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Marine Le Pen, candidate à la succession de son père et pour 2012

Chat de Marine LE PEN sur lemonde.fr

Hello : Vous avez maintenant trois mandats : conseiller municipal, députée européenne et conseiller régional... Lequel allez-vous abandonner, comme la loi vous y oblige ?

Marine Le Pen : Effectivement, c’est la loi. Ce n’est donc pas un choix. La loi oblige à conserver le dernier mandat obtenu. Encore faut-il que la justice se soit prononcée sur la validité de l’élection et ce, de manière définitive. Or plusieurs recours ont été introduits visant à l’annulation de l’élection de Hénin-Beaumont. Je me conformerai donc à la loi lorsque la justice aura rendu sa décision sur cette élection. J’abandonnerai probablement le mandat de conseiller régional.

janot : Le FN s’est présenté en masse aux dernières élections municipales mais n’a essuyé que des défaites tragiques. Pensez-vous que les électeurs extrémistes se satisfont des idées de l’UMP et de Nicolas Sarkozy ?

Marine Le Pen : Je vois déjà deux approximations dans la question. Le Front national ne s’est pas présenté en masse aux municipales, bien au contraire, puisqu’il avait 120 listes, soit moins qu’en 2001 et plus de quatre fois moins qu’en 1995. Nous avons en effet été contraints de réduire la voilure compte tenu des difficultés financières issues des législatives.

Par ailleurs, je n’aime pas le terme d’électeur extrémiste. Je trouve beaucoup plus extrémiste la politique pro-immigration, pro-globalisation, pro-mondialisation de Nicolas Sarkozy.

Et les résultats n’ont pas été si mauvais que cela, notamment dans les villes moyennes. Il est vrai que les grandes villes sont devenues terres de mission pour le Front national, probablement à cause des modifications sociologiques qu’elles enregistrent.

Une partie de nos électeurs ont été séduits par les idées de Nicolas Sarkozy, mais beaucoup en reviennent. Le problème, c’est qu’ils se sont réfugiés en grande partie dans l’abstention, ce que nous avions d’ailleurs prévu. Il était encore un peu trop tôt pour qu’ils se tournent massivement à nouveau vers le Front national.

marie : Ne pensez-vous pas que le FN a raté sa campagne présidentielle en allant sur des thèmes de rassemblement qui n’avaient leur légitimité qu’au deuxième tour (je pense aux discours de Valmy ou à celui de la dalle d’Argenteuil en particulier) et non au premier ? En vue de la présidentielle de 2012, quels sont les enseignements que vous tirez de votre échec en 2007 ?

Marine Le Pen : On peut défendre cette position, mais je la crois un peu excessive. Parce que nous avons tiré en 2007 les leçons de 2002, à savoir qu’il n’est pas possible de mettre en place une politique de rassemblement en dix jours, dans les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’élection de 2002. Par conséquent, un certain nombre de signaux devaient être adressés dès le premier tour, et je ne pense pas du tout que le résultat de la présidentielle soit lié à cela.

Pour avoir interrogé et entendu les électeurs du Front national de 2002 qui ont choisi en 2007 Nicolas Sarkozy, ils l’ont fait pour des raisons souvent purement pragmatiques. "Ca ressemble à du Le Pen et c’est plus près du pouvoir". Donc je ne pense pas en l’occurrence que la stratégie mise en place par Jean-Marie Le Pen durant sa campagne soit la cause de notre absence au second tour.

alexandre : vous avez mis en place durant la campagne une image "soft" de votre père pourquoi selon vous cela n’a pas marché ?

Marine Le Pen : Cela m’amuse parce qu’en 2002, déjà, souvenez-vous, tous les journaux titraient "Le nouveau Le Pen". Le Pen était plus soft, il parlait plus gentiment, il avait des positions moins tranchées, c’est-à-dire exactement la stratégie qui a été continuée en 2007 et qui visait non pas à présenter un Le Pen gentil, mais à présenter le vrai Le Pen. Loin de la caricature qui était faite de lui depuis des années, à savoir violent, extrémiste, sans nuances, etc.

cast : Ne croyez-vous pas que les électeurs ont sanctionné le FN en tant que parti figé, incapable d’évoluer parce qu’incarné par Jean-Marie Le Pen, et qu’en conséquence l’avenir du FN passe par son départ le plus rapidement possible ?

Marine Le Pen : C’est une analyse très sommaire, et j’en veux pour preuve les résultats des législatives. Que les électeurs nous lancent un signal sollicitant du FN que, éventuellement, il s’ouvre, se rajeunisse, se modernise dans son discours, on peut le concevoir.

Mais ce que je remarque, c’est que Jean-Marie Le Pen, à la présidentielle, réunit 3 800 000 électeurs, et que les candidats du FN, qui devraient attirer dans ces conditions sur leur propre personnalité, n’ont réuni que 1 100 000 électeurs, soit plus de trois fois moins. Il faut donc toujours se méfier des conclusions hâtives.

mathilde56 : pensez-vous briguer la présidence du FN ? Quand aura lieu, à votre avis, la succession de M. Le Pen ?

Marine Le Pen : A la deuxième question, je répondrai : quand il l’aura décidé. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que je serai candidate à la succession de Jean-Marie Le Pen.

Je pense que le calendrier statutaire du Front national se présente plutôt bien, puisque le prochain congrès devrait selon nos statuts se dérouler en 2010, deux avant la présidentielle. Or je plaide que la nature des institutions françaises et que la nature même d’ailleurs du FN poussent à ce que le prochain président du FN soit en même temps le candidat de la famille nationale à l’élection présidentielle. Si le congrès intervient en 2010, deux ans me paraissent un délai raisonnable pour lancer et faire vivre la campagne présidentielle.

Alexandre : Est-ce que vous vous diférenciez de votre père sur certains points du programme ? Voulez-vous changer le parti ? Comment pensez-vous attirer une nouvelle génération de militants ?

Marine Le Pen : Oui, il m’arrive d’avoir des positions divergentes ou des nuances sur un certain nombre de points du programme avec mon père. Dieu merci, le FN n’est pas une secte. Nous n’avons pas, mon père et moi, le même âge, le même parcours, et par conséquent, il n’est pas étonnant que sur certains points nous puissions avoir des avis divergents ou des nuances. Par exemple sur la fonction publique.

Toute personne qui a comme objectif de diriger un mouvement a évidemment comme objectif, sinon de le changer, du moins de l’améliorer, de le rendre plus attractif, de le rendre plus dynamique. C’est tout à fait légitime comme désir.

Je pense que de nouveaux électeurs pourraient effectivement rejoindre le FN, notamment si celui-ci rendait plus visible son programme social. Pour des raisons parfois indépendantes de sa volonté, le FN a été cantonné dans la dénonciation de l’immigration, de l’insécurité, du fiscalisme. Or il a un programme économique et un programme social très aboutis, mais très peu connus.

En cette ère de globalisation, la meilleure connaissance par le public de ce programme pourrait à mon avis attirer de nouveaux électeurs sans, bien entendu, perdre ceux qui lui font confiance depuis déjà de nombreuses années.

Pierre : Si de nos jours l’économie française n’est pas au mieux, c’est surtout à cause d’une conjoncture internationale défavorable. En parlant d’immigration zéro et d’un retour à la priorité française, ne pensez-vous pas que vous vous écartez des véritables questions et des réels problèmes ?

Marine Le Pen : Pas du tout. C’est un peu facile de chercher les responsabilités toujours à l’extérieur. La conjoncture économique internationale est mauvaise, mais demain elle sera pire.

La question, c’est : l’Etat-nation peut-il ou veut-il mettre en place des conditions de protection face à une globalisation économique dont on ressent aujourd’hui les limites et même les aspects dramatiques, comme les délocalisations, les suppressions de secteurs économiques entiers pour des problèmes de compétitivité.

Donc l’immigration zéro, qui est en réalité un moratoire sur l’immigration, est la conséquence d’un constat. Ce constat, c’est qu’en l’état nous importons des chômeurs ; ou des personnes à charge de la communauté nationale, alors que nous n’en avons pas les moyens et que notre marché de l’emploi ne permet pas de faire travailler les 3,5 millions de chômeurs qui sont actuellement en France.

nefertiti : Que répondez-vous à ceux qui associent directement Front National avec Parti raciste et antisémite ?

Marine Le Pen : Je leur dis qu’il s’agit là d’une diffamation qui, à force d’avoir été répété pendant des années, a fini incontestablement par entrer dans l’esprit d’un certain nombre de Français, au préjudice de notre formation politique. La France est le seul pays du monde où l’on ne puisse pas parler d’immigration sans se faire traiter de raciste.

L’immigration, et plus largement, les flux humains seront le problème du XXIe siècle, et ce, au niveau mondial. Refuser d’en parler, refuser de le chiffrer et d’en analyser les conséquences sur une économie est à mon avis criminel.

Métèque : Seriez-vous d’accord pour participer au gouvernement du M. Fillon à la place de M. Hortefeux par exemple ?

Marine Le Pen : Sûrement pas. Pour une raison très simple : l’intégralité de la politique conduite par Nicolas Sarkozy va à l’inverse de l’intérêt de la France. On ne peut pas participer à un gouvernement avec lequel on n’est d’accord sur rien, ni sur l’immigration, et particulièrement l’immigration choisie, ni sur l’Europe, ni sur la question sociale, ni sur la politique fiscale. Si c’est uniquement pour avoir un maroquin ministériel, ce serait déplorable.

Sarah : Quel est votre avis concernant les Jeux Olympique de Pékin ? Faut-il ou non boycotter ?

Marine Le Pen : A titre personnel, je ne pense pas que le boycott puisse avoir des conséquences sur la politique mise en place par la Chine.

Mais je m’étonne tout de même, parce que le FN dénonce le communisme depuis des dizaines d’années, contre une classe politique qui a toujours eu à l’égard des régimes communistes une faiblesse coupable. Aujourd’hui, pour se donner bonne conscience, chacun y va de ses propositions de sanctions, mais qui ne sont que des sanctions symboliques.

Je rappelle à vos internautes que Mme Royal, durant la campagne présidentielle, avait félicité la Chine pour la rapidité de sa justice. Effectivement, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au Tibet, elle est expéditive...

732 : Que pensez-vous de l’envoi de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan comme l’a annoncé le président de la république ?

Marine Le Pen : La position du FN a toujours été très claire en la matière : nous nous sommes prononcés contre la première guerre en Irak, contre la deuxième, et nous considérons toujours que la place de la France n’est pas dans le bourbier américain dont on voit que, loin d’amener la démocratie et la paix et la prospérité aux peuples en question, ces interventions militaires n’ont apporté que ruines, massacres, et déstabilisation politique majeure, et même renforcement des terroristes et extrémistes présents sur ces territoires.

Lorsque l’on connaît la situation de l’armée française, on ne peut que s’étonner que le président de la République prenne une décision si lourde de conséquences pour la vie de nos soldats, manifestement pour faire plaisir aux Etats-Unis et à ses alliés anglo-saxons.

Je pense que les institutions de la Ve République, qui prévoient que le président est chef des armées, lui donnent évidemment la possibilité de prendre ce type de décision. Exiger un accord du Parlement reviendrait à changer totalement la nature même de la Ve République. Quant à ceux qui plaident pour un débat devant le Parlement, celui-ci ne servirait évidemment à rien, il ferait partie des multiples commissions, hauts commissariats, tables rondes qui sont devenus aujourd’hui un système de gouvernement par l’enlisement. Nicolas Sarkozy a pris une décision, il doit en assumer les conséquences à titre personnel.

Simon : Marine le Pen, quel message auriez-vous adressé aux Anglais à la place de Nicolas Sarkozy ?

Marine Le Pen : Je leur aurais dit qu’ils ont bien fait de ne pas prendre l’euro, et bien fait de continuer à maîtriser leurs frontières, et que la France aurait bien été inspirée de faire également ces choix.

Maintenant, si vous me permettez une digression, j’ai été assez étonnée de l’interview de Gordon Brown dans "Le Monde", car on voit bien qu’il partage avec Nicolas Sarkozy la vision d’une société totalement globalisée, où l’Etat-nation doit disparaître. Ca nous apprend plus sur les arrière-pensées de notre président de la République, qui ne tient jamais aussi clairement ce discours.

Dans cette interview, Gordon Brown indique également que Nicolas Sarkozy va annoncer la réintégration à l’OTAN, ce qui, une nouvelle fois, est un élément démontrant sa soumission aux désirs et aux injonctions américains.

Bidule87 : Que doit-on faire face à des situations comme celles de Mme Sebire ? Autoriser une fin de vie accélérée ?

Marine Le Pen : Très objectivement, ce débat sur l’euthanasie est un débat extrêmement sensible et un peu dénaturé par la mise en avant de situations personnelles qui sont à l’évidence dramatiques.

Je ne pense pas qu’il faille légiférer au-delà de la législation actuelle. D’ailleurs, l’on apprend depuis quelques jours que Mme Sébire avait refusé - et c’est son choix - de bénéficier des soins palliatifs qui lui avaient été proposés par les services spécialisés. Il me semble que la loi Leonetti est suffisante. Aller au-delà serait toucher aux bases mêmes de notre société.

taous : Selon-vous, quelles solutions sont envisageables pour le pouvoir d’achat ?

Marine Le Pen : D’abord, il y a des mesures d’économies globales. On a fait croire aux Français qu’en ouvrant totalement les frontières aux produits issus des pays émergents, ils en tireraient un bénéfice en termes de pouvoir d’achat.

Or on arrive à une situation où les tee-shirts arrivent à 1 euro, mais ne peuvent pas être achetés par les chômeurs. Parce que l’ouverture totale des frontières à ces produits a entraîné la disparition de pans entiers de notre économie. Il ne peut pas y avoir de combat pour le pouvoir d’achat sans combat pour l’emploi, et pour l’emploi durable.

Il y a de surcroît des mesures, des actions à envisager directement sur les prix à la consommation. Une des plus grandes escroqueries du XXIe siècle, c’est le comportement des politiques vis-à-vis de la grande distribution. La grande distribution a entraîné la disparition d’un million d’emplois en 25 ans.

Et l’on s’aperçoit aujourd’hui que, loin de contribuer à la hausse du pouvoir d’achat, elle crée des situations de position dominante, ou même parfois de monopole de fait, dont elle profite au détriment des prix, et donc au détriment du pouvoir d’achat des Français. Il y a donc une politique claire de contrôle de cette grande distribution à mettre en place, c’est-à-dire exactement l’inverse de ce que propose M. Attali dans son rapport.

bbb : Question un rien personnelle, désolé : est-ce difficile de suivre la même carrière - politique, et en défendant les mêmes idées - que son père ? Souffrez-vous d’un syndrome "fille de" ?

Marine Le Pen : Non. Il est évident qu’il est toujours compliqué de faire le choix du domaine dans lequel un de ses parents est leader. La comparaison est toujours possible, il faut l’assumer.

Mais je crois avoir mon caractère propre, et avoir assez rapidement réussi à me faire un prénom, à avoir une personnalité qui soit envisagée pour elle-même, et non pas comme fille de Jean-Marie Le Pen. En résumé, comme dans beaucoup de domaines, il y a du pour et du contre.

Eric : Si un de vos enfants, souhaitait (un jour) "embrasser" une carrière politique en France, quelle serait alors votre position ?


Marine Le Pen : Je le lui déconseillerais sûrement. Quand j’étais jeune, j’ai cherché à fuir la politique en me lançant dans une carrière d’avocat. Mais la politique est un virus, et lorsque vous l’avez, il finit toujours, un jour ou l’autre, par ressortir.

Je ne sais pas si un de mes enfants aura ce virus, je le préviendrais dans ces conditions de la dureté du monde politique, des sacrifices qu’entraîne ce choix. Mais il aurait bien entendu le dernier mot.

Romain : Compte tenu des convergences de vue du FN, du MPF et du MNR sur l’arret de l’immigration, la création d’un seul et même mouvement rassemblant l’ensemble des patriotes et mettant de côté les conflits d’appareils ne serait-elle pas envisageable en vue des élections présidentielles de 2012 ?

Marine Le Pen : Pour se marier, il faut être deux. Et ces convergences ne sont pas si évidentes que cela.

Je prends l’exemple du MPF : le FN se situe résolument dans l’opposition à Nicolas Sarkozy ; le MPF a soutenu Nicolas Sarkozy au 2e tour de la présidentielle, mais surtout a fait des accords électoraux avec lui, notamment aux cantonales. Comment peut-on être crédible dans l’opposition à un gouvernement que l’on considère comme néfaste à notre pays et en même temps, pour des raisons d’intérêt personnel, passer des alliances avec lui et le soutenir ? On voit qu’il y a là une divergence majeure entre le MPF et le FN, en tout cas une divergence majeure de stratégie.

Quant au MNR, il a des positions, en tout cas Bruno Mégret comme président, beaucoup plus européistes que le FN. Ce n’est pas dirimant en soi, j’ai eu l’occasion d’indiquer il y a quelques semaines que tout pourrait être envisageable, mais que la personnalité de Bruno Mégret était un obstacle manifeste dans l’esprit de beaucoup d’adhérents du FN, à une convergence de ces deux mouvements, y compris sur le terrain électoral. Le rassemblement de tous les patriotes reste évidemment un objectif, mais il est plus facile de l’espérer que de le réaliser.

bree : où allez-vous déménager le QG du FN après la vente du "paquebot" ?

Marine Le Pen : La décision n’est pas encore définitive. Je ne peux donc donner d’éléments, mais je peux vous indiquer que nous resterons dans l’Ouest parisien.

flanby : Avez-vous la même opinion que votre père concernant l’équipe de France de football ? A savoir qu’elle ne représente pas la France ?

Marine Le Pen : Ce n’est pas ce que Jean-Marie Le Pen a dit en l’occurrence. De mémoire, la question tournait autour de la discrimination positive, qui m’apparaît être un principe absolument anticonstitutionnel. Dans mon esprit, et comme responsable politique française, je défends les Français.

Je trouve que l’introduction dans le débat public d’avantages ou de différences de traitement qui seraient instaurés en fonction d’autres considérations que l’appartenance à la nationalité est éminemment perverse. La couleur de la peau, l’origine, qu’elle soit ethnique ou sociale, la religion, ne doivent pas entrer en ligne de compte dans le traitement des Français. C’est en ce sens que Jean-Marie Le Pen était intervenu, indiquant l’absurdité de ce type de mesure, notamment en prenant l’exemple de l’équipe de France.

flanby : Les propos de M. Le Pen était que, je cite, "Mr Domenech avait peut-être exagéré la proportion de joueurs de couleur" et qu’il avait "l’impression que les Français ne se sentent pas complètement représentés". Aucun rapport avec votre réponse sur la discrimination positive....

Marine Le Pen : A partir du moment où l’on considère qu’il faut qu’il y ait une représentativité partout, Jean-Marie Le Pen s’est légitimement posé la question de savoir si l’équipe de France était représentative. C’est encore une fois toute la perversité de ce débat sur la visibilité qui est en jeu.

alexisalex : Te semblerait-il scandaleux qu’un jour la France soit présidée par un arabe ou un noir ?

Marine Le Pen : J’ai répondu à cette question dans ma réponse précédente. Je ne me détermine pas en fonction des Arabes ou des Noirs. Je me détermine en fonction des Français, de leurs qualités, de leur amour pour leur pays. C’est d’ailleurs pourquoi le FN a toujours défendu bec et ongles ses départements d’outre-mer, devenus je crois pays d’outre-mer, puisqu’il ne fonde pas sa politique sur la couleur, mais sur l’appartenance à la nation française.

Jean_Jacques : Que pensez-vous de la position du député Européen Geert Wilders sur l’Islam, et de la suspension de son site internet avant la sortie de son film anti-musulman FITNA ?

Marine Le Pen : Je ne connais pas dans le détail cette affaire. Il semblerait que le film fasse grand bruit. Je suis par principe pour la liberté d’expression, même si je ne cautionne pas tout ce qui est dit au nom de la liberté d’expression.

Je pense qu’il faut parler de religion avec respect. De toutes les religions. Mais les pays occidentaux ne peuvent pas faire l’économie - sauf à faire la politique de l’autruche - d’une réflexion sur ce que j’appelle l’islam politique, c’est-à-dire l’utilisation d’une religion à des fins de revendications politiques.

C’est le débat sur la laïcité, les atteintes qui lui sont portées avec la complicité des gouvernements, sur l’adaptation des lois françaises à des sollicitations religieuses. Tout cela est un vrai sujet, et ce n’est pas, à mon avis, par la censure, qu’on pourra l’aborder efficacement.

mdl28 : La loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’Etat doit-elle être modifiée comme certains responsables musulmans le réclament, afin de permettre la construction de mosquées ?

Marine Le Pen : Je suis absolument contre la modification de la loi de 1905. Je suis particulièrement attachée à la neutralité religieuse, mais aussi, et je le rappelle, parce qu’elle est incluse dans la loi de 1905, la neutralité politique.

Quand je parlais de l’islam politique, j’évoquais bien entendu cette question : repas différents dans les cantines des écoles publiques, adaptation des horaires des piscines, adaptation des contenus pédagogiques à tel ou tel interdit religieux, ceci est non seulement inadmissible, va à l’encontre des valeurs de la République française, mais est surtout le germe de conflits et de divisions, et représente en ce sens un danger majeur pour notre société.

Mais dans ce domaine comme dans d’autres, c’est la faiblesse du pouvoir politique qui doit être violemment condamnée, plus encore que les tentatives de pression de mouvements politiques musulmans.

nefertiti : Doit-on abandonner ses traditions ou sa religion (ne pas manger de porc dans les cantines scolaires justement) pour être considéré comme français ?

Marine Le Pen : Pas du tout. Ce n’est pas du tout le sens de mon propos. Mais si l’exercice de la religion se heurte à la neutralité religieuse de l’espace public, il faut dans ces conditions se tourner vers le privé.

C’est d’ailleurs si vrai que beaucoup de Français catholiques, qui considèrent que l’école publique, laïque ne correspond pas à la vision qu’ils ont de l’éducation qui doit être donnée à leurs enfants, ont le choix, et l’exercent, de mettre leurs enfants dans des structures privées qui ne sont pas soumises à la loi sur la laïcité.

On peut parfaitement vivre sa religion, et énormément de musulmans la vivent dans l’espace privé, sans vouloir imposer à l’espace public son choix. C’est la raison pour laquelle je dis qu’il s’agit en réalité de minorités qui agissent plus pour des raisons politiques que pour des raisons religieuses.

Julien_Lenoir : Êtes-vous partisane du droit du sang, ou pensez-vous que le droit du sol doit être le seul qui prévale ?

Marine Le Pen : Je suis une adversaire du droit du sol. Je n’aime pas d’ailleurs ce terme de droit du sang. Parce que je sais que dans l’imaginaire collectif, il fait référence à des positions contestables. Il s’agit en réalité du droit de la filiation. Je pense que la nationalité française s’hérite ou se mérite. Il ne s’agit pas du tout, dans notre esprit, de supprimer la possibilité de la naturalisation, mais, sous un certain nombre de conditions, comme cela existe dans beaucoup de pays, y compris européens.

Mais admettre que le simple fait de naître sur un territoire vous donne droit à acquérir, par simple déclaration, la nationalité française, me paraît être une mesure très dangereuse dans notre monde où les flux humains se sont considérablement démultipliés. Il n’y a qu’à voir les problèmes suscités par ce droit du sol à Mayotte, ou en Guyane, pour se rendre compte que cette mesure, qui pouvait être envisageable à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, ne l’est plus aujourd’hui, sauf à entraîner des bouleversements économiques, sociaux et culturels majeurs.

lol : Quelles conditions ?

Marine Le Pen : Des conditions de respect de la loi française. Notamment, éventuellement, de ne pas avoir multiplié des condamnations, le fait d’avoir un travail, le fait de maîtriser la langue française, toutes conditions qui sont d’ailleurs celles imposées par des pays comme l’Allemagne, l’Italie par exemple. Et l’on s’aperçoit d’ailleurs que quasiment tous les pays européens ont modifié leur législation en ce sens, sauf la France. Devenir français est un honneur, il faut s’en montrer digne, il faut le mériter.

Anthony_D : Alain Soral fait-il toujours partie du FN ?


Marine Le Pen : Alain Soral est membre du comité central du FN pour pouvoir participer à ses travaux, à la réflexion que le FN mène. Mais c’est un esprit libre, c’est pour cela qu’on l’apprécie. Je pense qu’il a son mot à dire, qu’il serait dommage de se priver de son apport, mais contrairement à ce qui a pu être dit durant la campagne présidentielle, il n’a pas été le décideur de la stratégie de Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen, que les Français connaissent, a évidemment toujours conservé la maîtrise totale de ses choix stratégiques et celle de sa ligne politique.

Je pense que beaucoup a été dit sur Alain Soral, souvent dans l’excès. Il vient incontestablement d’un milieu de gauche, et il est représentatif d’une partie de ce peuple de gauche qui ne se reconnaît plus dans la gauche "bobo" actuellement représentée en France, d’un peuple de gauche qui est attaché à l’Etat-nation, qui est attaché aux grands principes de la République française, dont la laïcité, et qu’il faut à ce titre l’entendre comme l’on entendrait tous les patriotes.

Youpi : Qu’avez-vous comme projet en attendant 2012 ? Serez-vous candidate en 2012 ?


Marine Le Pen : J’ai plein de projets. Nous sommes en pleine réorganisation, reconstruction des structures du FN. Nous allons, comme vous le savez, changer de locaux, mettre en place une grande politique de formation de nos cadres et de nos adhérents. Recruter, former, implanter sont nos objectifs dans les années à venir. Je serai bien sûr candidate aux différentes élections de 2009 et de 2010, et j’espère que le FN me fera en même temps l’immense honneur et la confiance de me confier sa représentation à l’élection présidentielle de 2012.

Source : http://www.lemonde.fr