Mais qu’y a-t-il de plus français que la vénération de l’étranger ? Quel pays fut plus xénotrope, des chinoiseries du XVIIIème à l’orientalisme de Guénon, des Lettres persanes aux espagnolades de Gautier ? Qu’il lève la main celui qui n’a pas chez lui son Bouddha ou son masque nègre, son plat à tajine et son samovar !
C’est tout le paradoxe du français ; mais c’est aussi son honneur tant que, selon sa tradition, l’autre est une question qu’il s’adresse à lui-même, par lequel précisément il se retrouve et s’approfondit.
De là, sans surprise, l’ antiracisme a pris chez nous une forme ontologique. Comme toujours, l’innocent s’accuse avec plus de densité que le coupable. Il fallait un des peuples les moins racistes de tous pour que la condamnation fût la plus scrupuleuse, et les reproches plus pernicieux. Jouant sur le dû d’un amour inconditionné, il était facile de faire considérer qu’on ne donnait jamais assez.
Le capital en faisait, cependant, son miel.