Cette affaire est une vraie affaire d’Etat. Le Conseil d’Etat a montré récemment, particulièrement dans l’affaire Dieudonné, qu’il n’était pas en mesure de tenir son rôle de garant juridictionnel des libertés publiques, de protecteur des citoyens contre les abus de la puissance publique. La construction institutionnelle française est telle qu’elle repose sur le respect par le pouvoir des instances chargées du contrôle de son action, particulièrement au regard de sa conformité à la loi. Cette fragilisation qui s’appuie évidemment sur des magistrats fonctionnaires dont certains agissent en véritables partisans du pouvoir et non pas en professionnels du droit et de l’intérêt public, s’apparente à un véritable coup d’état. Les "arguments" du rapporteur montrent la gêne dans laquelle il se trouve d’avoir à proposer de sanctionner une décision prise par son ministre-président au point d’employer un argument très inquiétant, qui équivaut à une proposition de quasi auto-dissolution de la haute juridiction administrative si elle le suit, à savoir que l’Etat ne peut pas revenir en arrière et reconnaître le droit de tous les citoyens à être traités conformément à la loi.
Cette atteinte à l’indépendance d’une des instances suprêmes sur lesquelles repose l’état de droit en France, et donc la République, est très inquiétante. C’est le signe d’une main-mise par une oligarchie sur l’Etat. Si jamais (mais je partage les craintes de Serge Ayoub) la haute juridiction devait suivre son rapporteur et rejeter le recours au fond déposés par les mouvements dissous, il conviendrait d’amplifier par tous les canaux possibles l’information des français sur cette atteinte structurelle à leur capacité à défendre l’exercice de leurs libertés publiques. Dans le cas contraire ce serait un grand soulagement pour tous les républicains démocrates.