Dans son livre "Testament d’un poète juif assassiné" (1980, Points Seuil, 1995), Elie Wiesel décrit l’Allemagne de la république de Weimar, durant l’entre-deux-guerres :
“L’Allemagne vaincue donnait l’impression que sur son territoire on pouvait tout se permettre sauf de se prendre au sérieux, écrit-il. On brisait les idoles, on déboulonnait les statues, on défroquait les professionnels de la foi, on se riait du sacré et, pour rire, on sacralisait le rire… La capitale, en effervescence permanente, rappelait les cités pécheresses de la Bible. Le talmudiste en moi rougissait et détournait le regard. Prostitution, pornographie, dérèglement des sens et de l’esprit, perversion sexuelle et autres ; la ville se déshabillait, se fardait, s’humiliait sans gêne, arborant sa dégénérescence comme une idéologie. A quelques pas de Chez Blum, dans un club privé, des hommes et des femmes, ou des femmes entre elles, dansaient nus. Ailleurs, on se droguait, on se fouettait, on rampait dans la boue, on faisait reculer toutes les limites ; cela me rappelait les mœurs des sabbatéens. On renversait les valeurs, on levait les tabous. Les gens sentaient-ils l’approche de l’orage ? ”