Egalité et Réconciliation
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Russie 2.0

par Alexandre Latsa

L’avènement d’internet, une des plus grosses révolutions de l’après guerre, si ce n’est la principale a bien évidemment également concerné la Russie. Selon les statistiques, le pays comprendrait près de 46 millions d’internautes en 2010, sur 143 millions d’habitants. Le taux de pénétration d’Internet serait donc de 30% et près de 22% des Russes se connecteraient à Internet chaque jour, 9% au moins une fois par semaine. Les russes représentent aujourd’hui 3% des surfers du globe. La Russie est d’ailleurs le second pays européen après l’Allemagne quand au nombre d’utilisateurs, mais pourrait d’ici 2012 devenir le premier.

De 2002 à 2010 la hausse de l’accès à Internet a été exponentielle, une croissance assez bien répartie sur le territoire et que l’on ne retrouve que dans d’autres pays en forte croissance, comme la Chine (420 millions d’utilisateurs), l’Inde (239 millions d’utilisateurs) ou le Brésil (75 millions d’utilisateurs). Ces 4 pays, qui sont également connus sous le nom de les pays du BRIC, devraient du reste d’ici 2015 voir leur nombre d’utilisateurs à Internet doubler, atteignant 1,4 milliards de connectés.

Dans un pays qui a longtemps souffert du silence (sous l’URSS) et de l’absence de possibilité de réellement exprimer toutes ses opinions, l’internet Russe (ou Runet) est devenu en quelques années l’une des principales sources d’information, mais aussi d’expression des Russes. Runet est l’un des principaux symboles de l’ouverture de la Russie et une simple visite et lecture des nombreux blogs contenus permet de comprendre que la toile russe est l’une des plus libres du globe.

Selon le site d’information metrica.ru l’audience journalière de l’internet russe a par exemple atteint 38 millions en novembre 2010. La blogosphère Russe à littéralement explosé ces dernières années. Seraient aujourd’hui recensés dans l’internet Russophone, près de 30 millions de blogs, et leur influence ne cesserait de s’accroitre en Russie, ceux-ci étant d’ailleurs de plus en plus cités par les médias traditionnels (6.000 fois en 2010 contre 30 fois en 2005). Pour nombre d’analystes, la blogosphère Russe pourrait d’ailleurs dans les prochaines années prendre le pas sur les médias traditionnels. Le net russophone n’est pas en reste sur les réseaux sociaux.

Actuellement, les internautes se partagent principalement entre deux principaux réseaux sociaux, Vkontakte et Odnoklassniki.

Il faut noter une particularité du Runet, celui justement d’être très orienté vers le “Made in Russia“ L’audience de ces deux sites est très fortement concentrée dans la tranche d’âge des 20 à 35 ans ce qui les place pour l’instant très loin devant l’américain Facebook quand à la fréquentation. Les Russes sont d’ailleurs les leaders planétaires du temps passé sur les réseaux sociaux, loin devant les brésiliens ! Même le leader planétaire des moteurs de recherche, l’américain Google, ne perce pas en Russie puisque plus de 60% des recherches en ligne sont faites grâce au moteur de recherche Russe Yandex contre 20% pour Google.

En 2010 de nombreuses affaires ont créé des Buzz sur Internet en Russie, que l’on pense aux protestations pour la préservation de la forêt de Khimki, à l’accident de voiture du vice président de la société Loukoïl, aux manifestations contre les gyrophares ou encore lors des tragiques incendies de l’été dernier. Dans chacun des cas, les blogueurs ont enquêté, commenté, relayé, et réellement fait vivre l’information, pour qu’elle ne tombe pas dans l’oubli.

Lors des incendies, les blogueurs ont organisé des sites d’information par zones géographiques et des organisations de volontaires zone par zone pour aller combattre les incendies. Une réaction tout à fait surprenante et intéressante pour une société Russe que de nombreux commentateurs trouvent trop passive face au sens de l’histoire. Internet, via Youtube est notamment utilisé par les Russes, qui souhaitent communiquer, ou faire passer des messages au plus haut niveau de l’état. Le cas du policier Dymovski qui avait fait un message vidéo pour dénoncer la corruption dans la police. Celui ci a rapidement fait des émules et en 2010, ce sont les “partisans de la forêt“, un groupe terroriste qui avait pris le maquis en extrême orient qui s’est servi de Youtube pour communiquer. Plus récemment, en décembre dernier, une très forte activité Internet a permis aux participants des différentes manifestations ethniques de rapidement se réunir, s’organiser, mais également de faire passer nombre de messages jugés extrémistes.

L’impulsion vers ce nouveau média n’est pas comme beaucoup aiment à le laisser penser propre à la Russie dont les médias seraient verrouillés, mais un mouvement générationnel et global. En Russie, c’est d’ailleurs le président Medvedev qui est le plus célèbre des bloggeurs, puisque celui-ci a ouvert son propre blog sur la plateforme Live Journal (la principale plateforme d’hébergement de blogs en Russie) et celui-ci compte désormais plus de 200.000 abonnés. Mais le président n’est pas le seul, la plupart des hommes politiques, des élus locaux ont en Russie également leurs blogs, leurs pages personnelles sur lesquelles ils s’expriment, ouvertement. Ceux-ci ont du reste été priés par le président de tout simplement investir la blogosphère.

Preuve du dynamisme de la scène Internet en Russie, la possibilité de désormais déposer des noms de domaine en cyrillique afin de pouvoir répandre plus largement Internet et augmenter la pénétration sur le territoire, à travers des populations qui ne maitrisent pas forcément l’alphabet latin. Le processus a été rendu possible dès octobre 2009 et la première demande russe en cyrillique a été déposée le 21 janvier 2010.

Enfin, il semble difficile de parler d’Internet sans parler du risque croissant apporté par les virus, ces logiciels malveillants qui contaminent les ordinateurs qui ne sont pas protégés. Pour s’en prémunir, des anti-virus existent, comme celui de Kaspersky-Lab, une société russe, dont le siège est à Moscou et qui équipe aujourd’hui plus de 300 millions d’ordinateurs dans le monde. Une success-story “Made in Russia“ commencée en 1997 et qui s’inscrit parfaitement dans la thématique de modernisation qui entoure le développement de la Russie d’aujourd’hui.