Difficile de parler de Marcel Aymé sans évoquer son amitié avec Céline (et Gen Paul). Il est resté un des rares à ne pas retourner sa veste et à lui rester fidèle. Ils étaient très proches et il a en outre écrit de très beaux textes sur ce dernier :
"L’époque présente n’est guère favorable à la compréhension de Céline. L’hypocrisie, le mensonge accepté, la raison d’État, la servilité, l’atonie des esprits, l’indifférence au scandale, toutes choses qui ne datent pas d’avant-hier, ont depuis longtemps une répercussion sur la vie littéraire et la littérature. Dans ce domaine, le goût s’est affaibli, habitué à des nourritures de plus en plus fades, les œuvres se sont amenuisées en petits exercices littéraires, en vagueurs philosophantes pour tendre à une coquette insignifiance dans laquelle il est reconnu qu’un écrivain peut faire carrière et accéder aux honneurs. Il était avant tout un idéaliste, un homme, qui n’était appliqué à décrire la misère physique, matérielle, morale, spirituelle de ses semblables que pour en donner l’horreur à ses contemporains. Et il est bien vrai que Céline avait la haine du mal sous toutes ses formes, sous tous ses déguisements et ses oripeaux. Il était devenu écrivain comme il était devenu médecin, par une seule et même vocation. En tant que médecin, alors qu’au départ de sa carrière, il était très bien placé pour monter un cabinet qui l’eût enrichi, il s’était refusé à faire de l’argent avec la maladie des autres et se trouvait satisfait de n’être qu’un obscur médecin, chichement payé, dans un dispensaire de banlieue. Dans la littérature comme dans la médecine, son ambition était d’abord de servir."