Tout est parti d’un entretien de Sarah Knafo, la figure de Reconquête !, le mouvement d’Éric Zemmour, pour le site l’OJIM, qui dénonce à longueur de temps la mainmise de la gauche sur l’information. Et là, il s’agit d’information publique. Nous avons analysé les arguments de Sarah, et les avons, en toute modestie, quelque peu corrigés.
OJIM : Vous avez récemment affirmé au micro de Sud Radio que les Français paient 83 euros/mois chaque année à France TV. L’ancienne ministre Olivia Grégoire vous a répondu, affirmant que cela était faux puisque la redevance a été supprimée. Comment êtes-vous arrivée à ce chiffre-là et que lui répondez-vous ?
Sarah : Nous avons des ministres qui ne savent pas compter. La loi de finances 2024 indique une dotation publique de 2,57 milliards d’euros pour France Télévisions. Selon l’INSEE, il y a 31 millions de ménages en France. 2,57 milliards d’euros divisés par 31 millions de ménages font 83 euros, en moyenne, par ménage. Si vous comptez la totalité de l’audiovisuel public, et pas seulement France Télévisions, c’est 4 milliards d’euros, soit 130 euros par an et par ménage. C’est plus cher qu’un abonnement à Netflix, qui lui est volontaire et résiliable.
Donc je réponds à madame Grégoire que l’audiovisuel public reste à ce jour, en l’absence de tout bon sens, un service public et qu’à ce titre il est toujours financé par l’argent des Français. Elle croit sans doute que les administrations sont financées par de l’argent magique qui pousse dans les arbres ? Ce qui était hier financé par la redevance est aujourd’hui financé par tous nos impôts. La seule différence, c’est que, désormais, même ceux qui n’ont pas de télévision payent pour France Télévisions. Beau progrès !
Tout à fait d’accord. Il faut être menteur comme un macroniste pour dire que les Français ne payent plus la redevance, puisqu’elle est directement prélevée à la source, dans l’impôt même, donc par une main invisible. C’est la grande réforme de l’ère Macron, on te pique ton fric sans même que tu aies à le donner. C’est pour te faire gagner du temps, petit contribuable...
Maintenant, apportons notre touche calculatrice. Il y a bien 31 millions de foyers en France, qui financent donc France Télévisions à hauteur de 2,57 milliards d’euros, et le service public audiovisuel à hauteur de 4 milliards, la crêpe complète avec Radio France, l’INA, France Médias Monde (comprenant France 24 et RFI), Arte et TV5 Monde.
L’OJIM et Sarah parlent de 83 euros par mois et par ménage, soit 996 euros par an. Or, 2,57 milliards sur 31 millions donnent 83 euros, mais par an, soit à peu près 7 euros par mois, ce qui n’est pas méchant, pour la jambon-œuf-fromage. Surtout que la France compte 40 millions de foyers fiscaux, ce qui allège encore la note par foyer : on arrive à 64 euros par an, calcul plus juste, soit un peu plus de 5 euros par mois. Même pas le prix de 4 baguettes ou d’une pinte de bière. Pour financer un ensemble de 16 000 employés, c’est peu.
Cependant, là où Sarah aurait pu aller plus loin, c’est en considérant qu’en France, tous les foyers fiscaux ne participent pas à l’impôt : 50 % d’entre eux sont exonérés, et vous savez pourquoi ? Parce qu’ils ne gagnent pas assez, ces salauds. Du coup, on redescend à 18 millions de foyers réellement contributeurs. Ce sont ces généreux Français qui financent le SPA. Là, on peut reprendre le calcul, plus fin : cela donne 142 euros par an, soit presque 12 par mois par foyer contributeur.
Le patron de l’OJIM, qui se targue de recouper toutes les infos qu’on lui propose, a un peu dérogé à son principe, peut-être à cause de la jolie frimousse de Sarah, ou de la concomitance des idéologies, sinon des deux. Une sorte d’aveuglement qui peut anéantir l’esprit critique. Mais bon, c’est humain.
« France Télévisions a démontré que le service public n’est pas un gage de neutralité, ni de pluralisme. Dès lors, ce service public n’a plus lieu d’être. Que fait France Télévisions que ne font pas les chaînes privées ? Qu’est-ce qui manquera au paysage audiovisuel français si, demain, France Télévisions devient un groupe privé ? À mon avis, rien. »
Dans le reste de l’interview, Sarah développe son idée de démonter le SPA pour laisser le marché de l’information faire son boulot. Elle oublie que le marché n’est pas parfait, juste ou démocratique : le marché, ce sont les forces du marchés, en l’occurrence les milliardaires que tout le monde connaît. Et qui sont souvent liés à l’État par des grands contrats, qui profitent de la manne de l’État ou d’un État qui regarde ailleurs quand il s’agit de payer des impôts en France. Vous voyez, le serpent se mord la queue. L’info là aussi est tronquée, en haut lieu.
Pourquoi il ne faut pas détruire mais réformer le SPA
Un vrai SPA, c’est un SPA qui respecte sa propre charte de la pluralité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et sur ce point, Sarah a raison : ce n’est qu’un robinet gauchiste du matin au soir. Tout ça dans un pays qui est à 66 % non gauchiste, au deux tiers, donc. Ça participe de la crise de la représentation, source de toutes les critiques à l’encontre d’une information idéologiquement minoritaire.
La seule solution, un peu à l’image du conflit IP (un État non raciste plutôt que deux États), c’est un SPA pluraliste, et il ne sera puissant et respecté que s’il est pluraliste. Zemmour et Knafo sont peu invités – que dire de Soral – sur le SPA, et quand ils le sont, c’est dans une ambiance hostile au possible.
Pour aller plus loin dans le détail, et cela satisfera les droitards, Rachida et Sarah, il est totalement anormal que 16 000 employés produisent une information quasi unique dans des dizaines de JT et de formats magazine sur tous les supports, à savoir télé, radio et Internet ! C’est la même soupe, un seul journal pour tous et on peut déjà virer des milliers d’inutiles.
Sauf si les JT diffèrent en respectant les sensibilités des Français. Là, on pourra avoir une analyse, par exemple, de Youssef Hindi en direct le matin dans la matinale de France Inter, après un bombardement israélien sur Gaza, une analyse d’Alain Soral le midi sur France Info après les annonces antisociales de Bayrou, et un sujet sur le terrorisme dit islamiste par Vernochet dans un magazine du soir. Et pourquoi pas, un JT de la réinformation tous les jours à 19 heures sur France 2, juste avant le JT classique, avec la Bande des Quatre formée par Rémi de Juste Milieu, Aberkane, Borowski et Marcel. Là on peut vous dire que les gens en auront pour leur argent, et que les audiences du SPA monteraient en flèche, mettant en panique les chaînes privées.
La solution est donc de dégauchiser le SPA et de l’ouvrir au pluralisme politique. C’est-à-dire, concrètement, inclure CNews, qui est née de cette incongruité et de ce monopole, dans le SPA. Et E&R évidemment. Ah, on oubliait, il faudrait aussi respecter le poids démographique réel de chaque communauté, que les émissions d’information ou de divertissement soient en proportion des populations ou des mouvements de pensée.
Par exemple, une communauté pesant 1 % de la population ne pourrait pas avoir 50 % de temps d’antenne, et une commu qui pèse 10 % ne pourrait pas avoir seulement 1 %. C’est un simple petit calcul à faire, pas du tout impossible puisque l’ARCOM le fait déjà pour les temps de parole pendant les campagnes électorales. Il suffit juste d’étendre le principe à toutes les chaînes et stations publiques du matin au soir.
Sarah chez Pascal, sous le charme