Egalité et Réconciliation
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A Libération, l’indignation reste sélective

Le quotidien a repris ce matin la page Facebook d’un jeune beur de Sciences-Po insulté par des CRS mercredi dernier, pour en faire un évènement de trois pages repris par les radios. Très juste dénonciation. Mais elle succède à la très grande sobriété des compte-rendus sur les violences surgies dans les villes après le match Algérie-Egypte ou lors de la distribution ratée d’euros sur le Champ de Mars.

Les rédacteurs en chef dans le vent aiment à dire qu’un journal doit être un récit du monde. Une façon très honorable de défendre un métier qui avait coutume de copiner avec la littérature. Vive le récit donc. Sauf qu’il existe différents types de récits, sans remonter à Levi-Strauss : fictionnel, mémoriel, actuel, poétique, etc. Evidemment, le rayon de la presse, c’est le récit de l’actualité, - on dit même le roman dans les rédactions un peu « branchouilles »...

Or, le problème du roman est qu’il peut nous éloigner ou nous rapprocher du réel et de l’actualité. C’est exactement ce que je me suis dit en découvrant le Libération du jour :

Pas de quiproquo : le récit d’Anyss Arbib est scandaleux, révoltant même. Que la police, même passablement énervée par les casseurs venus fêter à leur façon la victoire de l’Algérie sur l’Egypte en foot, puisse laisser certains de ses membres insulter des personnes en les traitant de « Sale arabe » et encore plus en les matraquant, a quelque chose de stupéfiant. Que, après l’intégration de plusieurs milliers de jeunes d’origine maghrébine, après les sanctions contre les dérapages, des CRS renouent avec leurs ancêtres de l’après-68 a quelque chose de régressif et d’inquiétant

Mais la une de Libération serait plus crédible si le quotidien avait manifesté la même indignation envers des actes barbares commis par des jeunes de banlieue lors de la distribution ratée de bourses d’euros sur le Champs de Mars ou après le match Algérie-Egypte et la même compassion envers leurs victimes, Français de souche comme on n’aime peu à le prononcer depuis que l’expression a été captée par un blogueur d’extrême droite :

Ces violences se sont déroulées dans plusieurs villes : Roubaix, Grenoble, Paris. Partout, la victoire de l’équipe de football d’Algérie a été le prétexte d’agressions violentes qui n’ont que peu de rapport avec les difficultés de l’Algérie ou le colonialisme que son peuple subit autrefois. Mais ces incidents n’ont pas mérité davantage que quelques articulets dans le quotidien comme dans toute la presse de gauche d’ailleurs. Et si Libération a rendu compte des affrontements du Champ de Mars, le quotidien s’est bien gardé de montrer les photos comparables à celle de Match qui a montré des jeunes s’acharner à coups de piolet d’incendie contre un photographe. Tout se passe comme si la France était aujourd’hui structurée en bandes ethniques, la « bande des bleus » s’ajoutant à celle des « beurs », des « Renois » ou des « Feujs ». A chaque journal, dès lors de choisir ses favoris : à Libé et aux Inrocks la compassion pour les bandes ethniques, au Figaro et Valeurs Actuelles la pitié pour les CRS.

Comment interpréter cette indignation sélective de LIbération ? Un souci commercial, les beurs étant peut-être - et encore ce n’est pas sûr - plus nombreux que les policiers à le lire et acheter le journal ? L’idéologie au nom de laquelle la révolte s’imposerait dans le cas des pratiques policières quand l’indulgence serait de mise pour des personnes issus de milieux défavorisés ? Mais les CRS non plus ne sont pas issus, en général, de Neuilly ou Passy ?

Non, rien de tout ça ne légitime la différence de traitement entres ces deux évènements. Qui sont, chacun à leur manière, le signe indubitable de la crise française, voire même de la décomposition sociale du pays. Et de celà, même Libération ne peut se laver les mains. Alors on rêverait de ce que comme pour l’affaire de la main d’Henry, l’évènement, au moins, divise en deux la rédaction du quotidien. Et si c’était le making off du Libé de demain ? Je ne sais pas pourquoi, mais j’en doute...