Leçons d’introduction historique à l’étude du droit – Par Damien Viguier
15 juillet 2015 17:48, par AndréeVoilà une belle initiative !
Je ne savais pas que Me Viguier avait été l’assistant de Yan Thomas. Il est heureux que des personnes comme lui fassent découvrir au public de grands maîtres de la pensée juridique comme Michel Villey (en tout cas selon moi, dont la formation doit beaucoup aux enseignements d’un de ses disciples).
Je voudrais cependant apporter une petite nuance à son propos affirmant une séparation radicale, en Allemagne au XIXe siècle, entre la science du droit et la philosophie. Damien Viguier sait, pour l’avoir justement rappelé dans son article sur Carl Schmitt, à quel point dans la tradition allemande moderne les penseurs du droit sont associés à la législation au sens large et à la jurisprudence. Or ces grands juristes (et penseurs du droit) sont tous imprégnés de philosophie dont ils traduisent les concepts dans leur science. Par exemple, un juriste comme Feuerbach (le père du philosophe) qui avait rédigé le Code pénal de la Bavière de 1813 était pétri de Kant.
Le romaniste Friedrich Carl von Savigny, dont parle Me Viguier, et qui est le père de l’École historique du droit, rend compte aussi dans sa pensée de l’esprit philosophique allemand du temps. Il assigne à l’histoire une fonction, celle par laquelle le peuple vit à travers la manifestation de sa propre conscience (Volksgeist). L’idéalisme post-kantien, à travers la métaphore organique, on le trouve chez lui dans la synthèse dialectique entre le donné objectif (le passé) et l’autonomie du sujet (le peuple). Si le droit est l’expression vivante de cette synthèse, c’est à la science du droit qu’il revient d’effectuer ce travail de médiation de la conscience sur soi. Et si Savigny attache une telle importance à la science romaniste c’est surtout parce qu’elle offre l’arsenal conceptuel le plus efficace pour réaliser cette unité (que les Pandectistes systématiseront, sachant que la tradition romaniste est particulièrement ancienne en Allemagne). Mais d’autres juristes de l’Ecole historique choisiront au contraire, en réaction, la voie germaniste (jusqu’à Otto Gierke).
L’opposition entre Hegel et Savigny s’est exprimée très indirectement. La controverse opposait en fait, en 1814, Savigny à Thibaut, un civiliste (romaniste) partisan de la codification comme œuvre rationnelle d’unification du droit allemand. Hegel a pris par la suite la défense de cette thèse (dans ses Principes de la philosophie du droit, 1820). [1/2]