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Machiavel, homme de guerre

L’animal politique qui a théorisé l’armée moderne

Si Machiavel ne possédait pas l’insatiable appétit d’un Jules II pour les conquêtes territoriales, et cette ambition qu’il avait de faire de l’Église le premier État italien, d’abord, puis le seul État italien lorsqu’il aurait englobé tous les autres, il y avait une passion qu’il partageait avec lui : la passion de la guerre, et l’amour des choses militaires.

 

Cette passion ne se manifestait pas de la même manière chez ces deux hommes. L’un aimait dans la guerre les ardentes chevauchées, le mouvement, l’action, les embuscades que l’on dispose pour l’adversaire et celles que l’on évite soi-même. La guerre c’était la galopade dans le petit jour, avec, derrière soi, le tumulte des chevaliers bardés de fer. C’était les bataillons de fantassins courant sur les coteaux, se glissant à travers les forêts, les escadrons déployant dans la plaine leur carrousel cruel. Pour l’autre, c’est un jeu raffiné, que le sédentaire peut tout aussi bien jouer ; une partie d’échecs. L’un aime les soldats splendidement habillés, les panaches flottants, les fifres aigus et les longs tambours, l’acier miroitant et les beaux chevaux. Pour l’autre, un régiment est un pion sur l’échiquier et le soldat un élément presque abstrait, un chiffre dans le déroulement du kriegspiel. Sur les dessins qui illustreront son Arte della Guerra, hommes et batailIons sont figurés par des signes typographiques. Le thêta grec représente un canon, le « T » majuscule le connétable de la bataille, le « D » majuscule le chef de bataillon, « z » est un drapeau et « s » la musique. Il les dispose sur sa feuille de papier, comme un enfant qui s’amuse avec ses soldats de plomb, mais ici l’être vivant est réduit à une lettre, le piquier n’est plus qu’un « o », le chevau-léger un « e », l’homme d’armes un « r », et ainsi de suite. Malgré cela, les combinaisons militaires qu’il organise avec ces caractères sont extrêmement vivantes parce que l’art de la guerre pour lui est un art vivant et la stratégie une science vivante.

Ce n’était pas une science nouvelle. Les Anciens l’avaient pratiquée avec beaucoup de talent, et en cette matière comme en toutes les autres, il fallait s’adresser à eux pour obtenir des critères d’excellence et de perfection. L’histoire romaine est riche d’exemples qu’un capitaine moderne peut utilement suivre ; Machiavel, chaque fois que l’occasion se présente, ne cesse de donner en modèle à ses contemporains les stratèges grecs, parfois, et, le plus souvent, les romains. « Je vous répète que les Anciens faisaient tout avec plus de sagesse et mieux que nous, et si nous errons quelquefois dans les autres affaires de la vie, à la guerre nous errons toujours complètement. »

Ne sera-t-il pas périlleux de croire ainsi à la supériorité absolue et constante des Anciens, alors que tant d’éléments nouveaux entrent en jeu dans la guerre d’aujourd’hui ? L’artillerie, par exemple. À tout prendre, malgré l’usage des armes à feu que certains condottieri blâment et condamnent — Vitelli allait jusqu’à couper les mains des artilleurs et des arquebusiers ennemis qu’il faisait prisonniers pour les punir d’user de ces instruments déloyaux — malgré les changements que le canon a apportés dans la tactique de la cavalerie et de l’infanterie, il n’y a pas tant de différence entre les guerres d’autrefois et celles d’aujourd’hui. Les enseignements des Anciens demeurent donc parfaitement valables pour notre temps, et l’homme du XVe ou du XVIe siècle, si moderne qu’il se sente, a toujours intérêt à interroger ses devanciers.

Machiavel peut, à bien des égards, apparaître comme un théoricien de la guerre, et son opinion être suspecte sur ce point, mais les praticiens eux-mêmes, les Alviano, les Picinnino, les Baglioni, les Sforza et Gattamelata, et Colleone, et Braccio di Montone, et les Malatesta, et les Petrucci, emportent des livres avec eux en campagne, et lisent ou se font lire les hauts faits des Anciens. Non seulement pour exciter leur émulation et éveiller leur amour-propre, mais aussi pour y trouver d’utiles enseignements.

La nature du terrain n’a pas changé depuis les Romains. La nature de l’homme non plus. Les éléments essentiels des armées sont toujours les mêmes, fantassins légers et fantassins lourds, cavalerie lourde et cavalerie légère, artillerie à corde, chez les Romains, artillerie à poudre chez les modernes. Le cœur du soldat et ses muscles, aussi, demeurent pareils. Et ses appétits, et ses ambitions, et ses craintes. On peut apprendre l’art de la guerre dans les livres, et l’on peut écrire des livres pour l’enseigner aux autres.

De ce que Machiavel a d’abord appris cette science dans les livres, ne déduisons pas qu’elle est chez lui livresque. C’était un des grands mérites de cet homme, dont l’érudition n’a jamais fait un rat de bibliothèque, que cette faculté qu’il avait de transformer en quelque chose de vivant tout ce que contiennent les livres. Et aussi son application à vérifier sur le terrain l’exactitude de ce que lui avaient raconté les historiens et les annalistes.

[...]

La chance veut aussi que cette époque soit celle où des transformations profondes se produisent dans l’art et la technique de la guerre. Non pas seulement du fait que le matériel change, que l’emploi de l’artillerie fournit des facilités nouvelles et pose ainsi des problèmes imprévus, mais aussi en raison des bouleversements qui surviennent dans la vie des sociétés. La guerre de la Renaissance ne ressemble pas à celle du Moyen Age. Celle-ci dépendait encore des deux facteurs primordiaux à cette époque, la chevalerie et la féodalité. La guerre était le fait de la noblesse ; le vassal y servait le suzerain avec ses propres vassaux et avec les hommes de ceux-ci. Il ne s’agissait pas de patriotisme, mais seulement de fidélité au seigneur, cette fidélité n’excédant pas, d’ailleurs, les coutumes féodales qui fixaient le nombre de jours de services dus par le vassal ; si bien que celui-ci, arrivant à l’expiration du temps de service obligatoire, rentrait chez lui tout tranquillement avec ses soldats, même si son seigneur se trouvait à ce moment-là en pleine opération stratégique.

[...]

Si, en France, le processus d’évolution allait de l’armée de métier à l’armée nationale, en Italie il en était allé autrement. Le Moyen-âge avait vu surtout les milices communales, formées par les habitants de la cité, qui lâchaient les outils de leurs professions pour prendre leurs armes dès que la cloche les appelait à la bataille. Nous avons dit déjà par suite de quelle spécialisation s’étaient créées les armées de métier, composées de mercenaires, création qui avait l’avantage de ne plus paralyser la vie commerciale en enlevant les individus aux champs, à la boutique ou à l’atelier pour les traîner sur les routes, la pique à l’épaule. L’armée de métier, nous l’avons vu, a créé, comme conséquence, le capitaine de métier, le condottiere. Ces spécialistes de la guerre, soldats et généraux, ont représenté d’abord quelque chose d’utile et d’économique, mais ils sont vite devenus envahissants, et ils ont fini par bouleverser toute la vie politique de l’Italie. L’ascension du condottiere jusqu’aux trônes les plus illustres et les plus éminents fut le résultat direct et inévitable de cet état de choses qu’il paraissait urgent de modifier.

[...]

La guerre, direz-vous… La guerre, pour lui, est un accessoire de la politique. Il ne l’aime pas pour elle-même, il ne l’étudie pas gratuitement. La formation militaire fait partie de l’éducation d’un homme d’État ; il l’affirme expressément. Les princes actuels, dit-il, « ne songent pas que, chez les Anciens, tout prince jaloux de maintenir son autorité pratiquait avec soin toutes les règles que je viens de prescrire, et se montrait constamment appliqué à endurcir son corps contre les fatigues et fortifier son âme contre les dangers. Alexandre, César et tous les grands hommes de ces temps-là combattaient toujours au premier rang, marchaient à pied, chargés de leurs armes et n’abandonnaient leur empire qu’avec la vie, voulant vivre et mourir avec honneur. On pouvait peut-être reprocher à quelques-uns une trop grande ardeur à dominer, mais jamais on ne leur reprocha nulle mollesse, ni rien de ce qui énerve et dégrade l’humanité. Si nos princes pouvaient s’instruire et se pénétrer de pareils exemples, ils prendraient sans aucun doute une autre manière de vivre, et changeraient certainement ainsi la fortune de leurs États ».

[...]

J’ai dit que Machiavel considérait la guerre comme un jeu intellectuel, comme une partie d’échecs. Mais la marche des figures, les combinaisons tactiques dépendent, en fait, de tous ces éléments banals, terre à terre, si l’on veut, que le bon joueur doit connaître pour ne pas commettre d’erreur. Il sait bien que, dans la réalité, l’intendance joue un rôle aussi grand que l’état-major, qu’un soldat mal nourri perd la moitié de ses moyens. De là vient, chez lui, cette scrupuleuse attention partagée entre les grandes idées générales et les infimes détails matériels. Le grand capitaine est celui qui veille à la chaussure de ses hommes tout autant qu’à leur arquebuse ou à leur moral. Et c’est tout cela rassemblé qui constitue son traité sur la formation de la milice florentine, ses « provisions » pour l’infanterie et la cavalerie, son « art de la guerre », enfin, pleins de ces conseils utiles, modestes si l’on veut, qu’on le voit donner, par ailleurs, sur le plan de la science diplomatique, à son ami et disciple Rafaele Girolami, nommé ambassadeur du roi d’Espagne auprès de l’Empereur. Cette lettre à Girolami constitue un petit bréviaire à l’usage des ambassadeurs, aussi bien que ses traités militaires des bréviaires à l’usage des capitaines, et le Prince le bréviaire immortel de tous les hommes d’État ; ses Discours sur Tite-Live, moins connus, moins pratiqués, étant plus riches encore d’enseignements et d’expérience.

[...]

Cette piquante démonstration de la supériorité du « praticien » sur le « théoricien » en cette matière n’empêche pas les conclusions de Machiavel de représenter un progrès considérable sur l’esprit du temps. Celles sur la constitution de l’armée, par exemple, et les avantages qu’il y a à choisir les fantassins parmi les paysans et les cavaliers parmi les citadins, ses remarques sur l’âge des soldats, sur leurs aptitudes physiques, sur leur entraînement. Ce sont là toutes choses que les condottieri savaient d’instinct, mais Machiavel les a précisées, codifiées, afin d’instruire justement les profanes, les « civils » qui n’entendent rien aux choses militaires.

Lire l’article entier sur theatrum-belli.com

De la guerre d’hier à la guerre d’aujourd’hui, voir sur E&R :

 






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19 Commentaires

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  • #1526542
    Le 2 août 2016 à 23:09 par amejidonc
    Machiavel, homme de guerre

    Rien sur la creation monetaire, la clef de voute de son systeme qui nous domine encore aujourd’hui, dommage, je dirais même... hors-sujet, exactement comme ils font à science-po quand ils l’étudient.

     

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  • #1526577
    Le 3 août 2016 à 00:16 par Pierre
    Machiavel, homme de guerre

    Le plus étrange, c’est la nature ambivalente de la guerre, presque schizophrénique : l’essence de la guerre est la conquête (on s’empare d’un bien, d’une ville, d’un pays) et la destruction, deux objectifs purement antagonistes, et en même temps complémentaires (détruire pour mieux conquérir, conquérir pour mieux détruire).

     

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    • #1526734
      Le Août 2016 à 12:31 par luc
      Machiavel, homme de guerre

      Ami ; le presque est de trop. On peut sans ambiguité attribuer aux pulsions schizophréniques de leurs protagonistes, ce qu’ils appellent la guerre, sa ruée dans rien et ses impossibles ’victoires’. Ce qui demeure fondamentalement énigmatique c’est que ces profils au service de la plus néfaste névrose qui soit, sont aussi ceux qui dominent les ’organisations sociales’ qui, en ce sens, ne se peuvent qualifier que comme une abdication et un renoncement devant ce qu’est reellement la condition humaine sous toutes les pathologies psychosomatiques qui la dévoient.

       
  • #1526597
    Le 3 août 2016 à 02:52 par la pince mon seigneur
    Machiavel, homme de guerre

    le macchiavel moderne c’est "gouverner par le chaos" de Lucien Cerise, ça c’est du lourd

     

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  • #1526655
    Le 3 août 2016 à 10:07 par anonyme
    Machiavel, homme de guerre

    Machiavel n’est qu’un boy scout exhibitioniste de la ’stratégie’, qui a utilisé le cadavre de Savonarole comme marchepied, pour se hausser jusqu’à ses patrons (qui lui ont d’ailleurs fait goûter à l’estrapade) Piètre stratège et piètre diplomate, un personnage surfait de faible envergure, finalement plutôt médiocre et ambigu à son époque, qui a bénéficié du vide occidental d’expression littéraire dans son domaine de ’réflexion’. Un épiphénomène typique d’une Italie typique. Il n’arrive pas à la botte d’un Louis XI qui a beaucoup agit en se gardant bien d’écrire quoi que ce soit.

     

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    • #1526863
      Le Août 2016 à 15:52 par insoumis de la dissidense
      Machiavel, homme de guerre

      On croirait lire Innocent Gentillet..

       
    • #1526901
      Le Août 2016 à 16:49 par Mario
      Machiavel, homme de guerre

      Effectivement et j’ajouterai que Machiavel n’a fait qu’observer ce qui l’entoure ou le passé pour en faire un livre ...
      Les vrais Machiavel sont en réalité ceux qui ont fait l’histoire avant lui. Il n’a fait que répertorier leurs expériences.

       
  • #1526739
    Le 3 août 2016 à 12:37 par Alfredo
    Machiavel, homme de guerre

    Quel génie et quel cerveau !
    Encore aujourd’hui les Italiens sont le peuple européen ayant le QI moyen le plus élevé.

     

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    • #1527752
      Le Août 2016 à 17:22 par mik ezdanitoff
      Machiavel, homme de guerre

      D’ailleurs, quand on va à Naples, on voit à quel point la ville est gérée intelligemment, propre...

       
    • #1528444
      Le Août 2016 à 13:21 par mic mac
      Machiavel, homme de guerre

      @mik ezdanitof
      Parenthèse ouverte pour ce qui concerne Naples et le sud.
      Royaume des deux Sicile, un des plus ancien royaume d’Europe et prospère, où les monnaies d’or et d’argent y circulaient, l’histoire est longue et complexe, mis au pillage, après le passage du fameux héros des deux monde le Maître Garibaldi, tout a été pillé et détruit.
      Triste histoire dont le sud ne s’est jamais relevé.
      Pour mémoire, c’est à Naples que fût construit le premier pont métallique suspendu, les premiers bateaux à aube, le premier chemin de fer.
      Mais chuttt, en Italie on appelle cela "il révisionismo risorgimentale".
      Parenthèse refermée sur un des mensonge historique.

       
  • #1527005
    Le 3 août 2016 à 18:44 par insoumis de la dissidense
    Machiavel, homme de guerre

    Machiavel a surtout mené des réflexions sur les régimes politiques, leurs avantages et leurs inconvénients ainsi que les forces les mettant en place.
    Admiratif de la république de la Rome antique, il a rejeté d’emblée les régimes oligarchiques, despotiques, dictatoriaux et même la démocratie (tiens tiens...) sans oublier les élites religieuses.
    Mais cette république devait elle être dirigée par les nobles ou par le peuple ?
    Il transposa également ses réflexions dans une critique acerbe de la politique italienne.
    (Discours sur la première décade de Tite-Live)

    Les Médicis arrivant au pouvoir à Florence c’est substitué une monarchie à une république.
    Il rédige alors le "Prince" ou plus exactement "Les Principautés" (De Principatibus).
    Le titre de"Prince" est faux car le traité de Machiavel a été rebaptisé après sa mort par ses premiers éditeurs.

    Ses principaux détracteurs :

    Innocent Gentillet, un huguenot complètement allumé, qui de fait finira sur le bucher (Discours sur les moyens de bien gouverner & maintenir en paix un Royaume, ou autre Principauté Contre Nicolas Machiavel Florentin).

    Frédéric II de Prusse : "Anti-Machiavel ou essais de critique sur le Prince de Machiavel", ouvrage publié par ... Voltaire (tiens tiens).

    Léo Strauss (hum hum) : "Pensées sur Machiavel", ouvrage idéologique d’un homme qui n’a rien compris ou n’a pas voulu comprendre Machiavel et qui va même jusqu’à l’accuser d’antisémitisme (tiens tiens).

    Et bien sûr Savonarole (le feu, Machiavel étant la glace selon Max Gallo) que Machiavel accusera de régner en despote sur la ville ainsi que de diviser plutôt que de rassembler à cause de son étroitesse d’esprit et de sa malhonnêteté politique et intellectuelle. Il aurait taré dès son origine la nouvelle république née de la chute des Médicis. Et, erreur principale pour Machiavel, il aurait assujetti le régime à la conversion intérieure des individus sans armer le pouvoir, puisqu’un pouvoir fort doit d’abord s’armer afin de permettre l’établissement d’une société.
    Il fait peu de doute qu’ici le sens du mot "société" pour Machiavel n’est pas très éloigné du concept de "Nation".

     

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    • #1527326
      Le Août 2016 à 00:43 par Dollycomeback
      Machiavel, homme de guerre

      Bien dit !

      Magnifique récit de l’opposition entre Machiavel et Savonarole (le prophète désarmé), qui semble être en effet, plus une chose (une marionnette) de l’empire luttant contre les prémices du concept de Nation !

       
  • #1527303
    Le 3 août 2016 à 23:53 par Dollycomeback
    Machiavel, homme de guerre

    Bonjour,

    Machiavel, comme tous les auteurs, doit être lu, et non pas découvert à travers des commentaires malhonnêtes.
    N’essayez surtout pas de porter un jugement sur Machiavel sans l’avoir lu, ce serai comme essayer de juger Alain Soral ou Jean-Marie Le Pen en écoutant France Inter ou La chaîne parlementaire !

    Néanmoins, pour avoir personnellement étudié le personnage, je peux essayer d’apporter quelques remarques sur son œuvre, le plus sincèrement du monde :

    - Machiavel observe en effet, une certaine instabilité politique pendant la période que l’on appelle : "les guerres d’Italie". La domination grandissante des Banquiers Médicis sur Florence, qui sont des parents du Pape (et plutôt de confession Juive) ne plaît guère à Machiavel, une sorte de patriote d’une ancienne Italie, peut-être un peu fantasmée, certes, mais néanmoins inspirante. Jamais Machiavel ne reproche à Savonarole aucune tyrannie, il le nome simplement, avec ironie et mépris, "le prophète désarmé". En effet, Savonarole, tente d’expliquer selon la coutume prophétique, comment organiser la cité, dans une époque où l’on règle les conflits à grands coups d’armées mercenaires étrangères. L’alliance du Pape et du Saint Empire Germanique en étant selon lui, une des causes principales.

    - Dès lors, observant quels sont les moyens efficaces de la domination, Machiavel ne fait qu’essayer d’y apporter une nouvelle finalité : La liberté ( Elle se définit pour lui, comme le fait de pouvoir vivre en paix avec sa famille et de regarder s’épanouir les enfants de sa cité.) La fin justifie les moyens, si seulement cette fin est la liberté. Cette condition de liberté est rappelé systématiquement, chaque fois qu’un moyen doit être employé, et non pas chaque fois que le moyen est employé.

    - Quelle est cette chose qui pousse Machiavel à admirer les Anciens ? Quand Machiavel parle des Anciens, il s’attache surtout à regarder à quel points ces anciens peuples étaient attaché à leur liberté. Leur liberté en tant que groupes sociales. C’est à dire ne jamais céder à un envahisseur, ou une tentative de domination impériale. Et le fait qu’il soit prêt à mettre leur vie en jeu pour défendre cette liberté, avec acharnement. Or c’est le contraire que Machiavel observe dans son Italie, soumise par toutes les ruses à une domination étrangère ou illégitime.

    A suivre.... (Comment maintenir cette liberté ? Grâce à l’art de la guerre, de la défense )

     

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  • #1527313
    Le 4 août 2016 à 00:16 par Dollycomeback
    Machiavel, homme de guerre

    Mahciavel et L’Art de la Guerre (Suite)

    Machiavel, donc, propose dans l’art de la guerre, le moyen de se défendre contre une tentative de domination extérieure.

    A ce titre, il oppose la démocratie (au sens étymologique) à la démocratie des sophistes. C’est à dire que la démocratie selon lui, ne devrait pas être une forme particulière de régime politique, mais une articulation entre deux conditions.
    - Le "demos" (régulièrement traduit par le mot peuple, ce qui est une erreur scandaleuse) est une frontière territoriale ou géographique dans laquelle un groupe sociale se forme (même langue, même culture, etc... ( on peut y voir les prémices du concept de "nation").
    - Le "cratos" (pareil, souvent mal traduit par le mot "pouvoir") correspond à l’autorité.

    La démocratie est donc le fait pour des gens vivant au sein d’un territoire délimité, d’exercer eux-mêmes l’autorité qui s’applique sur eux, quelque soit la forme des institutions qui permettent la prise de décision collective (régime mixte, monarchie, aristocratie, etc...) Cette notion s’oppose donc directement à l’alliance du Pape (pouvoir spirituel, sorte de peuple prêtre) et de l’empereur (pouvoir temporel).

    (D’ailleurs, à cette époque, les Rois de France ne supportent pas cette tentative de domination du saint empire sur la France, et ils iront jusqu’à s’allier avec les turques (François 1er), à affirmer que le Roi de France est empereur en son royaume (naissance du concept de souveraineté) et même, iront jusqu’à violenter le Pape de Rome (qui en mourra) afin de mettre leur propre Pape à Avignon) Machiavel admire cette grande principauté française, cette monarchie, qui résiste à l’empire. (Déjà à cette époque, certains princes électeur du saint empire germanique propose des forme d’union européenne impériale afin de se faire bien voir de l’empereur, tel que Podibrad et d’autres.)

    - Dès lors, Pour Machiavel, il faut que le demos puisse se défendre des tentatives de dominations extérieures. D’où son intérêt pour l’art de la guerre, c’est à dire le moyen de sa propre liberté.

    Dans cet ouvrage, Machiavel pose une question centrale, qui n’a rien à voir avec la stratégie pure comme cet article essaye de le démontrer. La question centrale est de savoir si un peuple, pour assurer sa liberté, doit avoir une armée de métier, ou si chaque citoyens (membre de la cité) doit pouvoir devenir soldat en tant de guerre.

    (a suivre : la réponse de machiavel à cette question)

     

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  • #1527323
    Le 4 août 2016 à 00:39 par Dollycomeback
    Machiavel, homme de guerre

    troisième partie et fin :

    La réponse de Machiavel à la question de savoir si un peuple doit avoir une armée de métier (c’est à dire payée pour se battre, une armée mercenaire donc) ou si ce peuple doit pouvoir organiser sa défense en cas d’agression, est sans équivoque.

    En effet, ce dernier argumente avec toute son habileté en faveur de la deuxième solution. A savoir qu’une armée de métier ne peut rien faire bon en temps de paix, à part souhaiter une nouvelle guerre ou organiser le pillage des autres démocratie (toujours au sens étymologique).

    Il opte donc pour la seconde solutions, prenant exemple sur la vaillance des Anciens au combat. Même si cet exemple peut sembler fantasmé vu sa réelle connaissance du passé, il n’en demeure pas moins qu’il pense l’organisation de la guerre comme un moyen, pour les gens eux-mêmes, de garantir leur liberté. Le service militaire étant pour lui, le meilleur moyen d’entrainer une population à la défense de sa propre liberté.

    En conclusion, je ne peux que vous inciter à lire vous-même cette auteur diabolisé, eu égard à sa doctrine. Machiavel est toujours attaché à ce qu’on appelle le Machiavélisme, qui n’a strictement rien à voir avec ses écrits réels. La lecture de Machiavel dans les études supérieures est toujours focalisée sur 3 chapitres du "Prince" (De Principatibus). Or, sans le contexte, on ne peut comprendre cette oeuvre. En effet, avant de publier cette opuscule, Machiavel a été torturé par les Médicis, notamment par le Prince de Florence, qui le suspectait d’avoir participé à une conjuration contre son pouvoir monarchique au moment de la levée injustifiable d’un impôt de 100 000 Florins pesant sur la cité de Florence. Le prince est donc une forme de CV que Machiavel envoi au prince de Florence, car celui précise, qu’il ne sait rien faire d’autre que s’occuper des affaires de l’état (la politique de la cité, au sens de comment on doit instituer la cité, et l’organisation institutionnelle permettant la prise de décision collective), et qu’il veut donc travailler pour le prince (pouvoir politique du moment), même si ce dernier ne devait lui confier que la plus ingrate des tâches, "dusse-t-il passer sa vie à faire rouler une pierre". Par cette manœuvre d’allégeance, Machiavel assure la pérennité de sa propre vie, et de celle de sa famille. Il finira néanmoins comme historiographe des Médicis, et participera tristement à la légitimation historique de leur pouvoir.

     

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  • #1527774
    Le 4 août 2016 à 17:46 par Naze Arrete
    Machiavel, homme de guerre

    ..et devinez à quelle communauté appartenait cet homme pas très catholique ?

     

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