je suis toujours avec attention les analyses de M. Todd, dont j’ai lu plusieurs livres depuis plus de 15 ans, et dont il faut reconnaître qu’il est assez sincèrement patriote français (ce qui est méritant compte-tenu de ses origines familiales très cosmopolites et bourgeoises). Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’entièreté de ses analyses.
Je pense, par exemple, qu’il se trompe en assimilant le catholicisme à un seul principe rémanent d’autoritarisme, de rigueur voire de masochisme. C’est une réduction abusive du phénomène catholique dans l’histoire française depuis le martyre de Sainte Blandine à Lyon en l’an 177. Au plan historique, ethnologique et moral, le catholicisme français est nécessairement complexe et polymorphe : il n’est pas univoque mais rend nécessairement compte des contradictions de la société française pendant plus de 1 500 ans. La mortification catholique n’est pas nihiliste ni masochiste (ce qui la rendrait subtilement diabolique) mais est un des visages de la vertu classique romaine, c’est à dire de la virtus, de la virilité, de la droiture. Principe hautement commun aux civilisations, selon lequel la maîtrise de soi (et de ses pulsions) est le premier chemin de la liberté (voire du salut). Evidemment il faut frustrer en partie, et parfois totalement, ses pulsions afin de les dépasser. Le catholicisme pousse se principe à son achèvement, rappelant lucidement qu’il n’y a ici-bas aucun salut par soi-même (pas de société idéale ni de paradis terrestre), mais uniquement un chemin de croix (conjuguant les humiliations de la vie et la lumière de la révélation au fond même de ce chemin).
Après, il est évident qu’il existe un post-catholicisme rémanent (le terme "zombie" révèle, hélas, un certain mépris de Todd) qui s’exprime de nombreuses manières. En effet à travers l’européisme social-démocrate, mais aussi dans une bonne part de l’extrême-gauche et des écologistes. Mais, si on y réfléchit, aussi à travers le national-républicanisme lepénien. Chacun voyant midi à sa porte. Chacun mettant en avant tel ou tel aspect de la doctrine chrétienne. En fait, nous sommes tous des catholiques zombies, et le catholicisme romain n’était lui-même qu’une continuation métamorphosée du vieux fond gallo-romanisé auquel se sont assimilés les Barbares.
Merci à M. Hindi d’aborder avec courage la question judéo-protestante, qui est elle-aussi pleine de contradictions et de complexités.