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La République des censeurs, de Jean Bricmont : un livre fort à propos

La récente « affaire Dieudonné », abondamment commentée par Polémia, a été révélatrice des enjeux que revêt le débat sur la liberté d’expression, singulièrement en France, mais aussi chez nombre de nos voisins européens. La question de la censure n’est pas nouvelle, et elle peut être envisagée de multiples points de vue. Mais en tout état de cause, elle comporte d’évidentes chausse-trappes.

Songeons, pour s’en tenir à des exemples récents, à l’indignation soulevée en 2013 par trois évènements « artistiques » :
- la photographie Piss Christ d’Andres Serrano, exposée en Avignon ;
- le spectacle de Romeo Castelluci Sur le concept du visage du fils de Dieu présenté au festival d’Avignon, puis au théâtre de la Ville ;
- la pièce de Rodrigo Garcia Golgota picnic présentée au théâtre du Rond-point.

Dans tous les cas, la tentation était grande, pour ceux qui étaient heurtés dans leurs convictions et leur conscience par ces manifestations blasphématoires, ou simplement contraires à la plus élémentaire décence, de demander leur interdiction, ou de s’y opposer par la violence. En l’occurrence, cette légitimation était renforcée par le fait que ces « performances » étaient subventionnées par l’argent du contribuable.

Les questions substantielles sont donc les suivantes : y a-t-il de bonnes et de mauvaises opinions, et doit-il y avoir des limites à la liberté d’expression ?

Un remarquable ouvrage de Jean Bricmont, La République des censeurs, vient fort à propos faire le point et apporter une contribution majeure cohérente à cette réflexion. Paru au début de 2014, il intègre les plus récentes péripéties juridiques, philosophiques et politiques du débat en France, mais aussi au niveau européen.

Jean Bricmont est physicien théoricien. Hors de sa spécialité, il s’est notamment fait connaître du public français, comme co-auteur avec Alan Sokal, du livre Impostures intellectuelles (1997), dans lequel était dénoncée l’utilisation par les « philosophes post-modernes » (Lacan, Deleuze et Guattari, Kristeva, Baudrillard, etc.) du vocabulaire scientifique pour énoncer des propos vides de sens. Comme il se doit, le Landerneau des « intellectuels de gauche » de l’époque avait réagi avec une virulence comparable à celle suscitée en 2012 à la parution de l’Éloge littéraire d’Anders Breivik de Richard Millet.

La liberté d’expression, terrain de manoeuvre de la « gauche morale »

Jean Bricmont sait par avance que son propos sera immanquablement instrumentalisé et catégorisé à l’extrême-droite, mais considère cette accusation comme dénuée de fondement, rappelant que les penseurs d’extrême-gauche n’ont pas été les derniers à défendre la liberté d’expression. Ainsi Bakounine – « La liberté des autres étend la mienne à l’infini » – ou Rosa Luxembourg – « La liberté est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».

Dans un registre plus « modéré », l’auteur a beau jeu de démontrer que depuis le XVIIIe siècle, c’est à travers la philosophie des Lumières, puis l’avènement progressif de la gauche progressiste que le concept de liberté d’expression a été porté. Ainsi, Voltaire disant d’Helvetius :

« J’aimais l’auteur du livre De l’Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. »

Ainsi Robespierre :

« La liberté de publier son opinion ne peut donc être autre chose que la liberté de publier toutes les opinions contraires. »

On notera que c’est cette conception extensive qui a prévalu dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui ne sanctionne l’expression des opinions que dans les cas d’injure et de diffamation.

Elle sous-tend également l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 :

« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

Remarque d’importance : aucun de ces textes n’opère de distinguo en fonction de la nature des opinions exprimées. La dérive qui s’est produite est récente et s’est incarnée principalement dans deux textes : la loi Pleven de 1972 qui réprime l’incitation à la haine et à la discrimination, et la loi Gayssot de 1990 qui sanctionne la contestation des crimes contre l’humanité, autrement qualifiée de délit de « négationnisme » ou de « révisionnisme ».

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