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France, ton Histoire fout le camp !

L’enseignement de l’Histoire revient dans le débat politique en France. Les pétitions et manifestes de ces derniers mois recouvrent trois problématiques très différentes. D’une part, au collège, la disparition de l’histoire nationale et de ses héros telle que l’ont apprise les Français de plus de 50 ans. D’autre part, au lycée, les préoccupations budgétaires et l’impression que l’Histoire et plus généralement la culture classique ne sont d’aucune utilité pour les futures élites du pays. Enfin, au niveau universitaire, la dilution de l’Histoire de France dans une histoire globalisante sans projet ni moteur.

« Français, on n’apprend plus l’Histoire de France à vos enfants ! » Cet appel vibrant remonte à… 1979. Il a été lancé il y a donc 32 ans par le grand historien et journaliste Alain Decaux.

Comme si rien n’avait depuis lors changé, Le Figaro Magazine du 27 août récidive avec en couverture un dossier : « Ce que nos enfants n’apprennent plus au collège ». L’auteur de l’article est Dimitri Casali, qui a réalisé un opéra rock sur Napoléon et vient de publier un livre chez Perrin : L’Alter Manuel d’Histoire de France.

Le mensuel Historia revient également sur le sujet avec un article signé Véronique Dumas : L’histoire saccagée, suite.

L’année passée, notre collaborateur Yves Chenal, qui est par ailleurs normalien et professeur agrégé dans un lycée parisien, avait déjà manifesté sa crainte que les nouveaux programmes de la classe de première ne dénaturent l’enseignement en faisant disparaître la chronologie et, plus grave, remplacent les dissertations par des QCM (questionnaires à choix multiples) ou des jeux type Questions pour un champion.

Sans vouloir être exhaustif, rappelons tout de même aussi la mobilisation d’une vingtaine d’historiens français parmi les plus connus en décembre 2009 contre la suppression de l’histoire-géo en terminale scientifique.

La fin du « roman national »

Pour qui ne s’en serait pas aperçu, rappelons que la France et l’Europe ne ressemblent plus guère à ce qu’elles étaient il y a un demi-siècle quand, s’étant relevées des désastres de la Seconde Guerre mondiale, elles rayonnaient sur le monde et dominaient celui-ci au coude à coude avec les États-Unis.

La France du général de Gaulle se flattait d’être le pays des Droits de l’Homme, de Napoléon et de Victor Hugo ainsi que le « Cinquième Grand » au Conseil de Sécurité de l’ONU.

Français et Européens s’inscrivaient dans une suite continue de générations depuis la fin des invasions, mille ans plus tôt. Ils pouvaient concevoir leur Histoire comme l’interprétation de cette réussite.

C’est ainsi que les historiens du XIXe siècle, tel le grand Jules Michelet, fondateur du « catéchisme national », avaient consacré leurs travaux à démontrer la vocation de leur pays à la grandeur. On appelle « téléologie » cette façon d’interpréter le passé en vue d’expliquer et justifier le présent.

Depuis l’appel d’Alain Decaux, beaucoup de choses ont changé. La population européenne ne se maintient plus que par le biais d’immigrants venus d’autres continents, en amenant avec eux d’autres références culturelles et historiques. Plus gravement, l’Europe a perdu son leadership mondial et s’est normalisée. Ses dirigeants se sont accoutumés à faire profil bas devant les représentants de la Chine, des États-Unis ou aussi bien de la Turquie.

Dans ces conditions, il devient incongru d’enseigner l’Histoire nationale avec des accents épiques à la façon de Mallet et Isaac retraçant le parcours de Jeanne d’Arc ou de Turenne.

En conséquence de quoi, les grandes figures de l’Histoire de France sont toujours présentes dans les nouveaux programmes du collège quoiqu’en dise Dimitri Casali, mais elles ne sont plus au centre du récit historique. Sous l’influence de l’historien Fernand Braudel et de l’École des Annales, elles ont fait de la place à des développements plus prosaïques sur la société et les mœurs : le rôle de l’Église, le développement d’une ville, l’activité d’un marchand au Moyen Âge...

Les mondes extra-européens font aussi leur entrée par la petite porte avec une ouverture sur la Chine classique et l’Inde des Gutpa en sixième, sur l’Afrique médiévale en cinquième (au total 12 heures sur 350 heures d’histoire-géo au collège). Avec le risque, toutefois, que ce saupoudrage ne désoriente les élèves (et les enseignants), déjà mal à l’aise avec la chronologie de l’Histoire nationale.

La culture, c’est accessoire

Les enseignants que nous avons interrogés, comme Yves Chenal et Mickaël Bertrand, auteur du blog Histoire, Mémoires et Sociétés, acceptent plutôt bien cette évolution des programmes au collège.

Ils regrettent plus sérieusement la réduction des horaires au lycée et le sacrifice de l’histoire en terminale scientifique, où elle n’est plus qu’optionnelle.

Outre le souci d’économie qui se dissimule derrière ces dispositions, il y a le sentiment que les élites dirigeantes de ce pays et plus généralement d’Europe considèrent l’enseignement des classiques (histoire, littérature, langues anciennes, philosophie…) comme un luxe devenu inabordable.

Le roman La Princesse de Clèves, moqué à plusieurs reprises en public par le président de la République, est devenu le symbole de ce tournant… et de son ineptie. Car, contrairement à ce qu’a pu affirmer Nicolas Sarkozy, une guichetière de la Poste qui a lu La Princesse de Clèves est très certainement plus compétente, réactive et agréable que telle autre dont le vocabulaire et la pensée se limiteraient aux formules mécaniques apprises pendant ses stages de formation éclair.

L’idéologie néolibérale, qui s’est emparée des esprits depuis deux décennies, privilégie la performance à court terme au détriment du projet de long terme, avec les résultats que l’on sait dans le champ économique.

Mais son influence se fait aussi sentir dans les autres domaines de la vie sociale. Ainsi porte-t-on aux nues les prodiges qui, grâce à un talent particulier (don oratoire, coup de pied, sens du rythme…) accèdent à la première place dans leur domaine, la politique, le foot ou la musique, sans prendre en considération les déséquilibres de leur personnalité. Le « bon élève » et « l’honnête homme » ne font plus recette.

Face au culte de la performance et du profit, l’enjeu n’est plus le nombre d’heures consacré à Clovis dans les programmes d’histoire mais la place de l’histoire-géo et plus largement des disciplines « culturelles » dans l’éducation nationale. Voulons-nous former des citoyens ouverts et créatifs, auquel cas il faut rétablir l’histoire en terminale scientifique et réhabiliter la princesse de Clèves ? Ou croyons-nous plus profitable de former des producteurs strictement spécialisés, comme dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley ?

Une discussion sur la place de l’histoire dans l’enseignement ne peut s’abstraire d’un débat plus général sur les objectifs de l’éducation dans la France et l’Europe de demain.

Le monde plutôt que la France

Reste que l’Histoire ne se pratique plus comme au temps de Michelet. Les historiens français et allemands, qui donnaient le ton jusqu’au milieu du XXe siècle, ont cédé le pas à leurs homologues américains.

Par une téléologie inversée, ceux-ci s’appliquent à démontrer que la domination européenne des derniers siècles n’a été qu’un accident, voire une anomalie dans le cours de l’Histoire universelle.

Un numéro spécial de la revue Sciences humaines : « Asie, Afrique, Amérique… L’histoire des autres mondes », dresse le bilan de ces recherches et rappelle de façon intéressante la grandeur propre aux grandes civilisations de ce qu’on appelait autrefois le tiers monde.

Cette nouvelle Histoire est accueillie avec faveur par les cercles universitaires et politiques du Vieux Continent.

En minorant voire en occultant les apports de la civilisation européenne (démocratie représentative, émancipation des femmes, révolution scientifique…), ils excusent et justifient par avance l’anémie actuelle de l’Europe.

Ils en viennent à considérer que si l’Europe ne rayonne plus dans les domaines culturels et scientifiques et qu’elle n’arrive plus à peser sur les affaires du monde, c’est seulement l’effet irrépressible d’un retour à la « normale », autrement dit au partage du monde qui prévalait en l’An Mil.

Cette interprétation a l’avantage de dégager la responsabilité des classes dirigeantes (et de leurs électeurs) dans l’effacement géopolitique du Vieux Continent.

Autant dire que l’enseignement officiel n’est pas près de revenir au « catéchisme national » de Michelet et Mallet-Isaac. Cela n’empêche que nous conservons à cette Histoire-là toute notre affection.

 






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17 Commentaires

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  • #44391
    Le 10 septembre 2011 à 14:11 par Jean Leroy
    France, ton Histoire fout le camp !

    Le sabordage de l’enseignement de l’histoire fait partie du plan général du sabordage de l’éducation qui a pour but de transformer les gosses en nomades attaliens, c’est à dire en individus totalement atomisés, en consommateurs et en travailleurs indifférenciés et interchangeables.

    Il faut lire Michéa ou Lasch. On détruit l’apprentissage de la lecture par l’application d’innovations pédagogiques (méthode globale) qui ont montré leurs effets dévastateurs.

    Pour l’histoire, cela revient à casser tout sens de l’histoire, toute logique des événements et donc à remplacer le récit historique chronologique à une soupe informe de toutes les époques et de tous les pays. Remplacement également d’un récit causal mettant en évidence les causes et les effets par une sorte de récit hollywoodiens de lutte contre les gentils et les méchants. Hitler est une sorte de démon à cornes et queue fourchue sorti tout fumant du cul de l’enfer, j’exagère à peine. Et bien entendu, la dictée de tout les communautariste victimaires. L’étude de la shoah prend la moitié du temps consacré à la seconde guerre mondiale.

    Bien entendu, comment peut-on se construire un quelconque sens du politique avec un tel enseignement ?

    C’est fait pour former des carpettes qui avaleront tous les mensonges et toutes les couleuvres à la fois des lobbyes de toute sortes, des éducateurs trotskystes ou des merveilleux chantres de la société de consommation.

     

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  • #44431
    Le 10 septembre 2011 à 17:11 par OV
    France, ton Histoire fout le camp !

    Je rappel que ce n’est pas l’éducation (sous entendu l’école publique) mais l’instruction qui est obligatoire en France dès l’âge de 6 ans jusqu’à 16 ans.
    L’on peut donc, légalement, se passer de toute école quelle qu’elle soit pour instruire ses enfants.

     

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    • #44502
      Le Septembre 2011 à 22:55 par damien
      France, ton Histoire fout le camp !

      Tiens en parlant de ça, j’ai entendu un économiste (dans un contexte de réduction des dépenses) pensant à rendre de l’impots à qui se chargerait lui même de l’instruction de ses chères têtes.

      Une manière de désintégrer l’école, la gueuse (République), de promouvoir au communautarisme ?
      Cette école a des tords, mais elle participer à la fondation de la nation ? C’est un peu grâce à elle que les languedociens et les bretons se comprennent ?

       
  • #44435
    Le 10 septembre 2011 à 17:41 par Bill
    France, ton Histoire fout le camp !

    Comment peut-on admettre que l’éducation nationale n’ est plus désormais que le lieu où se met en place "l’ enseignement de l’ignorance",que l’école n’est plus qu’une usine à décérébrer et à fabriquer des moutons,et continuer à oeuvrer en son sein ?
    Comment peut-on encore être professeur ou instituteur ?

     

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  • #44440
    Le 10 septembre 2011 à 18:08 par C.C
    France, ton Histoire fout le camp !

    Faite place au citoyen du monde.
    Issue d’une toute nouvelle ethnie, bercée dans les valeurs morales du suicidaire capitalisme, telle que la Société du Spectacle, et toutes les autres inepties qu’enseignent sournoisement la pensée unique à la télévision.


    Un lavage de cerveau façon 1984... pour concevoir un type de citoyen parfaitement docile à la domination d’un Système qui ne profite qu’aux élites, ou plutôt, à une Nomenklatura.


    Et qui sont les cosmopolites qui imposent ce formatage des peuples ?
    Les sionistes en première ligne...

     

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  • #44450
    Le 10 septembre 2011 à 19:21 par Esprit Lambda
    France, ton Histoire fout le camp !

    Pour eux, ce sont la nation, la démocratie et la résistance qui sont des points de détail de l’Histoire. Les vierges effarouchées donnent elles-mêmes tout leur sens aux propos de Jean-Marie Le Pen.

     

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  • #44515
    Le 10 septembre 2011 à 23:23 par Virgile
    France, ton Histoire fout le camp !

    Bonsoir,

    Je ne suis pas trés convaincu par la thèse de l’article au demeurant fort bien construit.

    Il me semble en effet que la France avait un rayonnement certain au XVIII siècle sans que le niveau culturel général des Français soit réellement élevé...

    J’ai 43 ans. Ceux de ma génération ont été formés à l’école de la République et connaissent assez bien l’histoire de France telle qu’envisagée dans l’article. Or, les tenants de l’idéologie néolibérale sont aussi des individus de ma génération. Je soutiens donc que ceux qui ont vendu la France possédent une culture générale, donc en histoire de France, developpée. D’autant plus que les politiques, les hauts fonctionnaires, les chefs d’entreprises sont generalement dotés d’une formation assez compléte.
    .
    Il semble donc que la culture n’empêche pas le culte du profit !
    .
    Merci à celles et ceux qui travaillent pour ce site. Vous faites oeuvre de salubrité publique !

    Virgile.

     

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    • #44622
      Le Septembre 2011 à 12:44 par C.C
      France, ton Histoire fout le camp !

      Sauf que les pouvoirs publiques mettent tout en œuvre pour séparer l’école en deux niveaux bien distinct de compétences. Le secteur public est en ruine... inutile de s’étaler là-dessus, c’est plus qu’évident, tandis que fleurissent les écoles privées, et c’est bien dans cette dernière catégorie que les élites envoient sa progéniture étudier.
      Et puis en dehors de ce sujet là, vous devriez quand même vous rendre compte du haut de vos 43 ans de l’abrutissement généralisé de "la culture française" ; enfin, pour ne pas dire, qu’elle est morte et a laisser place à un ersatz américain totalement immangeable.
      Sinon pour s’en rendre compte autrement, il suffit de voir, comme indicateur de vie intellectuelle, surtout chez les jeunes générations, le déclin du marché du livre...

       
    • #44631
      Le Septembre 2011 à 13:17 par C.C
      France, ton Histoire fout le camp !

      Post-scriptum : Sophie Coignard : « Les politiques ont abandonné l’Education nationale »
      Très intéressant à découvrir !


      Cordialement, Charles Corday.

       
    • #46911
      Le Septembre 2011 à 21:49 par Virgile
      France, ton Histoire fout le camp !

      Bonsoir Monsieur Corday,

      Je ne vois pas bien le rapport entre votre réponse et mon intervention qui prétend qu’être cultivé ne génére pas le souci de l’intérêt général ou une conscience politique.

      Cependant, vous vous êtes donné la peine de me répondre et je veux vous rendre cette politesse.
      A vous lire, le secteur public (je devine:de l’école) est en ruine. " C’est plus qu’évident" précisez-vous... Je ne partage pas ce point de vue. l’ENA en ruine ? Normale Sup en décrépitude ? Saint-Cyr une défaite ? Polytechnique un échec ? Supélec en court-circuit ? Les Arts & Métiers en déroute ? C’est pourtant bien vers ces établissements que la future élite Française se dirige le plus souvent. A propos des écoles privées, je crois que le choix possible, la diversité sont une chance.
      Sur "l’abrutissement généralisée de la culture Française" je ne sais pas quoi vous dire. Qu’entendez-vous par "culture Française" ? Quels indicateurs vous poussent à vous exprimer avec autant de brutalité et de certitude ?
      Qu’est-ce que "l’ersatz Américain" dont vous parlez ? Que connaissez-vous exactement de la culture Américaine ? De ses artistes ? De ses auteurs ? Des philosophes Américains ? Résumez-vous la culture Américaine au Coca Cola ou aux hamburgers ?
      Quant aux marché du livre, je n’ai pas connaissance des chiffres. Ni de ceux en rapport avec les téléchagements sur internet, des ebooks, des livres audio. Peut-être me les communiqueriez-vous en vu d’échanges pertinents et profitables entre nous ?

      Bien cordialement.

      Virgile

       
  • #44523
    Le 10 septembre 2011 à 23:39 par damien
    France, ton Histoire fout le camp !

    Franchement, notre culture et les apparentés sont suffisamment riches, ce sont encore des branleurs sans cran qui font les programmes ! :

    * Montherlant en littérature avec "[Sa] Rose de Sable" me semble être un bon roman de "réconciliation" ! que ce soit sur les sentiments éternels que l’on pourrait voir en classe de littérature ou sur le coté historique du colonialisme
    http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPF86644601/henry-de-montherlant.fr.html
    * Sur la Grèce Antique, j’ai découvert : Pisistrate, je voyais Jean-Marie comme le nouveau Pisistrate, mais il n’aura pas lieu.

     

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  • #44571
    Le 11 septembre 2011 à 07:40 par thegame
    France, ton Histoire fout le camp !

    Bientôt ce ne sera que l’histoire du peuple juif qui va être enseignée en histoire, tout le reste rien c’est du vide.....

     

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  • #44638
    Le 11 septembre 2011 à 13:25 par Mansur
    France, ton Histoire fout le camp !

    De toute façon seule la Shoah compte...

     

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  • #44641
    Le 11 septembre 2011 à 13:30 par leeloo
    France, ton Histoire fout le camp !

    A lire ! . . . Bientôt nous ne commémorerons que les fêtes et l’histoire des autres . . .

    http://www.propagandes.info/product...

     

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