Quelques remarques sur ce texte suggestif et fondé, aux conclusions imparables.
1) les agapes sur les tombes des morts étaient coutumières il y a peu encore dans l’Europe slave et baltique. En Bretagne et au pays de Galles aussi, c’était la "nourriture des âmes-souffles" (boued an Anaon ; bwyd cenaid y meirw) déposée sur les tombes.
2) Dans les données indo-européennes, directes ou reconstruites, il convient de distinguer des périodes, qui vont du début de ce groupe (paléolithique final) à sa dialectalisation (aux âges des métaux), si j’ai bien compris les récents acquis de la recherche (notamment les travaux de J. Haudry).
3) Les "Lois de Manou" indiennes (MDS) précisent qu’aucun culte n’est dû au-delà de la troisième génération. La raison est que les ptri rejoignent alors la troupe informelle des Esprits, qui se confond avec les daimones du peuple (âmes à naître) ou avec la troupe des esprits qui repasse sur terre durant l’eschatologie annuelle ("mesnie, chasses", etc.).
4) Par conséquent, pas de culte des ancêtres sans appartenance à un groupe ethno-culturel. Le culte civique de la Cité est différent et paraît s’émanciper des conceptions lignagères, mais c’est pour renforcer la philia commune.
5) Il n’y a pas de "paganisme catholique", c’est contradictoire dans la doctrine et la pratique, bien qu’on perçoive ce que recouvre cette expression. La "conversion" des Européens s’est faite par une suite de pressons administratives et une longue adaptation. Malentendu fondateur, mainmise calculée de la part des évangélisateurs décidés à imposer leur vérité. A cet égard la modernité marque la fin d’une ambiguïté. On peut le regretter.
5) Et en France ?
Le culte des ancêtres claniques ou lignagers est l’exact opposé de la doxa universaliste, qui s’est spécialement manifestée dans la pensée française. Pourtant, les notions demeurent...
Il est vain de penser réconcilier "l’Occident" avec ses morts sans que les Européens ne renouent d’abord avec les notions d’ethnie, avec leurs langues ancestrales et leurs territoires, qui sont aussi des terreaux spirituels, sans qu’ils reconsidèrent la mort et la nature même, sans qu’ils fassent retour à ce que d’aucuns appelaient "le visage originel".