Marion Sigaut et Claire Colombi sur l’enseignement de l’histoire à l’Université
31 janvier 2014 11:56, par MarianaA un moment donné, Claire Colombi souligne que même les périodes plus éloignées de nous comme le Moyen Âge font l’objet d’une étude orientée. Que des débats surgissent, c’est tout à fait normal, c’est la richesse de la vie intellectuelle et il ressort qu’ils ne peuvent pas émerger puisque on étouffe, ou on essaie d’étouffer les thèses non conformes à l’idéologie dominante.
A ce sujet, je voudrais signaler ici les controverses violentes qui ont agité l’assyriologie (l’étude des civilisations de la Mésopotamie) tout au long du XIXe siècle et au début du XXe : des assyriologues discutant l’idée même que les Sumériens constituent une civilisation distincte et originale. Différents peuples voulaient pouvoir descendre de cette civilisation, la plus ancienne (à ce jour) à avoir élaboré une écriture, afin de pouvoir en revendiquer le prestige. Détail dérangeant pour les suprématistes blancs : les Sumériens se décrivent dans de nombreux écrits comme "les têtes noires". Ce n’est évidemment pas du goût de certains intégristes. Autre détail : ils s’installèrent au sud de l’Irak actuel mais ils venaient d’ailleurs, ils n’étaient pas sémites. Que le corpus le plus ancien répertoriant des raisonnements scientifiques puisse échapper à la récupération d’une catégorie particulière (comme si cela ne concernait pas l’humanité tout entière) constitue semble-t-il encore un écueil. On a insisté sur la barbarie des talibans qui ont détruit les bouddhas en Afghanistan, on ne parle pas beaucoup du saccage des vestiges mésopotamiens avec la guerre d’Irak, du pillage en règle du musée de Bagdad (il semble que la majorité des pièces aient été restituées mais pas toutes) et de l’appropriation par des soldats américains de tablettes cunéiformes (combien ?) dont le contenu ne sera probablement jamais déchiffré.
Le pouvoir et les enjeux de pouvoir sont intemporels, en étudiant ses rouages en Mésopotamie, on retrouve ceux qui ont cours aujourd’hui, c’est donc aussi subversif en dernier lieu (peut-être même plus, qui sait ?) que l’étude de la seconde guerre mondiale.
Au sommet de la pyramide, il y a toujours la connaissance, dont il faut écarter le plus grand nombre, stratégie multimillénaire qui a fait ses preuves.