Egalité et Réconciliation
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La Syrie malade – entre autres – du trafic d’armes

44 personnes auraient été tuées dans divers incidents en Syrie dans la seule journée du lundi 17 octobre. Bien sûr ces chiffres émanent, comme de coutume, de l’OSDH mais celui-ci inclut dans ce décompte 11 membres de la police et des forces armées, ce qui est donc ; compte tenu de la source, une estimation a minima.

Le gros de ces pertes, civiles et militaires, – 27 victimes – serait survenu dans le secteur de Homs, théâtre d’accrochages quotidiens depuis une semaine. Une partie des perte dites civiles concerne évidemment des opposants armés : l’OSDH indique d’ailleurs qu’à Homs l’armée s’est heurtée à des déserteurs.

Violences tous azimuts

L’OSDH précise que l’affrontement principal s’est déroulé à un point de contrôle de l’armée, à Sawameah, non loin de la petite ville de Qousseir (ou Al Qusayr, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Homs) : 7 soldats ont été tués là, et plusieurs autres blessés. Par ailleurs, toujours selon l’OSDH, 4 autres soldats ont péri dans un attentat près de la localité de Ehsem, dans le gouvernorat d’Idleb, au nord-ouest du pays.

Dans cette même région d’Idleb, 17 soldats auraient été blessés au cours d’opérations de ratissage. L’agence Sana indiquait quant à elle ce matin (mardi 18 octobre) que trois nouveaux soldats avaient été portés en terre, après avoir été tués en opérations à Homs et Hama.

En outre, le cadavre du policier Moussa al Ra’i, enlevé dimanche par un groupe armé dans le quartier de Deir B’albeh à Homs, a été retrouvé lundi 17 octobre ; on est sans nouvelles du civil enlevé en même temps que lui. Sana indique encore que six terroristes ont été tués ce même lundi dans une opération à Homs, dont le chef du groupe, un certain Jassem Afara.

Encore une fois, ces chiffres sont invérifiables, mais ils indiquent malgré tout une « échelle » de la violence : le terrorisme, et donc la lutte anti-terroriste montent en intensité depuis quelques semaines en Syrie. La faute à ces groupes de déserteurs ayant pris, en quelque sorte, le maquis ? Certainement pas uniquement : les groupes salafistes d’inspiration, plus ou moins patronnés par les Frères musulmans, n’ont pas disparu, en dépit des pertes qu’ont pu leur infliger les forces de l’ordre en sept mois. Même si, dans les arcanes médiatiques et cyber-dissidentes, les déserteurs sont plus « tendance » depuis un mois et quelque.

Nous ne pouvons que répéter ce que nous avons déjà écrit : la contestation « civile » s’étant nettement essoufflée, les radicaux jouent à fond la carte de la violence. Une guérilla, pour être efficace, n’a pas besoin de regrouper des milliers d’individus : plusieurs centaines de combattants de l’ombre, attaquant par surprise ou pratiquant la guérilla urbaine, peuvent constituer un défi à un appareil répressif nombreux.

Ces guérilléros sont-ils, pour reprendre la formule de Mao Zedong, comme « des poissons dans l’eau » dans la population ? Certainement dans certains secteurs : à Hama et Homs, l’intégrisme de certaines franges sunnites encadrées par des cheikhs sous perfusion idéologique wahabite, le souvenir entretenu et magnifié de la dure répression anti-Frères musulmans de 1982, la question sociale aussi, fournissent un environnement favorable, limité mais suffisant, à ces combattants, souvent originaires de la région où ils sévissent.

La « synergie » déserteurs-activistes-traficants

L’autre atout dont bénéficient les activistes, c’est l’abondance des armes qui circulent en Syrie : il ne se passe pas de jour sans que Sana annonce des saisies, plus ou moins conséquentes, d’armes et de munitions. A ce propos, l’expert anglo-saxon en relations internationales Peter Harling, chercheur à l’International Crisis Group (ICG) basé à Damas, a accordé dimanche 16 octobre un entretien à l’AFP, entretien dans lequel il pointe le rôle des « réseaux de trafiquants qui, de longue date, opèrent le long de la frontière » et qui « se seraient reconvertis dans les armes depuis plusieurs mois« . Peter Harling estime qu’à la faveur des troubles « un marché s’est rapidement créé dans un pays où, contrairement au Liban, à l’Irak, au Yémen ou à la Libye, il existait peu d’armes en circulation. »

Puisqu’on vient d’évoquer le Liban, restons-y : il est désormais de notoriété publique, notamment depuis l’arrestation par la police et l’armée libanaise de plusieurs trafiquants, qu’une frange de l’establishment politique libanais est impliqué dans ce business. Nous pensons évidemment à la faction de Saad Hariri, dont le leader est presqu’autant saoudien que libanais, et en tous cas un adversaire résolu de la Syrie et de ses alliés libanais qui l’ont évincé du pouvoir à Beyrouth.

Cette dimension politique, ou politicienne, venant se greffer, pour l’aggraver, à une économie parallèle « traditionnelle » basée sur la contrebande d’armes. Car le trafic est devenu juteux depuis le début de l’insurrection syrienne voici six-sept mois : interrogé par un journaliste du quotidien algérien El Watan, un de ces marchands d’armes libanais le dit tout net : « Les Syriens prennent toutes les armes, faisant gonfler les prix ». Quels Syriens ?

Pour Peter Harling, il s’agit moins de réseaux organisés et « sponsorisés » par l’étranger, que d’un marché de la demande individuelle, simples particuliers ou membres de communautés religieuses : « Les villages alaouites se sont beaucoup armés par peur des représailles » indique Harling, qui ajoute que cette tendance à l’ »équipement » est perceptible aussi chez les sunnites. La peur et la méfiance alimentent le marché, en quelque sorte.

Le Liban n’est pas le seul « fournisseur » : El Watan indique que les fusils de chasse semi-automatiques en provenance de Turquie connaissent un « boom ». Importés au tarif de 170 à 200 dollars l’unité, ils sont revendus en Syrie entre 4 et 500 dollars pièce. Même plus-value conséquente pour les Kalashnikov « importées » du Liban : El Watan a enquêté à ce sujet auprès d’un « vendeur » au noir » travaillant dans le nord du Liban, et selon qui l’arme automatique d’origine russe a vu son prix doubler – de 7/800 dollars l’unité à 1 300/1 500 !

L’appât du gain + les haines politiques, c’est la combinaison tragique qui alimente la violence croissante en Syrie. Pour tarir cette source, il faudrait que les douaniers, policiers et soldats syriens se démultiplient. « Il y a plus de 50 passages illégaux entre la Syrie et le Liban. Il est impossible de déployer un soldat à chaque mètre » d’une frontière qui court sur 330 kilomètres indique Elias Hanna un expert militaire libanais interrogé par El Watan. Ce même expert estime toutefois que cet afflux d’armes légères en Syrie ne peut « inverser l’équilibre des forces« .

Sans doute pas en effet, mais il peut causer pas mal de dégâts à la société syrienne, toutes tendances confondues.