Le Saint-Esprit, c’est le détournement manichéen de cette religion de l’incarnation.
La première apparition du Saint Esprit est au livre de Job : « Dès maintenant, j’ai dans les cieux un témoin, là-haut se tient mon Défenseur. » (16, 19) Ce défenseur, on l’appelle Paraclet en français, du grec parakleitos : avocat de la défense. Et dès que le Christ est venu dans le monde, il a eu besoin d’un Paraclet. Et surtout à l’heure de sa mort, où l’unanimité du rejet par sa communauté a même inclus le Père : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il y a beaucoup de figures du Saint Esprit dans les mythologies, de héros défendant l’enfant abandonné par le père... Comme Métaneirè s’interpose entre son enfant et Déméter qui veut le jeter au feu pour obtenir de bonnes récoltes... Comme dans le légende russe de saint Georges, le héros s’interpose entre l’enfant du roi et la foule qui veut le dévorer... Comme Clément de Metz... Comme aussi dans les mythes amérindiens, survient parfois un gêneur qui sauve l’enfant de la rôtisserie communautaire (mythologie qui les rares fois où elle se met à théoriser affirme très totalitairement que la proie humaine ne peut jamais échapper à la faim de sa communauté et que toute fuite est vaine)... La liste des figures païennes et chrétiennes du parakleitos est interminable... néolithiques, antiques, médiévales, modernes. Et ces figures n’ont rien de particulièrement intellectuelles au sens de la philosophie. Quand la tribu Nez-Percés s’apprête à manger un orphelin et que son père reconnaît l’enfant in extremis, il n’est pas « intellectuel » au sens de l’Académie ou de l’Ecole Palatine, il court seulement le plus grand risque de passer au grill avec son fils (ce qui arrive d’ailleurs à la fin du mythe). Le père, ici, c’était peut-être une grande gueule, un emmerdeur... assez bourrin pour risquer sa vie en provocant la fureur de ses voisins. L’esprit du Saint Esprit, c’est celui qui fait résister à la pression sociale et ne pas céder quand on est seul contre tous... cet esprit qui produit les accidents de l’Histoire.
L’article est passionnant, il y aurait tant de chose à dire. Et « il sera donc tout aussi impossible d’écrire une tragédie ou de construire un bel édifice » est absolument magnifique... éblouissant !