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Evénements sanglants à Bahreïn : L’Arabie Saoudite et l’Iran s’en mêlent

Les manifestations hostiles à la dynastie sunnite qui règne au Bahreïn risquent de prendre une dimension internationale et confessionnelle avec l’entrée en scène de l’Arabie Saoudite et de l’Iran. Ce qui a provoqué une crise diplomatique entre Téheran et Manama. De son côté, le roi bahreïni a décrété l’Etat d’urgence pour trois mois.

Le royaume wahhabite a envoyé plus de 10 000 soldats à Manama. Les Emirats arabes unis décident de s’y engager avec 500 policiers. La présence militaire saoudienne au Bahreïn, qui fait partie de la force commune du Conseil de coopération du Golfe appelée « bouclier de la péninsule », créée en 1984, n’est pas bien perçue par la population locale à majorité chiite. Les événements se sont accélérés hier avec la décision de Manama de rappeler son ambassadeur à Téhéran, et ce, pour protester contre les critiques iraniennes sur le déploiement des forces du Golfe, notamment saoudiennes, dans le petit royaume pour contenir la contestation contre la dynastie sunnite. « L’ambassadeur de Bahreïn à Téhéran a été rappelé pour consultation », a indiqué un porte-parole du ministère bahreïni des Affaires étrangères après avoir dénoncé les critiques iraniennes.

« Bahreïn condamne avec force la déclaration iranienne qui est une ingérence flagrante dans ses affaires intérieures. Il la rejette dans sa totalité, y voyant une menace pour la sécurité de la région », a déclaré Hamad Al Amer, sous-secrétaire au ministère, rapporte l’AFP, citant l’agence officielle BNA. Le même jour, à Téhéran, le ministère iranien des Affaires étrangères a qualifié l’intervention des forces étrangères à Bahreïn d’« inacceptable » et estimé qu’elle « rendra la situation plus compliquée et plus difficile » à résoudre. « La déclaration iranienne ne respecte aucun des principes du bon voisinage, de la loi internationale, de la charte des Nations unies et de celle de l’Organisation de la conférence islamique », réplique le porte-parole bahreïni.

A son tour, Téhéran a convoqué l’ambassadeur saoudien, l’ambassadrice suisse en sa qualité de représentante des intérêts américains en Iran et le chargé d’affaires bahreïni. « L’entrée des troupes saoudiennes à Bahreïn ne fera que compliquer davantage la situation et transformer la crise intérieure bahreïnie en une crise régionale », a déclaré Hossein Amir Abdolahian, directeur pour le Golfe persique et le Proche-Orient du ministère des Affaires étrangères, à l’ambassadeur saoudien.

L’Iran a aussi dénoncé « le soutien des Etats-Unis à l’intervention militaire » à Bahreïn, jugée « contraire aux règles et lois internationales ». « La République islamique d’Iran proteste et affirme que les Etats-Unis sont responsables des conséquences dangereuses de cette action illégale », a déclaré le responsable du ministère qui a reçu l’ambassadrice de Suisse à Téhéran. Le chargé d’affaires bahreïni a aussi été convoqué au ministère des Affaires étrangères, où un responsable lui a fait part de la « sérieuse inquiétude » de l’Iran et a demandé au gouvernement bahreïni de ne pas « recourir à la force et de répondre aux demandes de la population ».

L’Iran dénonce le soutien US

Ce même jour, un manifestant et un policier ont été tués alors que le roi bahreïni a proclamé l’état d’urgence pour trois mois. Néanmoins, des milliers de manifestants chiites se sont rassemblés devant l’ambassade saoudienne pour dénoncer la présence des troupes du « bouclier de la péninsule ».L’état d’urgence tel qu’il est proclamé cautionne la présence des forces saoudiennes et émiraties et même du reste du CCG. « En raison des circonstances que traverse Bahreïn », le roi, Hamad Ben Issa Al Khalifa, « a proclamé l’état d’urgence pour une période de trois mois », indique un communiqué officiel. Le roi a chargé le commandant des forces armées de rétablir l’ordre en faisant appel à l’armée, aux forces de police, aux unités de la Garde nationale et « toute autre force, si cela s’avère nécessaire ».

Lundi dernier, l’opposition bahreïnie a observé que « toute présence militaire étrangère » relève d’« une occupation ». « Le peuple de Bahreïn fait face à un réel danger, celui d’une guerre contre les citoyens bahreïnis sans déclaration de guerre », ont souligné les sept composantes de l’opposition, dont le Wefaq chiite, dans un communiqué. « Nous considérons l’entrée de tout soldat, de tout véhicule militaire dans les espaces terrestre, aérien ou maritime du royaume de Bahreïn comme une occupation flagrante, un complot contre le peuple de Bahreïn désarmé, et une violation des accords et des conventions internationales », est-il ajouté dans le texte.

L’opposition a appelé la communauté internationale à « assumer rapidement ses responsabilités » et à « protéger le peuple de Bahreïn du danger d’une intervention militaire ». Elle a aussi exhorté la communauté internationale à « prendre les mesures adéquates pour protéger les civils et à convoquer pour cela le Conseil de sécurité » des Nations unies.

Le même jour, le gouvernement saoudien a affirmé dans un communiqué avoir envoyé des soldats à Bahreïn, sur demande des autorités bahreïnies. « Le Conseil des ministres a confirmé avoir répondu à une demande de soutien de Bahreïn ». En vertu d’un accord entre les six pays du Conseil de coopération du Golfe, « toute atteinte à la sécurité d’un des Etats membres est considérée comme une atteinte à la sécurité de tous les membres », précise le texte.

A son tour, le ministre d’Etat pour les Affaires étrangères des Emirats arabes unis, Anouar Gargash, a indiqué que l’envoi des 500 policiers émiratis à Bahreïn a pour objectif de « contribuer à préserver l’ordre et la stabilité » dans ce pays voisin. Une telle option intervient « en réponse à une demande » de Bahreïn, aux Emirats « d’envoyer une force afin de contribuer à préserver la sécurité et la stabilité » dans ce pays. Comme « la décision » des Emirats « s’inscrit dans le cadre du souci des pays du Conseil de coopération du Golfe de rester unis face à tout danger et de considérer que leur sécurité et leur stabilité sont indivisibles », a-t-il ajouté.

Quant aux Etats-Unis dont le Bahreïn est l’allié, ils ont appelé lundi dernier les monarchies du Golfe à la retenue et au respect des droits à Bahreïn. Cependant, ils ne demandent pas l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis de retirer leurs troupes de ce pays. « Nous exhortons nos partenaires du CCG à faire preuve de retenue et à respecter les droits des Bahreïnis, et à agir de manière à soutenir le dialogue au lieu de le saper », a déclaré un porte-parole de la présidence américaine. « Nous appelons les pays de la région à faire preuve de retenue », a indiqué le porte-parole du président Barack Obama, Jay Carney. Il souhaite que les pays du CCG « honorent les manifestants pacifiques en n’utilisant pas la force contre eux ».

La Maison-Blanche s’est gardée d’appeler au retrait. La secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a fait part de sa « profonde préoccupation à propos de la situation dangereuse » à Bahreïn, lors de sa rencontre lundi avec son homologue des Emirats arabes unis, le cheikh Abdallah Ben Zayed, à Paris, selon un responsable américain sous le couvert de l’anonymat. Elle a appelé « toutes les forces de sécurité engagées à Bahreïn, y compris les forces du CCG qui sont sur place, à faire preuve de retenue ». « Ni le secrétaire à la Défense, Robert Gates, ni le chef d’état-major interarmées, l’amiral Mike Mullen, n’ont eu d’indication sur le fait que les Saoudiens ou d’autres forces du CCG allaient se déployer à Bahreïn », a affirmé, à Washington, le colonel David Lapan, porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

La région est sur un magma

A Paris, cependant, un responsable de l’Administration américaine ayant requis l’anonymat a relevé que Washington a été averti au préalable « mais pas avec un laps de temps important ». « Nous avons su qu’ils planifiaient de pénétrer à Bahreïn, mais pas avec un laps de temps important », a-t-il dit. « Nous avons été informés juste avant, pas consultés », a indiqué un autre responsable.

Cela dit, la contestation populaire place ainsi la région sur un magma. Une région où intérêts économiques et militaires sont importants, notamment pour les Etats-Unis. En effet, pour rappel, le Conseil de coopération du Golfe a été créé en 1981 suite à la révolution iranienne. Il vise la coordination, l’intégration et la coopération des Etats membres dans les domaines économique, social, culturel et militaire. Concernant ce dernier volet créé en 1984, les six pays membres, à savoir l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et Qatar créent une force communes d’intervention appelée « bouclier de la péninsule ». Soutenus par les Etats-Unis, ces pays renferment des réserves importantes en pétrole et constituent des marchés juteux d’armements pour Washington. Sur le plan militaire, ils servent de base aux forces américaines pour neutraliser les régimes que les Etats-Unis voient comme menaces à leurs intérêts. C’est le cas de la première guerre du Golfe en 1990-1991.

C’est au Bahreïn, pays à majorité chiite, que se trouve la Ve flotte américaine. Ce qui permet aux Américains de surveiller l’Iran et le détroit d’Ormuz .Sachant qu’outre le Bahreïn, les chiites se trouvent aussi dans d’autres pays de la région, comme le Yémen.

Les pays du CCG sont bien intégrés dans le système économique occidental. Avec le vent de révolte qui souffle sur les régions de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, le souci des grandes puissances est de protéger ces monarchies contre toute contestation de l’ordre établi, notamment l’Arabie Saoudite qui compte aussi une minorité chiite. Et là où il y a les chiites, les grands de ce monde et les royaumes du Golfe entretiennent le syndrome iranien. De son côté, Téhéran se proclame comme le protecteur des chiites.

En plus un conflit oppose l’Iran et les Emirats arabes unis concernant la propriété légitime de trois îles, à savoir Abou Moussa ; la petite Tom et la grande Tomb. Lesquelles se situent dans Golfe persique. Elles sont jusque-là sous souveraineté iranienne.

Cela dit, n’assiste-t-on pas aujourd’hui à une guerre larvée entre les monarchies du Golfe soutenue par les Etats-Unis et l’Iran, accusé par les grands de vouloir se doter de l’arme nucléaire ? Les enjeux sont importants et la survie de ces monarchies dépend en partie de leur protecteur, les Etats-Unis dont la présence est loin d’être motivée par le souci de défendre des valeurs universelles.

Les pays du Golfe ont besoin de la présence militaire américaine pour être protégés contre le danger perse et chiite. Quant à l’Iran, la présence d’une telle puissance l’empêche d’asseoir sa domination et de s’imposer comme acteur incontournable concernant les conflits qui minent la région.

 






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