Dans la version yahviste de la création, la femme n’est donc créée qu’après les plantes et les animaux, car l’homme n’aurait pas trouvé de compagne parmi ces derniers…
Oui, mais le « après », ici, va dans le sens de l’égalité, la femme étant supérieure aux plantes et aux animaux, qui sont inférieurs et décevants, et engendrée du côté de l’homme (ni de son pied, ni de sa tête mais de son milieu). Le point marquant l’inégalité, c’est la torpeur et le démembrement d’Adam faisant de lui un dieu au sens des traditions et mythologies, un principe créateur. Beaucoup de mythes de création décrivent la mort du principe et l’apparition des choses à partir de ses parties démembrées, comme par exemple :
« Quand ils eurent démembré le Purusha (l’homme). Comment en distribuèrent-ils les parts ? Que devint sa bouche ?
Que devinrent ses bras ? Ses cuisses, ses pieds, quel nom reçurent-ils ?
Sa bouche devint le Brahmane ; le Guerrier fut le produit de ses bras, ses cuisses furent l’Artisan ; de ses pieds naquit le Serviteur. » (Rig-Veda, X, 90)
La dévaluation d’Eve ne tient pas au « après », mais au comment de son apparition. La côte d’Adam, quel nom reçut-elle ? Sa côte fut la femme... Eve sort d’Adam comme une chose sort du principe.
Il y a deux tendances contraires dans le texte yahviste, à la dévaluation, à l’égalisation... Et « après » les plantes et les animaux relève de l’égalisation (comme dans une procession, celui qui vient en dernier est le plus digne).
Et même, si vraiment ce qui vient en dernier est le plus digne, alors Eve est supérieure à Adam. Ce seraient deux supériorité/infériorité contraires qui se croisent et s’entremêlent. Adam supérieur parce qu’il est le principe, Eve supérieure parce qu’elle est la fin...
Ce qui différencie encore les deux versions, ce serait ainsi que la première est stable et la seconde instable, la première version décrivant une égalité et complémentarité, la seconde version décrivant deux supériorités antagonistes (il ne peut y avoir qu’un seul principe et qu’une seule fin, chacun s’éloignant de l’autre, chacun lié à l’autre par ce qui lui donne en même temps la prééminence : je suis la fin de l’homme mais je ne suis que sa conséquence, je suis le principe de la femme mais je ne suis que son ébauche).
Et le verset « ton époux te dominera » continuant ainsi la seconde version. Comme si la femme avait perdu le contrepoids de la finalité et avait été ramenée à l’homme comme à son principe.