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Diplomatie : QUAND PASSE LA CARAVANNE LIBYENNE - Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

Il y a comme cela des visites plus dérangeantes que d’autres. Celle du leader libyen fait couler beaucoup d’encre, donnant matière à copie aux journalistes, permettant à l’opposition de s’offusquer à bons comptes et à une secrétaire d’État de rappeler qu’elle existe… un peu ! Tout le monde y trouve son compte, finalement.

Les hypocrites piaillent, mais la caravane libyenne passe.

En l’occurrence, Nicolas Sarkozy fait preuve d’un remarquable pragmatisme et on ne peut que l’en féliciter… Quand il explique que Mouammar Kadhafi « a renoncé à l’arme nucléaire (...), renoncé au terrorisme (...), indemnisé les victimes des attentats de l’UTA et de Lockerbie », qu’il a « la conviction que la France doit parler avec tout le monde en tenant fermement le discours des valeurs qui sont les siennes », rappelle « que les chefs d’État et gouvernement du monde entier n’ont guère hésité à se rendre à Tripoli ces quinze dernières années » et que Mouammar Kadhafi « n’est pas perçu dans le monde arabe comme un dictateur », on peut ou non être d’accord avec de tels propos ou être ou non convaincu de la sincérité du leader africain… mais quand il ajoute que celui-ci est « le plus ancien des chefs d’État de la région et dans le monde arabe, ça compte », cela balaie à l’évidence toutes les critiques possibles sur sa venue en France.
Que le dirigeant libyen ne soit pas un grand démocrate, aujourd’hui davantage qu’hier, est une évidence, mais faudrait-il encore s’entendre sur la notion de « démocratie » : les gouvernements actuels en Afghanistan ou en Irak sont-ils davantage que celui de la Libye issus d’élections libres et de majorité populaire… ou imposés et maintenus à la tête de leur pays par une armée étrangère à bannière étoilée ? Que sont d’autres les présidents afghan Hamid Karzaï et irakien Jalal Talabani, pour ne citer que ces deux-là, sinon des pantins à la solde yankee ? On les a pourtant reçus en grandes pompes à l’Élysée… et non en « grands coups de pompes », bien perdus à cette occasion !

Les belles consciences à géométrie variable reprochent également au colonel Kadhafi de légitimer le terrorisme, ou tout au moins de le comprendre, quand il déclare que « les superpuissances ont violé la légitimité internationale, le droit international et les Nations unies, et ont exécuté leurs décisions en dehors de ce cadre et (qu’)il est (donc) normal que les faibles aient recours au terrorisme »… N’est-ce pas là un discours que toutes les guérillas communistes ont tenus des décennies durant et que les guérillas actuelles, généralement « progressistes », tiennent encore et toujours ?

Les mêmes qui s’étranglent contre la présence sur notre sol du colonel Mouammar Kadhafi ont en général pour ces « bons terroristes-là » quelques compréhensions, voir même beaucoup plus si affinités…
Pourquoi élit-on un Président de la république ? Pour donner des leçons de morale au Monde entier ou pour améliorer le sort de ses compatriotes ?

En recevant cette semaine le Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste (ouf !) – titre plus généralement raccourci en « frère guide » (merci !) –, Nicolas Sarkozy – et il ne s’en cache pas – applique cette évidence, émise en son temps par Louis XIV : « La France n’a pas d’ami ou d’ennemi, elle a seulement des intérêts ! »

Philippe Randa


Source :
http://www.philipperanda.com