Egalité et Réconciliation
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Communautarisme...

Eric Zemmour est un journaliste cultivé et un écrivain doué. C’est également un homme courageux, qui a horreur du politiquement correct, ce qui, évidemment, ne convient pas à tout le monde. Nous n’avions pas besoin de lire son dernier livre, "Petit Frère" pour le savoir. Ses interventions télévisées et ses rubriques au Figaro nous l’avaient déjà suffisamment démontré. Il fallait donc bien s’attendre à ce que son dernier roman provoque quelques remous. Ce qui n’a pas manqué.

Pour ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit, précisons que le livre est basé sur un dramatique fait divers : en novembre 2003, le disc-jockey Sébastien Sélam, (devenu Simon Sitruk chez Zemmour) est assassiné par Abdel Anastaibou, son voisin de toujours. A partir de là, Zemmour brode un roman autour de l’immeuble du 19ème arrondissement de Paris dans lequel grandirent les deux familles, celle de l’assassin et celle de la victime. Un écrivain juif, compagnon de route de la gauche antiraciste des années 80, se penche sur l’affaire et découvre au fur et à mesure que son enquête avance, à quel point l’intégration de ceux qu’on appelle sur les plateaux télés "les jeunes issus de l’immigration maghrébine", est un retentissant échec. Mieux ou plutôt pire, il s’aperçoit horrifié que les principaux responsables de cet échec, ce sont lui et ses anciens "potes" de ’SOS racisme’ !

En fait, le livre de Zemmour ne parle pas essentiellement du nouvel antisémitisme, même si celui-ci lui sert de toile de fond. C’est plutôt une attaque en règle contre les professionnels de l’anti-racisme qui, consciemment ou non, ont selon lui favorisé la "tribalité" française, le repli sur soi, le communautarisme, appelez cela comme vous voulez. Le résultat est une insupportable atteinte à la sacro-sainte laïcité chère à la République, seule capable, toujours selon Zemmour, d’éviter les guerres civiles, si fréquentes dans l’Hexagone. En gros, les anti-racistes ont clamé sur tous les toits que la France était raciste, fasciste et lepéniste. Les jeunes beurs en ont déduit qu’ils ne peuvent en aucun cas s’intégrer ou s’identifier avec cette République hypocrite qui les rejette. Les Islamistes n’avaient plus alors qu’à se baisser pour rafler la mise et les guerres entre communautés ont éclaté. "Dieudonné est le fils monstrueux qu’auraient eu Serge Klarsfeld et Julien Dray" va jusqu’à faire dire Zemmour au narrateur...

Que l’on soit d’accord ou pas avec l’acte d’accusation dressé par le procureur Zemmour contre la mouvance anti-raciste des années 80, il est clair que les règles du jeu pour la communauté juive française ont définitivement changé. Finie l’époque où, "heureux comme Dieu en France", les Juifs pouvaient se permettre quelques entorses au règlement rigide de la laïcité. Clermont-Tonnerre avait dit : "il faut tout accorder aux Juifs en tant qu’individus, rien en tant que nation". Jusqu’à la guerre, les Juifs ou plutôt les ’citoyens français de confession israélite’, avaient parfaitement joué le jeu. Ils en avaient bien volontiers accepté les règles. Mais, après la Choa et la création de l’Etat Juif, ils s’enhardirent. Ils obtinrent de manger casher à l’armée, de reporter un examen universitaire tombant shabbat ou kippour ou d’arborer fièrement le drapeau israélien dans la rue ou lors de cérémonie commémorative à la synagogue. La France officielle tolérait ces légers ’manquements’, soit par mauvaise conscience après Vichy, soit parce que le judaïsme connu pour sa réticence à tout prosélytisme, ne semblait dangereux pour personne. Mais l’arrivée massive des "blacks" et des "beurs" remit tout en cause. Les Musulmans français reprirent à leur compte les attitudes juives, mais en amplifiant considérablement les requêtes : ils réclamèrent le port du voile dans les établissements publics et la nourriture halal à l’école. Ils défilèrent à l’ombre du drapeau marocain place de la République et brandirent l’algérien pour célébrer la victoire de l’équipe de France au Mundial. Et lorsque Chirac reconnut la responsabilité de la France dans la législation antisémite de Vichy, on lui réclama sur sa lancée de faire pénitence aussi pour les siècles de colonisation ou pour l’exploitation des esclaves noirs. Le tout sous les applaudissements fournis des bien penseurs : ceux qui autrefois avaient attaqué la double allégeance, se mirent tout à coup à glorifier la double culture.

Pour la communauté juive, le piège est donc déjà mis en place. Ou bien la France décidera dans un ultime sursaut laïc de remettre les pendules à l’heure de la loi de séparation des églises et de l’Etat ou bien, comme le pense Eric Zemmour, il est déjà trop tard. Dans le premier cas, le ’Juif-juif’, comme l’appelait déjà Desproges, se sentira de plus en plus étouffé, sommé de choisir entre la fidélité à la République et son attachement à ses racines. Dans le second cas, les tensions intercommunautaires dégénéreront en combats de rue dont personne ne peut prévoir aujourd’hui l’intensité ou l’issue. Parce que le désir mimétique vis-à-vis du Juif qui a si bien su s’intégrer est dangereux. "On hait celui que l’on admire. On tue celui qu’on rêve de devenir. Le petit Simon Sitruk est le premier d’une longue liste. Et moi, comme tous mes autres complices de l’époque, j’ai son sang sur les mains", fera dire encore Zemmour à son narrateur.

Arrêtez-le, s’il dit des bêtises...

Elie Kling

Source : http://www.a7fr.com