Nicolas de Staël ou la lumière de Provence
22 août 2019 10:45, par parameshDe Stael n’est pas mort d’amour mais de ne plus pouvoir avancer. Il aura passé sa vie à collectionner les amours passionnelles et ce n’est pas son dernier amour qui qui a été fatal (il se serait alors flingué bien avant , entre autres à la mort de Jeannine). Nicolas de Staël est peut être le seul peintre contemporain digne de marquer l’histoire justement parce qu’il a su toujours avancer, quitte à opérer un retournement complet, une involution, retourner à la figuration après avoir exploré les méandres de l’abstraction et en avoir compris les limites (Picasso, Matisse ou Braque eux n’ont jamais dépassé la figuration et les peintres qui ont tenté l’abstraction s’y sont perdu bel et bien sans espoir de retour) . il est ensuite arrivé aux limites techniques de la figuration artistique mais sans retrouver sa spiritualité originelle (l’art est sacré à l’origine) d’où son suicide devant l’absurdité conceptuelle de croire à l’art pour l’art. le suicide de Nicolas De Stael est sa réponse en pied de nez à la phrase de son marchand Rosenberg : « Pour moi, un tableau est beau quand il se vend ».
de Staël refuse l’idée progressiste de l’art mettant l’abstraction comme une avancée de l’esthétique, l’abstraction ne débouchant que sur l’art conceptuel (abstraction totale de l’esthétique qui se réduit alors à un pur discours, la réalité se soumettant au discours)
De Stael tente le retour au figuratif et le réussit tellement bien techniquement qu’il en aperçoit la limite ontologique : son manque d’ ontologie justement.
Maintenant, techniquement de Staël arrive à l’aboutissement ultime de la recherche sur la couleur que la nouvelle figuration (profane) avait entreprise depuis les impressionistes , il dépasse le pointillisme scientifique et la symbolique nabi (ou fauve) pour arriver à l’essence ontologique de la couleur débarrassée du parasitisme de sa complémentaire (la lumière est tellement crue en Provence (en plein soleil) que les ombres perdent leur dominante complémentaire. le premier peintre à l’avoir entrevu est Cézanne d’où les ombres "sales" de sa première période (la complémentaire d’une couleur est la couleur qui lui est opposée dans le cercle chromatique (la complémentaire du jaune étant le violet, un citron aura une ombre à dominante violette si la lumière n’est pas trop violente)
La série des cathédrales de Monet est un parfait exemple du jeu de l’évolution des complémentaires dans les ombres des façades au cours d’une journée.