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DIFFERENCE - Japon : Quel code de la nationalité ? DES MÉDIAS ÉTRANGERS ANALYSENT LES DISCOURS DE LE PEN

J’avoue avoir des réticences à qualifier Jean-Marie Le Pen d’extrémiste de droite. Certes, pour les médias et les intellectuels français, tout comme pour la classe politique de ce pays, le président du Front national [FN] est situé à "l’extrême droite". Il est également vrai que son parti multiplie les actes et les propos racistes. Je trouve aussi tout à fait fondé qu’il soit accusé de vouloir expulser de France les immigrés. Néanmoins, bien que qualifié d’"extrémiste", le FN n’est pas une organisation illégale. J’hésite d’autant plus que, pour M. Le Pen - et il l’a affirmé ainsi -, l’un des modèles législatifs susceptibles de faire diminuer le nombre des immigrés en France se trouve être le Code de la nationalité actuellement en vigueur au Japon.

La France accorde presque automatiquement la nationalité française aux étrangers nés et élevés dans le pays. Imaginons le cas d’un jeune homme né au Japon de parents étrangers et y ayant grandi. Imaginons également que sa conduite, au moment de l’adolescence, soit loin d’être exemplaire - au point qu’il ait des démêlés avec la police - et qu’en outre il ne maîtrise pas très bien la langue japonaise. Supposons maintenant que, devenu majeur, il veuille acquérir la nationalité japonaise sans pour autant abandonner celle de ses parents. Comment les Japonais réagiraient-ils ? Je pense que beaucoup d’entre eux auraient du mal à l’accepter. De toute manière, il lui serait très difficile d’obtenir la nationalité japonaise. En revanche, si cela se passait en France, il deviendrait presque automatiquement citoyen français. Le sens des termes "citoyen national" et "étranger" diffère sensiblement d’un pays à l’autre. En France, les étrangers sont des hommes et des femmes susceptibles de devenir citoyens français. Estimant ce principe contestable, Jean-Marie Le Pen et ses amis demandent une réforme du Code de la nationalité et se font qualifier d’"extrémistes de droite". Que faut-il en penser ? "Si le Japon n’est pas un pays d’extrême droite, nous ne le sommes pas non plus. Je préfère que l’on qualifie notre parti de nationaliste", observe le vice-président du FN, Bruno Gollnisch, par ailleurs spécialiste du Japon. Faut-il alors considérer le Japon comme un pays d’extrême droite ou bien le FN comme un parti comme les autres ?

La question n’est pas aussi simple. Le Japon et la France ont une histoire et une géographie différentes. Il est absurde de traiter le premier de pays d’extrême droite en considérant seulement son Code de la nationalité. Par ailleurs, la construction européenne est fondée sur l’expression de la volonté de vaincre le nationalisme xénophobe qui a ravagé le continent durant le XXe siècle. Et c’est parce qu’il risque de ruiner ce principe de base que le FN est rejeté en tant que parti d’extrême droite. Cela n’a ainsi aucun sens d’affirmer, en prenant le Japon comme critère, que le FN est une organisation politique comme les autres. Néanmoins, nous, les Japonais, devrions être attentifs à l’idéologie du FN car elle pourrait ne pas être pas totalement étrangère à certains de nos sentiments. Si, dans les termes "extrême droite", il existe l’image de quelque chose d’excentrique, il ne faudrait pas pour autant le considérer comme une chose étrange qui nous laisserait indifférents. La notion d’extrême droite utilisée par les Français lorsqu’ils observent Jean-Marie Le Pen et ses amis devrait nous servir à relativiser les concepts que nous avons, au Japon, de "citoyen national" et d’"étranger".

Hirohito Ono
Asahi Shimbun


Source : http://www.courrierinternational.com