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Irlande : les extracteurs de tourbe contre l’Union européenne

Juin 2011

Contre l’interdiction de ramasser de la tourbe : parce que les masses rurales ont le droit de vivre !

Une directive environnementale de l’Union européenne suscite l’ire des agriculteurs irlandais, qui entendent défendre, contre les écologistes et contre le gouvernement, leur droit traditionnel à exploiter la tourbe. Dans les landes marécageuses, au beau milieu de tranches de tourbe noire empilées comme des briques de Jenga, Michael Fitzmaurice lance un regard de défi à l’avion qui surveille son activité professionnelle. L’appareil traque quiconque continue de découper, d’empiler ou de récolter de la tourbe — entreprise désormais jugée répréhensible par l’Union Européenne

« C’est quand même une sacré blague de voir que le pays est en pleine récession, quasiment en faillite, mais que les autorités peuvent se payer le luxe de faire décoller un avion pour espionner les ramasseurs de tourbe », déclare-t-il tout en cassant à la main un morceau de ce combustible naturel de couleur sombre. »Pendant la saison de la récolte, on voit des hélicoptères en même temps que les avions, et il y a des officiels qui patrouillent les tourbières en camionnette pour nous empêcher de faire ce que nos ancêtres ont fait pendant des siècles. Et tout ça parce qu’ils ont peur que l’UE colle une amende à l’Irlande si on continue à récolter la tourbe. »

L’UE a décrété que cette matière élastique et humide arrachée à la terre d’Irlande appartenait à une Zone spéciale de conservation (ZSC). Par conséquent, afin de préserver les tourbières, il est dorénavant interdit d’en prélever la moindre parcelle. Le gouvernement irlandais redoute que l’UE n’impose de lourdes amendes à la république pour non-respect de directives environnementales mises en place il y a quatorze ans.

Aujourd’hui âgé de 43 ans, Fitzmaurice, qui a commencé à récolter de la tourbe avec son père quand il avait quatre ans, ne comprend pas pourquoi son gouvernement devrait suivre le décret environnemental de Bruxelles sous prétexte que l’Irlande doit tant à l’UE. « Ce ne sont pas les ramasseurs de tourbe et leurs familles qui ont poussé le pays à la faillite. Ce sont les banques, les promoteurs et leurs amis politiciens qui ont mis l’Irlande dans ce pétrin. Nous ne sommes pas responsables de ça, alors, pourquoi devrions-nous payer un prix aussi élevé juste pour obéir à l’Europe. »

An Taisce, association irlandaise de défense du patrimoine écologique, estime cependant que le gouvernement de la coalition Fine Gael et travailliste doit maintenant faire respecter cette interdiction. Les environnementalistes irlandais rappellent que les tourbières sont un écosystème unique, mais aussi l’un des plus fragiles et des plus exploités au monde. « Les tourbières intactes ont une plus grande valeur pour la société que les intérêts d’un groupe de pression minoritaire, celui des extracteurs de tourbe », déclare un porte-parole d’An Taisce. L’association soutient qu’il aurait fallu interdire la récolte de tourbe « il y a dix ans déjà ».

Mais les hommes et les femmes qui entaillent le sol des tourbières d’Irlande peuvent compter sur un champion à Dublin, le député de la circonscription de Roscommon-South Leitrim, Luke “Ming” Flanagan. Avec son bouc et ses longs cheveux, il a quelque chose du méchant des aventures de Guy L’Eclair. Mais Flanagan, membre indépendant radical du Parlement, ne plaisante pas quand il s’agit de défendre les droits des tourbiers. Quelle autre solution ?

« Les autorités menacent ces gens de sanctions pénales et financières. J’ai entendu parler d’agriculteurs qui ramassent la tourbe, et à qui on a dit qu’on leur supprimerait leurs subventions s’ils n’arrêtaient pas d’exploiter les tourbières. Pour l’instant, on est dans l’impasse, une sorte de cessez-le-feu tourbier, si vous voulez. Mais nous vivons des temps difficiles, et j’espère que l’on pourra parvenir à un compromis, que l’on pourra continuer à exploiter un petit pourcentage des tourbières. C’est du gagne-pain d’environ 18 000 personnes qu’il s’agit, des gens qui soit travaillent dans l’exploitation de la tourbe, soit en ont besoin comme combustible. Quelle autre solution leur offre-t-on — importer plus de charbon de Pologne ou de pétrole du Moyen-Orient ? »

Dans les tourbières près de l’endroit où travaille Fitzmaurice, Tom Gibney a hissé un drapeau irlandais au-dessus de sa propre exploitation. « J’ai le titre de propriété pour cette tourbière, il remonte à l’époque britannique, en 1896, et je l’ai encadré et accroché à mon mur chez moi. On y voit encore la couronne britannique, en en-tête, et maintenant qu’on est censé être un pays indépendant, pas question que j’y renonce, ainsi qu’au droit d’en entailler un petit bout pour y trouver de la tourbe. »

Non loin de là, dans une petite chaumière humide, Ella McKeague, 87 ans, se réchauffe près du feu, et l’odeur âcre de la fumée de tourbe se répand dans la pièce. Son cottage donne sur une petite tourbière qui lui appartient, d’où des voisins ont récemment extrait de quoi permettre à cette fragile vieille dame de se chauffer tout au long de l’année.

« Le fioul, c’est trop cher pour moi. On se sert tous de la tourbe pour tenir durant l’année. Dites-leur de nous laisser continuer à ramasser de la tourbe, comme je le fait depuis 60 ans », lâche-t-elle, agrippée à son déambulateur. Puis elle se penche et dépose quelques tranches de ce combustible naturel noir et marron dans les flammes de son âtre.

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