Arthur Schopenhauer (AS) n’est pas un suivant de Kant : s’il l’est d’un point de vue chronologique, il est par contre son plus grand critique. C’est un créateur : il n’a pas d’antécédent dans sa théorie de la connaissance qui est complète en soi. Il ne s’appuie sur rien qu’il ne redémontre implacablement d’une façon que Kant n’a pu lui-même réaliser, par exemple sur l’apriorité de la causalité, pré carré exclusif de l’entendement. La pensée de AS abolit cette histoire du noumen dans le rapport sujet/objet ou phénomène. Il y a d’ailleurs une confusion profonde dans la philosophie de Hegel entre entendement/causalité/phénomène/raison/concept/représentation... une confusion qui n’existe pas chez AS. Si la valeur dialectique de Hegel et de ses héritiers est bien réelle pour expliquer les rapports d’organisation de l’Histoire donc de la face sociale de l’homme, tout ce qui se rapporte à la théorie de la connaissance est emberlificotée. AS s’est opposé vigoureusement, jusqu’à la caricature certes, à la pensée de Hegel sur ce sujet et, semble-t-il jusqu’à aujourd’hui encore, n’a pas encore été patiemment lu par les gens... Un autre AS, d’une autre époque, a aussi été victime de la stratégie de l’édredon...
Des faits de perceptions et des déductions imparablement démontrées, la dissertation sur la quadruple racine de la raison suffisante et le livre I du monde, en regorgent. C’est presque "mécanique". J’aimerais voir un Clouscardien reprendre l’enchainement logique de ces ouvrages et démontrer qu’il n’y a pas cela dans l’homme AVANT qu’il ne fut un être social.
La postérité de AS lui a fait du tord auprès du public philologique : Nietzsche, qui avait bien compris le bloc insécable qu’est la philosophie de AS, s’est juste chargé d’étudier son ombre, le mensonge, l’erreur, le Mal de l’homme, car AS ne s’intéressait qu’à ses Vérités, son Bien. Nietzsche s’est donné pour tâche d’explorer ce domaine et donc de mettre en lumière ce non-dit, d’inverser toutes les valeurs dans une époque qui le nécessitait sans doute et à cause de lui et de la vigueur de son écriture, on ne retient aujourd’hui de Schopenhauer que sa paternité et non ses vérités incontournables. Du coup, on a du Onfray et compagnie qui se trémoussent à la téloche en se prétendant Nietzschéen...
Bref : relisez AS ! Sa philosophie politique est inexistante : il ne peut donc rien dire de pertinent sur les rapports de classe mais sur les fondements de la perception il est inégalable.