On ne va pas rejouer le match sur la drogue, drogues douces ou dures, dépénalisation ou répression, dealers ou pharmacies, flics occupés à courir après des julots casse-croûte de quartier, corruption à tous les niveaux, non. Tout ceci est connu et rabâché, et cinquante ans de débats n’ont jamais rien donné.
On peut toutefois être surpris par certains titres de l’actu, comme celui-ci, pioché dans Le Figaro du 27 août 2025 :

Dans la « guerre » qui oppose Donald Trump aux cartels sud-américain, « le Grand-Père » est désormais devenu la cible numéro une du FBI. Le Bureau d’investigation a annoncé il y a quelques jours offrir une récompense de dix millions de dollars pour toute information permettant l’arrestation de Juan Jose Farias Alvarez, chef de l’alliance mexicaine « Cartels Unis », qui baigne depuis une dizaine d’années dans le trafic de drogue à grande échelle. Il est notamment accusé d’être impliqué dans la production et le trafic d’opioïdes synthétiques, d’avoir recruté des mercenaires et d’avoir utilisé des explosifs artisanaux.
La tête d’Abuelo, ça nous rappelle « Tortuga » dans Breaking Bad :
La guerre des States contre les cartels c’est très bien, mais Purdue, une multinationale bien de chez eux, a tué un demi-million d’Américains par overdose d’OxyContin, un puissant opiacé, et les frères Sackler s’en sont sortis avec une simple amende de 7,4 milliards de dollars. Le cartel, il est là, sur place !
Et tout était déjà dans Traffic.
C’est l’occasion de parler de la drogue dans la socio-culture : elle y est entrée de plain-pied, elle fait désormais partie des meubles, et les plateformes regorgent de séries sur la drogue : Breaking Bad, Narcos, The Wire, Weeds, The Sopranos, et on en passe, toutes d’excellent niveau malgré la thèse assassine de Mohamed Ridal, qui n’a pas tort en plus. On sait que c’est mal de regarder, mais on regarde quand même. C’est comme si Ridal avait fait un essai sur les méfaits du hamburger bien gras, et qu’on en bouffait en secret, toute honte bue.
Ces séries ne vendent pas la drogue en soi, car on ne s’improvise pas dealer : elles vendent une industrie qui n’est plus noire à 100 %, et, derrière, une espèce de way of life.
En ce moment, on regarde des live sur TikTok, car c’est là où se défoule le populo, pas encore surveillable et punissable. Les officines de censure ont le nez rivé sur X, mais c’est sur TikTok que les freins ont lâché. Et en direct : ça fume, ça picole, sa sniffe, ça bouffe des amphètes, de la kéta, ça danse, ça chante, autant dire que c’est foutu pour la maréchaussée. Pour autant, faut-il en pleurer ?
On sait bien que les gens ne se défoncent pas par hasard, et il ne nous viendrait pas à l’idée de faire la morale à des millions de non pas camés, mais consommateurs plus ou moins réguliers d’antidépresseurs (kéta) ou de stimulants (coco) illégaux.
Réguliers, ça tombe bien, il s’agit d’une régulation métabolique. On n’a pas dit que c’était sain, mais qu’est-ce qui est sain aujourd’hui ? L’info qui perturbe, l’oligarchie dépravée qui s’envoie en l’air devant les gueux tabassés de partout, l’air pollué des villes, les océans qui se vident, la faune sauvage qui disparaît ? Tenez, même Raoult s’y met, dans le genre cinquième ou sixième extinction :
— VERITY France (@verity_france) August 24, 2025
On n’est pas sûrs que de manger des tacos ou des kebabs serait plus sain que de fumer du shit, disons que ça ne tape pas sur les mêmes organes. Mais les gens sont libres : libres de faire ce qu’ils veulent, ou ce qu’ils peuvent de leur corps, et aussi de prendre des risques, avec eux-mêmes ou avec la loi. En réalité, on ne peut rien interdire, ou pas longtemps. Alors, les campagnes de Darmanouche & Retailleau contre la drogue, les dealers, tout ça...
Il faut à un moment donné être réaliste : la mayonnaise ne rentrera pas dans le tube, seuls les individus conscients feront des choix conscients. On voit d’ailleurs de plus en plus de jeunes dans les salles de sport, ce qui est bon signe d’un point de vue de la santé, de la prise en main de son corps et de sa nutrition. Mais on voit des gars se muscler à une vitesse supersonique, et là aussi, on sent que ça se dope !
Que voulez-vous, c’est la civilisation de la vitesse, de l’impatience, de prêt-à-consommer, du fast-tout. Les Occidentaux ont perdu la patience. La drogue apporte une satisfaction immédiate. Or, arriver naturellement à un état de détachement, par une pratique quelconque (art, sport, spiritualité) demande nettement plus de travail, de temps et de talent. Elle est là, la différence fondamentale. Même Laborit se piquait chaque jour au gamma-OH, c’est dire. Pour avoir les idées plus claires, pour ne pas déprimer devant le spectacle d’un monde crade et cruel. Peut-on en vouloir à ceux qui cherchent à fuir ce noir tableau ?
Heureusement, il y a ceux qui agissent, qui veulent transformer le monde. Ça existe encore. Se défoncer, c’est entretenir le statu quo et laisser aux autres le soin de diriger le monde. Le slogan de Mai 68 est parfait pour ça : camarade, si tu ne t’occupes de politique, la politique s’occupera de toi. C’est le mantra de la maison !
Allez, on va se rouler un bombardier d’afghan noir, se verser un verre de rhum rouge au bois bandé, se regarder l’épisode de The Wire où Idris Elba apprend la gestion, et se lire le chapitre du Ridal « Netlflix, la courroie de transmission du mondialisme ». L’homme n’est pas exempt de contradictions. En chacun de nous cohabitent des choses – et des êtres – étranges.
Possible que Ridal, derrière sa pure (à 98 %) analyse marxiste, soit accro à une série salement capitaliste.