Renaissance, Réforme et Révolution : la trinité infernale
10 octobre 2017 08:42, par Eric« Le 10 août 1792 marque ainsi la naissance d’une seconde Révolution, tumultueuse, violente, frénétique, ayant pour objectif d’abattre les institutions politiques mises en place par la Constituante. En vérité, ce n’était pas la souveraineté du peuple qui triomphait, mais une faction, ou plutôt une coalition de factions violentes et intolérantes, quelques milliers de fédérés et de sectionnaires qui, sans mandat, s’étaient arrogé le droit de s’exprimer en son nom. La Révolution de 1789, avec sa tentative de fonder une société sur la liberté, les droits de l’homme et l’abolition des privilèges, était morte. Un autre mouvement plus radical prenait sa place, ne s’embarrassant ni de la légalité ni du respect de l’état de droit. Ce mouvement, animé d’une fureur épuratrice, couvait depuis longtemps. D’abord anarchique et spontané, il n’avait cessé au fil du temps de se structurer, jaillissant par intermittence comme un geyser lors des grandes journées révolutionnaires : au 14 juillet 1789, aux 5 et 6 octobre, lors de la fusillade du Champ-de-Mars et de l’invasion des appartements royaux le 20 juin 1792...
Dans l’histoire de la Révolution française, la fracture décisive n’est pas entre 89 et 93, entre la Constituante et la dictature du Comité de salut public, mais entre 89 et 92, car le mouvement d’août marque l’avènement d’une forme particulière de pouvoir, la « démocratie totalitaire », selon l’expression de Jacob-Laib Talmon, qui portait en elle la chute de la Gironde, expulsée de la Convention sous la menace des canons, l’élimination des « enragés » puis des « indulgents », la loi des suspects et l’ère de la Terreur... Que cette seconde Révolution ait été en germe dans la première, du fait du pouvoir absolu dont la Constituante s’était emparée, peut être objet de débat, avec toutefois cette remarque que l’une s’appuyait sur le concept de souveraineté nationale, l’autre sur celui de souveraineté populaire, exprimée par une « avant-garde ». La plupart des orateurs et des chefs de la première Révolution furent impitoyablement traqués par la seconde. »
Jean-Christian Petitfils, Louis XVI (pp. 874-875).