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Mariage et parentalité homosexuels*

Par Damien Viguier, Avocat à la Cour - Docteur en droit

Le 28 novembre 2009, le conseil général du Jura a donné son agrément à l’adoption d’un enfant par une femme vivant notoirement avec une autre femme.

Notre droit positif s’achemine vraisemblablement vers la possibilité pour des couples de même sexe de nouer des liens de filiation avec un enfant. Il leur sera également possible, d’une manière ou d’une autre, de contracter mariage. Les questions de la filiation et du mariage forment en vérité une seule et même question dans la mesure où, traditionnellement, la raison d’être du mariage d’un homme et d’une femme est d’instituer un rapport de filiation légitime de l’homme à l’enfant ; autrement dit, la paternité est, selon cette optique, le but du mariage. Cette évolution est, avons-nous dit, vraisemblable. Nous en avons pris le chemin en doctrine et, avec le Pacs, en législation. Il s’agit d’un phénomène d’ampleur internationale qui concerne au premier chef les sociétés occidentales. Le cap de l’adoption et du mariage pour couples homosexuels est déjà franchi dans nombre de pays européens. À moins d’une incurvation du sens de l’Histoire dont nous ne percevons encore aucun signe tangible, il le sera aussi en France, en législation ou en jurisprudence.

L’égalité juridique des sexes a rendu possibles mariage et parentalité homosexuels

Cette évolution n’est pas une révolution brutale et soudaine. Le terrain juridique y a été préparé de longue date. Je veux dire qu’une union entre deux hommes ou entre deux femmes, de même qu’un rapport de parenté entre un enfant et deux personnes de même sexe, rien de tout de cela n’eût été possible à une époque où les rôles juridiques étaient clairement distincts d’un sexe à l’autre. On peut le dire sans craindre de se tromper : l’édifice traditionnel du droit de la famille reposait sur la distinction des sexes. Les règles de dévolution du nom et des biens n’étaient pas les mêmes pour un homme et pour une femme. Seul l’homme jouissait, encore au XIXe siècle, de la fameuse trinité des puissances : maritale, sur son épouse, paternelle, sur ses enfants, tutélaire, sur ses pupilles. Et, jusqu’en 1965, dans le mariage, en matière patrimoniale, régime de communauté ou régime dotal, les droits et les pouvoirs du mari et de la femme étaient tout sauf symétriques.

Dans un tel contexte, l’association de deux hommes ou de deux femmes, que ce soit pour le mariage ou pour la parenté commune, eût été impensable. Les statuts étaient en quelque sorte sexués : les institutions reposant sur une distinction des sexes, il eût fallu, à l’un ou à l’autre des deux membres du rapport, jouer le rôle du sexe opposé au sien. Cela eût signifié qu’un individu transgressait de sa seule volonté l’état que l’ordre juridique lui assignait. Homme, il eût joué le rôle d’une femme ; femme, elle eût joué le rôle d’un homme. Or on ne choisit pas son état. L’anatomie avait donc des conséquences juridiques indépassables. C’est par conséquent l’égalité juridique des sexes qui a rendu possibles mariage et parentalité homosexuels. L’égalisation des statuts a été le préalable nécessaire des évolutions auxquelles nous assistons ces dix ou vingt dernières années. Autrement dit, l’homosexualité juridique a préparé le terrain de l’homosexualité réelle. Que ce soit en matière successorale, matrimoniale, de filiation, etc., le sexe de la personne est devenu indifférent. Les rôles qui se jouaient entre deux sexes peuvent alors se jouer indifféremment entre personnes de même sexe. Le passage de la paternité à la parentalité (loi du 4 juin 1970 intitulant « De l’autorité parentale », au lieu de « De la puissance paternelle », le titre IX du Livre 1er du Code civil), pour prendre un exemple, autorise à lui seul que les deux parents soient de même sexe. Nombre de ceux qui s’alarment aujourd’hui du cours que prennent les choses ne voient pas qu’en droit positif tout s’est déjà joué.

C’est exactement le même phénomène qui explique que l’on ait fini par satisfaire les revendications des transsexuels. Il est remarquable que leur reconnaissance juridique soit contemporaine de la montée en puissance de l’égalité entre hommes et femmes. Là aussi, tant qu’une importante différence de régime restait attachée à l’anatomie de l’individu, il n’était pas acceptable que l’on puisse volontairement transgresser son état. Mais dès lors qu’il ne subsiste plus comme différence qu’un chiffre sur les registres de la Sécurité sociale, ou le genre d’un prénom, le changement de sexe n’a réellement plus de portée juridique. Aucune distinction, aucun critère ne demeure juridique lorsqu’une distinction de régime n’y est plus attachée.

Et notons encore, autre marqueur de la même évolution, que dans le temps même où les transsexuels commençaient d’être reconnus par le droit, le cas de l’hermaphrodite perdait, mais pour la même raison, toute pertinence. En effet, ce cas a retenu pendant des siècles l’attention des juristes. Parce que les conséquences attachées à la distinction des sexes mâle et femelle étaient telles, et ce critère du sexe formait à ce point la pierre de touche de tout l’ordre civil, qu’il était absolument indispensable de déterminer la catégorie à laquelle rattacher l’individu, fût-ce, dans le cas difficile de l’hermaphrodite, au prix d’une présomption. Aujourd’hui, au contraire, ce cas n’est même plus étudié à l’Université. Au regard de notre droit positif, c’est bien plutôt l’hermaphrodite, jadis considéré comme une monstrueuse aberration de la nature, qui pourrait faire figure de cas normal.

*Initialement paru dans Droit et Patrimoine, n°189, février 2010, p.20-21...

 






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8 Commentaires

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  • #183189
    Le 8 juillet 2012 à 18:16 par Quantité Négligeable
    Mariage et parentalité homosexuels*

    Cet article donne l’impression que tout est joué d’avance.

    Les combats politiques (tout ou presque est politique) sont à envisager comme une partie d’échec. Il faut prévoir ses coups à l’avance en fonction d’une hypothèse de premier mouvement. Et plus vous possédez la capacité de prévoir un grand nombre de coups pour un grand nombre d’hypothèses, plus vous êtes sûr d’amener le jeu où vous voulez qu’il se dirige.

    C’est peut-être même une définition de la métapolitique (j’écris ceci à tout hasard, avis aux experts en la matière).

     

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  • #183226
    Le 8 juillet 2012 à 20:27 par SpiritusRector
    Mariage et parentalité homosexuels*

    Ce qui me semble certain dans ce monde, c’est que même les choses acquises ne le sont jamais que provisoirement...

    Un exemple : combien de décennies avant le retour inexorable de la peine de mort ?...10 ans 20 ans, guère plus...

    Le système se durci, engendre des "monstres" de plus en plus jeune, de plus en plus nombreux, et de plus en plus monstrueux...Au train ou vont les choses...
    De plus celle ci est encore pratiquée de manière officieuse...Suicides pas toujours volontaires, etc...Si les provinces veulent du châtiment corporel ce n’est certainement pas l’empire qui va les en empêcher...N’en déplaise à quelques prédicateurs "droitdel’hommistes" ne comprenant pas qu’ils sont le moyen et non la fin en soit...

     

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  • #183248
    Le 8 juillet 2012 à 21:20 par fifty miles
    Mariage et parentalité homosexuels*

    Commentaire sur la photo illustrant l’article : le vice au bras du crime (Chateaubriand)

     

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  • #183375
    Le 9 juillet 2012 à 00:49 par swordfish742000@yahoo.fr
    Mariage et parentalité homosexuels*

    Ils ont oublies les commentaires sur la photo ;
    - "ca va mieux Bebert, je t’ai pas fais trop mal ?"
    - "t’inquiete pas mon Jacko, je crierais moin fort la prochaine fois..."

     

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  • #183385
    Le 9 juillet 2012 à 01:09 par schwartzy
    Mariage et parentalité homosexuels*

    c’est vraiment n’importe quoi ! ou sont nos valeurs française ! Je plein les pauvres enfants qui vivront avec un couple du meme sex : bonjour les repères ! à ce que nous sachons un enfant n’est pas issue de parents de sex identiques ; cela feront d’eux des :"paumés" !c’est complètement immorale !

     

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  • #183558
    Le 9 juillet 2012 à 15:15 par EE
    Mariage et parentalité homosexuels*

    les mesures sociétales cherchent à détourner l’attention des gens des problèmes majeurs, mais la rouspétance contre ces mesures sociétales cherche à détourner l’attention des gens de la violence assassine croissante exponentiellement de la communauté arabo-musulmane en France

     

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  • #184322
    Le 10 juillet 2012 à 15:04 par Le grand Ferré
    Mariage et parentalité homosexuels*

    Et les compagnies d’assurance suivent, bien entendu : http://tinyurl.com/ckut4hh
    (photo de la couv’ du magazine MAIF)

     

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