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Les vies des jeunes Israéliens et des jeunes Palestiniens ont-elles la même valeur ?

Le monde entier condamne la violence après la découverte du meurtre des trois adolescents israéliens disparus, mais une grande partie du monde condamne aussi la punition collective infligée au peuple palestinien par le gouvernement israélien.

Après avoir appris que les corps des trois adolescents israéliens portés disparus ont été retrouvés dans un champ non loin de la route où ils avaient disparu le 12 juin, beaucoup de gens ont réagi à juste titre avec douleur et colère.

Eyal Yifrah, âgé de 19 ans, Gilad Shaar et Naftali Fraenke, âgés de 16 ans, étaient des étudiants qui vivaient avec leurs familles dans une colonie réservée aux seuls Juifs près de la ville palestinienne de Hébron en Cisjordanie. Cette colonie ainsi que que les autres, ont été déclarées illégales par la Cour internationale de justice car elles sont situées dans les territoires occupés et entravent la liberté de circulation, le droit à l’emploi, la santé et l’éducation des Palestiniens. Cependant, il s’agissait de jeunes au début de leur vie, de fils et frères dont les familles pleureront toujours leurs morts horribles. Nous devons tous condamner cette violence.

Mais nous devons également condamner la punition collective et la violence déclenchées par le gouvernement israélien en réponse. À ce jour, la police et l’armée israéliennes ont fait irruption dans 1 500 maisons, entreprises et écoles qu’elles ont saccagées, kidnappant plus de 550 personnes.

Plus de la moitié des personnes enlevées sont détenues sans inculpation ni jugement, plus d’une 100 ont été blessés et au moins six personnes ont été assassinées - dont un garçon de 14 ans abattu d’une balle dans la poitrine tirée à bout portant, et une femme de 78 ans victime d’une crise cardiaque lorsque sa maison a été envahie. Au moment de la rédaction de cet article, les plus de 680 000 habitants d’Hébron sont encerclés par les troupes d’occupation et les colons rendus fous furieux, ce qui fait craindre le pire.

Imaginez que des homicides similaires aient eu lieu dans votre ville. Malgré la tragédie que représente ces crimes et le désir désespéré d’en trouver les auteurs, est-ce qu’une société civilisée tolérerait le pillage généralisé des biens, l’emprisonnement de centaines de personnes et la mort d’innocents ? Non, bien sûr que non. Alors, pourquoi cela devrait-il être considéré comme une réponse acceptable pour une population poussée au désespoir par des décennies d’occupation militaire ?

Pour bien comprendre ce qui s’est passé et pourquoi, la réflexion doit remonter avant le 12 juin, jour de la disparition des trois adolescents qui habitaient une colonie juive près de la ville palestinienne de Hébron en Cisjordanie. Cette réflexion devrait plutôt remonter au 23 avril, lorsque les deux principales organisations politiques palestiniennes, le Fatah (qui avait gouverné la Cisjordanie) et le Hamas (qui remplissait le même rôle pour la bande de Gaza), ont annoncé la formation d’un gouvernement d’union. Alors que l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah collabore depuis longtemps avec les forces israéliennes d’occupation, le Hamas continue de résister activement au contrôle d’Israël sur le territoire palestinien. L’annonce de la réconciliation a été condamnée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, furieux de voir les États-Unis et d’autres gouvernements adopter une approche plutôt attentiste.

Lorsque les trois adolescents israéliens ont disparu, Netanyahu a immédiatement accusé le Hamas - bien que celui-ci ait nié toute responsabilité - et a lancé une campagne visant à frapper quiconque est associé à cette organisation ainsi que ceux qu’il voulait cibler pour d’autres raisons (comme les prisonniers préalablement libérés).

Un observateur averti ne peut s’empêcher de conclure que Netanyahu a instrumentalisé la tragédie personnelle des familles concernées, pour poursuivre un objectif politique plus large.

L’intention d’Israël de « retourner le sol en profondeur pour déraciner tout ce qui est de couleur verte [c’est-à-dire lié au Hamas] en Cisjordanie » a été annoncé à la radio nationale de l’armée, tandis que le ministre de l’Économie Naftali Bennett a promis « de donner aux membres du Hamas un billet pour une entrée en enfer. » Un officier de haut rang des Forces de défense israéliennes (FDI) a déclaré au journal israélien Haaretz que les arrestations de masse [rafles] sont « une sorte de nettoyage en profondeur. » Israël, a-t-il dit, a décidé « d’exploiter les prochains jours pour arrêter toute personne infectée par le Hamas. » Dans une autre source israélienne, un officier de l’armée a même admis que l’opération avait été planifiée à l’avance, et que son but n’était pas de retrouver les jeunes israéliens mais de provoquer des troubles.

Avec la découverte des corps des adolescents israéliens, l’armée israélienne et les colons ont intensifié leurs attaques sur Hébron et d’autres villes, assassinant une jeune Palestinien âgé de 17 ans dans le camp de réfugiés de Jénine. Renouvelant son engagement à « faire payer le Hamas » Netanyahu a ordonné une escalade des frappes aériennes sur la bande de Gaza - plus de 40 rien que la première nuit, terrorisant les 1,8 millions d’habitants. Bien que les frappes sont présentées comme des représailles à des tirs de roquettes vers Israël à l’initiative d’une faction qui n’est pas affiliée au Hamas, les propres mots de Netanyahu rendent le lien évident.

Selon Addameer, le groupe de défense des prisonniers, environ un quart des centaines de Palestiniens kidnappés sont incarcérés sous le régime de la « détention administrative », une procédure qui permet à l’armée israélienne de détenir des personnes indéfiniment sur ​​la base d’informations tenues secrètes, sans inculpation ni procès.

Israël utilise systématiquement la détention administrative, en violation des règles strictes établies par le droit international, en prétendant être dans un état permanent d’urgence depuis sa création en 1948. En outre, dit Addameer, la détention administrative est fréquemment utilisée - en violation directe du droit international - pour infliger des punitions collectives et criminelles plutôt que pour prévenir d’éventuelles menaces.

Les enfants et les jeunes sont souvent pris pour cibles. Defence for Children International a documenté le meurtre de plus de 1 400 enfants palestiniens par des soldats israéliens ou des colons depuis 2000, dont seuls 40 ont été abattus alors qu’ils étaient impliqués dans des affrontements. C’est l’équivalent d’un enfant palestinien tué par un Israélien tous les trois jours, tout au long de ces 13 dernières années.

En outre, un rapport publié cette semaine par l’observatoire Euro-Mid documente comment de 2 000 à 3 000 mineurs palestiniens ont été kidnappés et retenus par les forces israéliennes chaque année pour ces cinq dernières années, ce qui représente une moyenne de 200 par mois, certains des enfants ayant 12 ans.

« La police israélienne ou militaire envahit violemment les maisons généralement au milieu de la nuit ou prend les jeunes dans la rue sans leur dire de quoi ils sont accusés ni informer leurs parents, comme l’exige le Pacte international relatif aux droits civils et politiques », explique Ihsan Adel, conseiller juridique pour Euro-Mid. « En quoi est-ce différent de l’enlèvement des étudiants israéliens ? Et pourtant, cela se produit chaque jour, tout au long de l’année. Où est l’indignation internationale ? »

Selon le rapport d’Euro-Mid, les jeunes Palestiniens sont rarement informés des raisons de leur arrestation, du moins, jusqu’à ce qu’ils soient interrogés, sans la présence d’un avocat, et souvent enchaîné à des chaises et privés de sommeil. Pourtant, l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant (dont Israël est signataire) stipule que les jeunes et leurs parents doivent être informés des raisons de leur détention, ainsi que disposer d’une assistance juridique.

L’UNICEF, l’Organisation mondiale de la Santé et la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, ont constaté qu’Israël justifie les peines appliquées par des aveux que ses interrogateurs arrachent à des enfants qui ne disposent d’aucun avocat. Est-il surprenant que environ 95% de ces enfants fassent des « aveux » ?

Les enfants ne sont pas des pions, des pièces à utiliser dans un jeu à des fins de publicité ou pour un effet de levier. C’est vrai pour les Palestiniens et doublement pour les Israéliens qui opèrent à partir d’une position de force totalement inégale, celle de l’occupant. Il est important de noter ici que les États-Unis sont coupables aussi bien des actions d’Israël que de sa dictature militaire : Israël est en effet le principal bénéficiaire de l’aide militaire des États-Unis, à hauteur d’une dotation de 3 milliards de dollars chaque année. Cela doit cesser.

Peut-être que personne n’a mieux exprimé que le chroniqueur Gideon Levy, une des rares voix d’autocritique en Israël, ces principes de base de l’humanité. Dans un article récent qui a été très peu cité, il a comparé les cas de Naftali Fraenkel, l’un des garçons israéliens assassinés, et de Mohammed Jihad Dodeen, le jeune Palestinien âgé de 14 ans tué lors des arrestations de masse.

Levy parle du voyage de Rachel Fraenkel, la mère de Naftali, pour une réunion en Suisse du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Elle a dit devant le Conseil que que « son Naftali est un bon garçon qui aime jouer de la guitare et le football. » Mais, observe Levy, « Mohammed est également un bon garçon, qui a aidé son père à construire la maison familiale pendant ses vacances scolaires et a vendu des douceurs pour soutenir sa famille. Rachel veut embrasser Naftali ? Jihad, le père endeuillé de Mohammed, veut aussi embrasser son fils. D’ailleurs, personne ne l’a amené à Genève. Il est resté seul avec sa peine, dans sa pauvre maison dont la construction n’a pas encore été terminée, et qui peut-être ne le sera jamais. »

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Le thriller de Jacob Cohen, sur fond de conflit israélo-palestinien, est disponible chez Kontre Kulture :

 






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