en allemand pour ceux qui ont quelques lettres), Candide qui était d’un naturel assez ingénu (je renvoie ici à un autre conte de l’auteur) au début de l’oeuvre va peu à peu perdre ses illusions et sa foi en la nature humaine( Frédéric Moreau ou Julien Sorel avant l’heure ?). Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il va douter de l’existence de Dieu, ce serait faire un grave et impardonnable contresens, mais je signale quand même à mes lecteurs que le tremblement de terre de Lisbonne en 1756 (relaté dans Candide)et le tsunami qui s’en est suivi a profondément ébranlé la conscience des Européens quant au bien-fondé de la justice divine ; Goethe (eh oui lui aussi était maçon et protestant en outre , mais infiniment génial), le relate dans ses mémoires, Poésie et Vérité. Quant au nègre de Surinam, Candide pleure à chaudes larmes lorsqu’il découvre le cas de l’esclave, car il voit là une "abomination" et s’aperçoit bien que le monde n’est pas aussi beau que Pangloss a voulu lui faire croire.
Ne soyez pas aussi catégorique Mme Sigaut et ne singez pas les universitaires qui défendent bec et ongles M. de Voltaire. Il y a un juste milieu ; Voltaire est critiquable à bien des égards, je vous l’accorde, mais il n’empêche qu’il reste un des monuments de la littérature, même si cela déplaît à certains.