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Le nombre de néonaticides "très largement sous-estimé"

Le nombre de néonaticides, les infanticides survenant le jour de la naissance, "est très largement sous-estimé" dans les statistiques officielles, selon des chercheurs de l’Inserm qui ont également dessiné "un profil homogène" des mères auteurs de ces actes.

Peu de données étaient jusqu’ici disponibles pour évaluer l’ampleur de ce problème, mis en avant épisodiquement par des cas hors normes, tels que la découverte de 8 corps de nouveau-nés en juillet dernier dans le Nord.

Anne Tursz et Jon Cook (unité Inserm CERMES 3) ont recueilli dans 26 tribunaux de trois régions françaises (Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais) les données judiciaires correspondant aux décès de nouveau-nés survenus sur une période de 5 ans (1996-2000).

Ils ont rapporté 2,1 néonaticides sur 100.000 naissances, soit 5,4 fois plus que dans les statistiques officielles de mortalité (0,39 pour 100.000 naissances).

En 2005, l’analyse par la même équipe du nombre d’homicides chez les nourrissons de moins d’un an avait déjà révélé une sous-estimation des infanticides.

Le nombre de néonaticides "est très largement sous-estimé", a déclaré Anne Tursz, estimant que les données judiciaires, déjà plus de 5 fois supérieures aux statistiques officielles, "ne recouvrent pas la réalité complète du problème".

"Ce doit être de l’ordre d’une centaine par an. Ce qui est considérable", a-t-elle estimé. Des corps ne sont en effet jamais retrouvés.

Sur un total de 27 cas (dont 9 où la mère n’a pas été identifiée), les chercheurs sont également parvenus à dresser un profil social et psychologique des mères auteurs de néonaticides. Un petit nombre de femmes, a reconnu le Dr Tursz, mais qui fait apparaître "un profil homogène", tant ces femmes "se ressemblent".

"Ce sont des carencées affectives, des femmes d’une solitude morale effroyable, mais pas des malades mentales", a décrit la pédiatre. "Ce sont des femmes qui sont plutôt dans une situation d’échec, de ratage, très dépendantes".

"On dirait qu’elles sont incapables de prendre une décision seule, sauf cette terrible décision là, parce que le mari a souvent laissé entendre qu’il ne voulait plus d’autres enfants et elles ont une peur panique d’être abandonnées", a-t-elle poursuivi.

"Elle savent très bien qu’elles sont enceintes, mais elles ne savent pas quoi faire", a analysé le Dr Tursz, soulignant qu’aucun cas de déni de grossesse n’a été constaté. "En revanche, elles mentent, elles mentent à leur famille, à leur mari".

L’âge moyen des mères était de 26 ans, un tiers d’entre elles avait au moins trois enfants et plus de la moitié vivait avec le père de l’enfant. Les deux-tiers avaient une activité professionnelle.

Elles n’utilisaient pas la contraception et la plupart ont mis l’enfant au monde en secret, seule. Dans trois cas le père a été inquiété, un seul condamné, a précisé Anne Tursz.

Pour la pédiatre, l’identification d’un profil "permettra de mieux cibler à l’avenir les femmes vulnérables afin de leur proposer des solutions adaptées".

Dans les dossiers judiciaires, les chercheurs ont eu accès aux expertises psychiatriques et psychologiques, procès verbaux d’audition de la police, minutes de mise en accusation, condamnations, etc.

L’étude est en ligne dans l’édition Fetal and Neonatal de la revue spécialisée Archives of Disease in Childhood.