Marion Sigaut sur l’état de l’école
2 décembre 2013 17:02, par AndréeJe me permets de laisser un dernier message, en m’excusant par avance auprès des modérateurs et des lecteurs d’ER de la longueur de mon propos.
Il est difficile de rendre compte en un même mouvement de la pluralité des effets néfastes constatés, par des causes aussi éloignées. Cela paraît quasiment paranoïaque d’imaginer qu’un système puisse "fonctionner" sur la manipulation et la propagande tout en produisant une violence et un analphabétisme croissants. Il ne s’agit pas d’expliquer tous ces phénomènes par une cause unique. Mais tous ces effets sont compatibles avec l’existence d’un système intrinsèquement pervers qui a renversé la logique de la transmission du savoir (avec la structure axiologique qui l’accompagnait) au profit de mécanismes intuitifs fondés non pas sur le raisonnement mais sur le sentiment.
Cela a provoqué une déstructuration des cerveaux, observable bien évidemment dans la médiocre connaissance de la langue française et de la grammaire, et qui donne une plus grande prise à tout type de manipulation. Raison pour laquelle l’État n’a aucun mal aujourd’hui à asseoir sans vergogne sa propagande. Reste à savoir dans quelle mesure les élèves y sont encore sensibles...
Ce que dit Mme Sigaut sur l’analphabétisme croissant des jeunes générations est vrai. Même chez des trentenaires on constate de sérieuses lacunes (tant en lecture qu’en écriture) qui sont difficiles à corriger, faute d’avoir développé plus tôt la structure analytique adéquate. Or on sait que la maîtrise de la langue et de sa grammaire est indispensable à la construction de la pensée. Pour avoir enseigné le droit constitutionnel dans une université parisienne, j’ai constaté que les étudiants avaient non seulement des difficultés pour exprimer leur pensée mais y compris pour analyser des situations juridiques objectives. Je ne veux pas dire par là qu’ils étaient sots, mais tout simplement qu’ils ne disposaient pas de catégories conceptuelles ni d’outils analytiques suffisamment développés. Leur intelligence était beaucoup plus intuitive, ou fondée sur le sentiment.
On peut imaginer ce que de tels ravages intellectuels peuvent causer chez des jeunes moins favorisés par leur milieu (même si je ne crois pas fondamentalement au déterminisme). Il est inévitable que dans de telles conditions, l’école devienne un endroit toujours plus anarchique (à vrai dire, plutôt utilitariste) où la violence, l’instinct de survie et l’intérêt deviennent les seules règles du jeu...