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Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

Comme le souligne Éric Hazan, la novlangue néolibérale a toujours été très habile pour travestir la réalité. Une monnaie chère devient forte. Une camisole budgétaire devient une règle d’or. Un parasite ou un déserteur fiscal deviennent un paradis et un exilé. Nouvel exemple avec la flexibilité.

L’horreur salariale

La flexibilité est, avec la compétitivité, l’impératif martelé par tous les dirigeants et commentateurs politico-économiques de notre pays depuis quelques mois. Le choix des termes est habile puisque leurs contraires sont porteurs d’évocation plutôt négative. La rigidité n’est pas un mot extrêmement positif, quand la flexibilité évoque l’adaptabilité. Idem pour la compétitivité : dans une économie de marché, il est bien évident qu’il faut l’être. Un bon moyen de couper court au débat.

Et d’ailleurs, il ne faut pas rejeter en bloc les demandes faites sous ces vastes chapeaux. Sur le fond, certaines propositions de l’accord entre les partenaires sociaux sont intéressantes. En revanche, il faut noter que flexibilité et compétitivité peuvent être la manière politiquement correcte de demander des baisses de salaires. C’est ce que fait Renault par exemple en France après avoir réussi à l’imposer en Espagne. Et attention car en France, les mauvais génies du néolibéralisme (The Economist et Goldman Sachs) pensent qu’il faut carrément baisser les salaires d’un tiers !

Les dangers de la dévaluation interne

Dans un papier assez technique, Jacques Sapir analyse de manière fine l’impasse que représente la dévaluation interne, le processus qui consiste à faire baisser les salaires d’un pays pour regagner en compétitivité sans jouer sur la parité de la monnaie. Tout d’abord, il rappelle que l’objectif final est d’augmenter le niveau des profits des entreprises. Mais il souligne qu’une telle politique produit une baisse de la demande et donc de la production, qui pénalise in fine ces profits…

Ensuite, dans un écho à Morad El Hattab, pour qui « les dettes s’accrochent » dans les crises, Jacques Sapir rappelle que la dévaluation interne (une manière politiquement correcte de parler des baisses de salaires) revient à alourdir le poids des charges financières, qui, elles, restent constantes, d’où une baisse du niveau de vie et de la consommation encore plus importante que la baisse des salaires ! Quand les charges financières représentent 30% du revenu salarial, une baisse de 20 % des salaires produit ainsi donc une baisse de plus de 28% de la consommation !

L’alternative des dévaluations externes

L’économiste démontre en revanche que la dévaluation externe ajuste l’ensemble des prix et n’augmente donc pas le poids des charges financières. Ensuite, s’appuyant sur une étude de l’INSEE, il avance qu’une baisse de 20 % de l’euro devrait entrainer une hausse immédiate d’environ 3 % du PIB réel (et inversement malheureusement). Dans un autre papier, il démontre parfaitement à quel point les dévaluations ne sont pas un problème puisqu’elles n’ont en aucun cas freiné le rattrapage économique et industriel de la France et de l’Italie par rapport à l’Allemagne de 1960 à 1973.

Ce faisant, il en profite pour souligner que l’impossibilité de dévaluer nous impose de donner toujours plus de gages au capital, avec la déformation de la répartition au profit du 1% le plus riche et la montée de la catégorie des travailleurs pauvres à moins d’accepter des pertes de compétitivité qui provoquent une hausse intolérable des dettes. En revanche, je ne partage pas ses prévisions (3,7 millions de chômeurs fin 2013 et 4,2 millions fin 2014) car, comme je l’ai expliqué récemment, je crois à un léger rebond (même s’il sera illusoire) de la croissance pour l’an prochain.

Comme toujours, l’analyse de Jacques Sapir permet de décrypter les ressorts de la pensée néolibérale. Mais outre le fait de dénoncer la volonté de baisser les salaires, il démontre par A+B que cette « solution » n’en est pas une et qu’elle ne provoquera que récession et misère économique.

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11 Commentaires

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  • #322004
    Le 4 février 2013 à 18:31 par B ;
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Le Laurent Pinsolle qui s’extasie sur le fait que l’Imam de Drancy aille se recueillir au mémorial de la Shoah, celui qui s’extasie sur "les progrès que constituent le +mariage pour tous+", le chantre de "l’autre Europe", ou celui qui t’expliques que "sortir de l’UE par l’art.50 est une fausse bonne idée" ?
    Sapir oui, relayé par Pinsolle ça prend une tournure tartufienne.

     

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  • #322018
    Le 4 février 2013 à 18:45 par pff
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Rien de nouveau sous le soleil. On s’intercongratule gentiment.

     

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  • #322027
    Le 4 février 2013 à 18:59 par richy
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    "Jacques Sapir"
    Tout d’abord, il rappelle que l’objectif final est d’augmenter le niveau des profits des entreprises. Mais il souligne qu’une telle politique produit une baisse de la demande et donc de la production, qui pénalise in fine ces profits…
    on devrait en conclure que le but n’est donc pas le profit !....
    soyez vous même un comploteur , vous voulez prendre le pouvoir mondial , Comment feriez-vous ?, l’entreprise n’est qu’un moyen , les bénéfices Je m’en fout, je veux que l’Occident plie, il faut donc beaucoup de chômage, que la classe moyenne (actionnaires) soient cassés
    Et je pense qu’il ne faut pas confondre le libéralisme économique avec le mondialisme....... "L’analyse de Jacques Sapir permet de décrypter les ressorts de la pensée néolibérale. Mais outre le fait de dénoncer la volonté de baisser les salaires, il démontre par A+B que cette « solution » n’en est pas une" , Justement si ! et qu’elle ne provoquera que récession et misère économique.
    misère économique qui servira à la prise de pouvoir mondial par une élite fasciste

     

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    • #322426
      Le Février 2013 à 08:05 par Mike
      Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

      C’est le problème avec les grilles de lecture marxiste ou keynesienne. Ils restent convaincus que 1) le capitalisme est régi par des règles rigides, qui ont été définies par la théorie classique et qu’en conséquence il ne peut pas s’adapter 2) que ses contradictions l’amène à une crise qui le feront s’effondrer tout seul

      Ils ne peuvent pas comprendre la crise comme un mode de gouvernement

       
    • #322488
      Le Février 2013 à 11:00 par david
      Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

      Je ne comprends pas votre incompréhension.

      La loi du capital c’est se rémunérer.

      Le libéralisme :
      liberté des capitaux, des marchandises, des personnes

      Dans un monde ouvert, une fois un pays à sec, soit :
      * il l’est tellement qu’il se plie encore plus au capital
      * soit comme le monde est ouvert vous allez sucer la moelle d’un autre pays ?

       
  • #322108
    Le 4 février 2013 à 20:19 par PAS
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Travailler pour mille euros par mois ne sert à rien. C’est même pas que t’es pauvre, non au bout de trois ans, tu t’endettes pour payer ta taxe d’habitation. Tu travailles pour aller travailler et en plus tu dois de l’argent, c’est dingue.

     

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  • #322415
    Le 5 février 2013 à 07:25 par lauburu
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Augmentez le SMIC, vous augmenterez ipso facto le chomage ; doublez le SMIC, portez le à 3000 euros, vous aurez 50% de chomeurs ; baissez le smic,vous baisserez le chomage ; supprimez le smic, vous supprimerez le chomage. C’est drole que les gens ne le comprennent pas, un enfant de 10 ans pourrait le comprendre. En Allemagne, le smic est beaucoup plus bas : ils ont beaucoup moins de chomeurs que nous . Si vous supprimez le smic, non seulement vous supprimez le chomage, mais vous supprimez aussi le travail au noir et finalement l’immigration ; mais il y a un blocage mental : une fois pour toute le smic est sacré :"touche pas à mon smic sinon t’as voir ta gueule à la récré". Notre smic qui etes aux cieux puissiez-vous augmenter aujourd’hui et à l’heure de notre mort pour pouvoir payer les obsèques... Les gens croient que le smic est une "conquete" de la Libération (on a les conquetes qu’on peut...) alors que c’est Pétain qui a crée le Salaire Minimum Vital en pleine Occupation, voila un bel argument à faire valoir, en faveur de sa suppression, auprès des débiles légers...

     

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    • #322476
      Le Février 2013 à 10:45 par KillKillKill
      Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

      Merci pour ces salades.

      Ce qu’un enfant de 10 ans comprend, c’est que les gains de productivité, technique et organisation, ont entrainé une rupture anthropologique majeure. C’est pourtant simple : le travail disparait. Le fait que tous les membres d’une communauté soient tenus de travailler pour permettre la production des biens nécessaire à la reproduction/pérennité de cette communauté n’est plus nécessaire. Taux de chomage fantome aux USA : 25 pourcents. On doit être à 25 en France également, ou pas loin. Taux de chomage en Grece, Italie, Portugal : encore plus élevé ! La Chine tremble a cause de la robotisation japonaise, qui va la faire exploser en plein vol, les machines importées absorbant la force de travail chinoise, et rendant impossible le développement d’une classe moyenne stable, malgré la meilleure volonté du monde. A chaque seuil de progrès, on perd plus de travail qu’on en crée.

      Le chomeur n’est pas un ennemi. Il n’est pas une anomalie. Il est inévitable dans une société/culture victime de son succès. A vrai dire, les actifs, de plus en plus rare, devraient remercier ceux qui n’ont pas de travail. Dejà, le NAIRU qui impose un taux de chomage minimum pour éviter l’inflation leur fait gagner du fric. Mais également, il consomme tout ce qu’il a, n’ayant pas de quoi épargner, participant davantage à l’économie réelle de son pays. Bien sur on pourrait parler de sa contribution à la communauté hors travail. Et aussi du surplus de masse monétaire créé qui ne devrait pas aller dans la poche des banques - il n’y a aucune raison ! - mais dans celle des citoyens.

      Il faut désormais accepter et assumer le fait que certains ne travailleront jamais, et qu’ils devront être rémunérés de manière correcte pour le fait qu’ils ne travauillent pas. Ceux qui se levent tot auront mal au cul. mais ce sera ça ou la guerre civile. A partir d’un certain seuil, la culpabilisation ne fait plus son effet, et le smicard, comme le capitaliste, sera massacré s’il ne passe pas à la caisse pour l’oisif forcé.

      Evidemment, tout cela a un rapport avec le SMIC. Si sans travailler, on gagne X, il faut que le smicard gagne X+n, sans quoi personne n’aura intérêt à travailler. Cela oblige a casser tout le système, y compris l’idée d’un marché du revenu du travail tel qu’il s’est constitué aujourd’hui, en introduisant le revenu universel garanti.

      Dans ces conditions, on peut éventuellement supprimer le SMIC. Sans quoi ce sera, in fine, la guerre civile.

       
    • #323563
      Le Février 2013 à 11:36 par france
      Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

      @killkillkill
      On peut certes robotiser des productions de voitures ou de télés
      Mais pour construire des routes, des immeubles, des ponts, des voies de chemins de fer je ne vois pas beaucoup de robots se profiler à l’horizon
      Le SMIC + les difficultés pour licencier ne protègent pas les ouvriers/employés mais les transforment en chômeurs de longue durée potentiels
      Les pays "émergents" ont bien compris le truc et leur dynamisme économique est en train de nous transformer en pays pauvre ou le "partage des richesses" ne se posera plus, vu qu’il n’y aura plus rien à partager

       
  • #322493
    Le 5 février 2013 à 11:06 par david
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Ça commence à faire lourd :

    * exonération de charges
    * chômage compétitif contenant les travailleurs
    * cout sociaux et cout sociétaux de l’immigration non évoqué

    tout ça gonflant les dettes, car c’est l’État le public qui prend en charge

    * maintien de la monnaie pour préserver le capital
    * spéculation aventureuses
    * technocratie plus vaste

    * flexibilité qui permet d’abaisser les points morts.
    Ce qui évoque que la productivité pure n’est plus au rendez-vous et qu’il faille taper sur le travailleurs pour dégager des libertés.
    Ça craint, même la machine de production est au bout du rouleau.

    Soit ça pète dans pas longtemps, soit c’est un esclavage encore plus fort.

    Soit il y a une innovation technologique terrible qui relance un cycle.

     

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  • #322933
    Le 5 février 2013 à 19:02 par toto
    Jacques Sapir décrypte la quête de flexibilité

    Et attention car en France, les mauvais génies du néolibéralisme (The Economist et Goldman Sachs) pensent qu’il faut carrément baisser les salaires d’un tiers !



    Au risque de déplaire, ce ne sont pas The Economist et Goldman Sachs qui nous imposent de baisser les salaires mais la comparaison des coûts salariaux unitaires au sein de la zone.
    http://www.contrepoints.org/2012/12...

    L’écart de coûts salariaux unitaires France vs Allemagne a augmenté de 20 points entre 1999 et 2012. Pour revenir au niveau de l’Allemagne, il faudrait une baisse des salaires d’un peu moins de 20% en France (la base est supérieure à 100).

    Mais, The Economist et Goldman Sachs doivent considérer que la France a un "pricing power" bien moindre que l’Allemagne sur son offre commerciale à l’export d’où les 10% supplémentaires.

    Ce que l’on constate aussi sur le graphique c’est que l’Espagne est en train de faire de gros efforts de compétitivité, et risque de venir concurrencer durement la France sur des secteurs comme le tourisme, l’agro-alimentaire ou le BTP dans les années qui viennent.

    Le débat "dévaluation interne vs externe" est gentillet car à moins de sortir de l’Euro, il n’y aura pas de débat car ce sont les Allemands qui décident dorénavant.

     

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