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De militaire à militaire, par Seymour Hersh

Comment les généraux US se sont révoltés contre la Maison-Blanche en Syrie

Seymourh Hersh révèle dans cette enquête la manière dont le général Martin Dempsey et les chefs d’état-major US ont tenté de contourner la Maison-Blanche pour venir en aide à la Syrie. Bien que l’article comprenne diverses approximations, probablement destinées à ne pas trop choquer les lecteurs anglo-saxons, il atteste de l’ampleur de la révolte des généraux face à l’incurie des politiciens.

 

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Protégé jusqu’à sa démission par le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, le général Martin Dempsey a organisé la révolte des généraux face aux atermoiements et aux contradictions de la Maison-Blanche.

 

L’insistance répétée de Barack Obama que le président Bachar al-Assad doive quitter ses fonctions — et qu’il existe des groupes rebelles « modérés » en Syrie capables de le vaincre — a suscité au cours des dernières années des dissensions modérées ou même d’opposition ouverte parmi certains des officiers les plus chevronnés de l’état-major du Pentagone. Leur critique se focalisait sur ce qu’ils considèrent comme une obsession de l’Administration sur l’allié principal d’Assad : Vladimir Poutine. À leurs yeux, Obama est prisonnier d’une logique de Guerre froide à propos de la Russie et de la Chine, et n’a pas adapté son discours sur la Syrie au fait que les deux pays partagent l’angoisse de Washington sur la propagation du terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie ; comme Washington, ces États pensent qu’il faut mettre fin aux agissements de l’« État islamique ».

L’opposition des militaires remonte à l’été 2013, lorsqu’un rapport ultrasecret, rédigé conjointement par la Defense Intelligence Agency (DIA – le Service de Renseignement militaire) et l’état-major interarmes, alors dirigé par le général Martin Dempsey, avait prévu que la chute du régime d’Assad mènerait au chaos et, potentiellement au contrôle de la Syrie par des extrémistes djihadistes, de la même façon que cela s’est passé en Libye. Un ancien conseiller à l’état-major interarmes m’a dit que le document était une évaluation provenant de sources multiples, se basant sur des informations d’interceptions, de renseignements humains et de satellite, et qu’il lançait un regard sombre sur l’incohérence de l’Administration Obama consistant à continuer de financer et d’armer ces soi-disant groupes rebelles modérés. Jusque-là, la CIA avait organisé un complot pendant plus d’un an avec ses alliés du Royaume-Uni, de l’Arabie Saoudite et du Qatar pour acheminer des armes et du ravitaillement en provenance de Libye, via la Turquie, jusqu’en Syrie —destinés à être utilisés pour renverser Assad. Les derniers renseignements ont identifié la Turquie comme étant la principale entrave à la politique syrienne d’Obama. Le document montrait, selon le conseiller, « que ce qui avait débuté comme un programme secret états-unien pour armer et soutenir les rebelles modérés combattant Assad avait alors été coopté par la Turquie et s’était transformé en programme général au niveau technique, de l’armement et de la logistique au profit de l’ensemble de l’opposition, y compris le Jabhat al-Nusra et l’État islamique. Les soi-disant modérés s’étaient évaporés et l’Armée syrienne libre (ASL) n’était plus qu’un vestige de ceux stationnés sur une base aérienne en Turquie ». La conclusion était désastreuse : il n’existait pas d’opposition « modérée » viable contre Assad, et les États-Unis armaient des extrémistes.

Le général Michael Flynn, directeur de la DIA entre 2012 et 2014, a confirmé que son service avait alimenté la direction politique en un flux régulier d’avertissements classifiés sur les conséquences néfastes d’un renversement d’Assad. Les djihadistes, dit-il, contrôlaient l’opposition. La Turquie n’en faisait pas assez pour mettre un terme au trafic des combattants étrangers et des armes transitant par la frontière. « Si le public US était au courant des renseignements que nous produisons quotidiennement, au niveau le plus confidentiel, il pèterait les plombs », m’affirma Flynn. « Nous comprenions la stratégie à long terme de Daesh et leurs offensives, et nous discutions également du fait que la Turquie tournait le dos lorsqu’il était question du progrès de l’État Islamique en Syrie ». Les rapports de la DIA, dit-il, « étaient rejetés avec fermeté » par l’Administration Obama. « J’avais le sentiment qu’ils ne voulaient pas entendre la vérité. »

« Notre politique d’armement de l’opposition contre Assad était un échec et montrait des impacts négatifs », déclarait l’ancien conseiller de l’état-major interarmes. « Ce dernier pensait qu’Assad ne devrait pas être remplacé par des fondamentalistes. La politique de l’Administration était incohérente. Ils voulaient qu’Assad quitte le pouvoir mais l’opposition était dominée par des extrémistes. Alors qui allait le remplacer ? Dire qu’Assad devait partir était une chose, mais si vous poursuiviez la réflexion — alors n’importe qui d’autre ferait l’affaire. C’est sur la question du “n’importe qui d’autre ferait l’affaire” que l’état-major interarmes était en désaccord avec la politique d’Obama ». Les chefs d’état-major étaient d’avis qu’une confrontation directe avec la politique d’Obama « avait zéro chances de réussir ». Donc à l’automne 2013 ils ont décidé de prendre des mesures contre les extrémistes sans passer par les canaux traditionnels de la politique, en fournissant des renseignements US aux militaires d’autres pays, pensant qu’ils seraient retransmis à l’armée syrienne et utilisés contre l’ennemi commun, le Jabhat al-Nusra et l’État islamique.

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8 Commentaires

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  • #1378395
    Le 22 janvier 2016 à 11:21 par Pierre-Albert Espénel
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    Où l’on comprend que le ver est dans la pomme. Obama étant l’ennemi de Bachar , Bachar l’ennemi des wahabites donc Obama est leur ami.

     

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  • #1378416
    Le 22 janvier 2016 à 11:45 par stephanedu49
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    C’est du Ponce Pilate tout ça...ils foutent la merde dans un pays (ici la Syrie),et après, par des dossiers déclassifiés ou des fuites de l’armée que finalement fallait pas..mauvaises coordinations(comme par hasard) et tatati & tatata etc...méacoule pas c’est pas moi c’est lui.
    L’état américain est un cancer ainsi que son autre allié, pour deviner lequel , un indice : c’est le dernier pays d’apartheid du monde.

     

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  • #1378433
    Le 22 janvier 2016 à 12:07 par Fulcanelli
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    On peut raisonnablement parier que Trump était au courant de cet état de choses et que cela lui donnait une grande latitude dans certaines des déclarations qu’il a faites.

    En un mot, il avait l’armée de son côté.

    C’est déjà un bon point pour lui et un risque de moins à sa vie, s’il devient président.

     

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  • #1378437
    Le 22 janvier 2016 à 12:13 par D. Kada - Oran
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    Pas besoin d’un rapport ultrasecret, rédigé conjointement par la Defense Intelligence Agency (DIA – le Service de Renseignement militaire) et l’état-major interarmes, pour savoir avec certitude que la chute du régime d’Assad mènerait au chaos non seulement la Syrie mais par contagion toute la région du Proche Orient.
    Les administrations américaines se suivent et se ressemblent avec la même constante : une politique hégémonique et déstabilisatrice devenue une tradition. Cela fait longtemps qu’ils ont huilé leur machine politico-économique pour changer soudainement… Dire qu’il y a opposition modérée voire ouverte au sein de l’administration américaine, c’est du cinéma. C’est prendre des gens pour des cons. Des ânes.

    Le Meilleur DK

     

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  • #1378518
    Le 22 janvier 2016 à 14:17 par Thierry
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    C’est Kafkaïen... Dans un monde sain, un gouvernement admettrait qu’il a fait des erreurs, s’appuierait sur des spécialistes (ce mot est tellement galvaudé, je sais) non politisés et ferait tout pour les corriger. Mais dans ce monde déglingo, il faut tout mettre sous le tapis et continuer jusqu’à l’absurde, de peur de perdre la face, des sondages ou que sais-je encore...

     

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  • #1378653
    Le 22 janvier 2016 à 17:06 par Mami Wata
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    Cette histoire me fait penser à un épisode de South Park au sujet des contestations politiques, où il est expliqué vraiment de manière très drôle comment fonctionnent les Américains. lorsqu’il s’agit d’aller en guerre contre une nation, les américains s’arrangent à se scinder en deux camps les partisans des va-t-en guerre et ceux qui en sont contre. Ce théâtre vise à faire croire aux yeux du reste du monde qu’on est une "grande nation" peuplée par des "gens civilisés". Le camp gouvernemental va prôner la guerre et l’opposition ou certains groupes souvent gauchistes vont exprimer toute leur désolation, "faisons l’amour pas la guerre", les médias vont s’en mêler et donner plus la parole aux partisans du contre pas pour qu’ils argumentent savamment sur le pourquoi de leur refus, non mais pour qu’ils nous sortent toutes ces phrases et formules vaseuses et creuses toutes bien faites de l’amour universelle, la bonté envers autrui et autre connerie du genre. Tandis que les partisans du non auront la possibilité de mieux argumenter et feront d’ailleurs appel aux "experts" qui viendront dire à quel point la guerre est nécessaire et vitale pour l’avenir du pays. Un camp vous donne des coups, l’autre vient essuyer vos larmes ; c’est du déjà vu tout ça. Vive l’Amérique !

     

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  • #1384182
    Le 29 janvier 2016 à 15:56 par graziano67
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    Et le lobby j..... ?

     

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  • #1393058
    Le 9 février 2016 à 16:13 par Karb
    De militaire à militaire, par Seymour Hersh

    Une absence omniprésente et remarquée dans cette histoire de la boucherie Syrienne : celle d’ Israel et de l’ AIPAC .
    Premier intéressé, premier donneur d’ ordres , premier artisan de l’ entreprise " massacrons Assad " ( les canons du Golan ), l’ internationale sioniste a pourtant disparue de tous les commentaires et études sur ce sujet .
    Se sont-ils auto-dissous ? Le groupe Rothschild est-il devenu un groupe STEALTH ?
    C’est une question !
    Donc si quelqu’un a un début de réponse ...

     

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