Accroché à une colline sur la rive asiatique d’Istanbul, le quartier de Gülsuyu n’a de poétique que son nom. « Eau de rose » n’a jamais été si mal nommé. Le 30 septembre, c’est le sang qui a coulé dans l’une de ses rues grises qui dévalent la pente vers le Bosphore. Il s’est incrusté dans le bitume et a laissé une trace noirâtre.
Hasan Ferit Gedik, 21 ans, a été tué de six balles lors d’un affrontement entre militants d’extrême gauche et un gang mafieux nouvellement implanté. Trafic de drogue, suspicion de complicité policière de la part des habitants et renouvellement immobilier imposé par la municipalité constituent la toile de fond de cet assassinat.
Le destin du jeune homme résonne à double titre dans l’actualité turque. Hasan Ferit était sur les barricades lors de l’immense contestation du mode de gouvernance du premier ministre au mois de juin, et appartenait à la minorité alévie, une branche hétérodoxe et libérale de l’islam.
Majoritaires à Gülsuyu, ces musulmans qui vénèrent Ali sont en première ligne contre Recep Tayyip Erdogan. « Nous sommes le cœur de l’opposition, c’est pour cela que nous sommes si présents dans la mobilisation de Gezi », avance Abidin Sari, sympathisant révolutionnaire, arrêté au bord de la route où s’est effondré Hasan.